En prison depuis le 3 octobre 2023, lâchée par ses pairs avocats, oubliée par les médias, méprisée par l'opposition, Abir Moussi doit faire face à deux nouvelles affaires judiciaires. Alors qu'elle est deuxième aux derniers sondages, ses chances de devenir présidente de la République s'éloignent peu à peu. Le régime de Kaïs Saïed s'ingénie à la persécuter pour l'écarter totalement de la course. Le 30 janvier dernier, Abir Moussi était à deux doigts d'être libérée. Le juge d'instruction chargé de son dossier a décidé de classer l'ensemble des accusations à caractère criminel et tombant sous l'article 72 du code pénal. Alors qu'elle risquait la peine de mort, au vu des accusations initiales montées de toutes pièces par le parquet, la présidente du Parti destourien libre (PDL), n'est désormais poursuivie que pour des délits mineurs. « Elle devrait être libérée dans la foulée », espéraient alors les dirigeants de son parti. « Restons quand-même prudents », les calme l'avocat et membre de comité de défense, Nafaâ Laribi. En effet, deux jours plus tard, le parquet (hiérarchiquement dépendant du pouvoir exécutif) fait appel de la décision du juge et maintient Abir Moussi en prison. Elle y est depuis le 3 octobre 2023 et elle risque de le rester encore quelque temps. Kaïs Saïed ne tient pas à voir dehors cette candidate sérieuse à sa succession. Les faits pour lesquels Abir Moussi a été arrêtée sont des plus anodins. Sous d'autres cieux, elle n'aurait même pas été interpellée. Elle s'est présentée au palais de Carthage exigeant d'obtenir une décharge pour un recours contre des décrets présidentiels liés aux élections locales. Comme à son habitude, elle se faisait filmer en direct sur les réseaux sociaux pour prendre à témoin l'opinion publique. Kaïs Saïed n'a pas apprécié et il l'a fait arrêter de suite. Le parquet lui a ensuite concocté une série d'accusations rocambolesques, à savoir, attentat ayant pour but de provoquer le désordre, traitement des données à caractère personnel sans l'autorisation de la personne concernée, et entrave à la liberté du travail. L'accusation a ensuite modifié le chef d'accusation prenant en considération l'ensemble de l'article 72 du Code pénal sur les attentats contre la sûreté intérieure de l'Etat. Toutes ces accusations ont été démontées par le juge d'instruction, qui a fait preuve d'un rare courage, et risquent de l'être de nouveau devant le tribunal correctionnel. Le jour de son procès, Abir Moussi a de fortes chances d'être acquittée ou, au pire, obtenir une légère peine de prison. Cette date avance à grands pas, le pouvoir n'ayant pas la possibilité de la faire retarder éternellement.
Anticipant une éventuelle libération, ce qui a pour conséquent permettre à Abir Moussi de candidater pour la présidentielle théoriquement prévue en octobre 2024, le parquet a sorti de nouvelles affaires pour la présidente du PDL. Deux jours après la décision du juge d'instruction, Karim Krifa, membre du comité de défense, annonce qu'un autre juge d'instruction a décidé le 1er février 2024 d'émettre un nouveau mandat de dépôt contre Me Moussi. Il vient suite à une plainte déposée par l'Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie) dont les membres ont été nommés par Kaïs Saïed. Cette plainte concerne des propos tenus par Abir Moussi en 2022. Une autre plainte, de la même Isie, concerne des propos tenus en janvier 2023. Outre ces deux plaintes de l'Isie, Me Moussi devait également faire face à un recours déposé par la centrale syndicale UGTT. Cette dernière a cependant retiré sa plainte, estimant que la présidente du PDL est déjà suffisamment persécutée par le pouvoir. En clair, quand bien même Abir Moussi serait libérée pour les faits liés à l'incident du bureau d'ordre du palais de Carthage d'octobre 2023, elle restera encore en prison pour subir les deux plaintes de l'Isie.
Malgré cet acharnement, la présidente du PDL a continué à garder l'espoir d'être libérée avant les élections. Que nenni ! Le 6 juin 2024, son avocat Ali Bejaoui annonce qu'elle doit faire face à deux nouvelles instructions poursuivies par deux juges différents. Commentant cette double-convocation concomitante, son autre avocat Nafaâ Laribi a ironisé sur cet acharnement subi par sa cliente. « Les solutions que je propose pour que Me Abir Moussi soit auditionnée en même temps par deux juges d'instruction différents : 1/ le clonage ; 2/le hologramme ; 3/l'ubiquité. Y a-t-il d'autres solutions ? ». Mieux vaut en rire, en effet. Pour Me Bejaoui, le pouvoir fait preuve de non-respect des procédures et de la loi ayant pour unique but d'empêcher la présidente du PDL de candidater à la présidentielle. Au PDL, on croit dur comme fer que si jamais Abir Moussi se présente, elle gagnerait haut la main la présidentielle. CQFD. En l'absence d'un sondage récent, il n'y a pas de chiffre qui étaie ces espoirs et on n'a que des prophéties. Les seuls sondages dont nous disposons remontent à juin 2022 et placent Abir Moussi bien derrière Kaïs Saïed. Depuis, de l'eau a coulé sous les ponts. Le chef de l'Etat a perdu de sa superbe et risque fort de ne pas obtenir une majorité si jamais il y a aujourd'hui des élections réellement libres, transparentes et indépendantes. Ce qui est loin d'être gagné. Dans les faits, la popularité de Kaïs Saïed est en dégringolade et la menace de Abir Moussi deviendrait bien réelle, si jamais elle est libérée de prison. C'est évident, le régime a tout intérêt à la maintenir derrière les barreaux et à multiplier les affaires et les procédures judiciaires. Persécutée après le 14 janvier 2011 par les tenants du pouvoir, après les élections de 2019 par les islamistes au pouvoir, Abir Moussi continue à être persécutée après le 25 juillet 2021 par le pouvoir de Kaïs Saïed. Durant toutes ces périodes, la dame a demandé une seule et unique chose : exister politiquement dans un pays qui applique strictement la loi, et uniquement la loi.