Le président de la ligue tunisienne des droits de l'Homme (LTDH), Bassem Trifi, a accordé une interview au journal Acharaâ Al Magharibi parue dans son numéro du mardi 20 février 2024. Dans cet échange avec Mohamed Jallali, Bassem Trifi a réitéré la position de la ligue concernant l'amendement du décret 88 relatif aux associations, soulignant que cette mesure porte atteinte aux piliers de la société civile et rappelant que le décret actuel, et d'autres lois, disposent de mécanismes pour contrôler l'activité des associations de leur constitution à leur financement et gestion. Dans un autre registre, il a affirmé que si le nombre de cas de torture dans les centres de détention et les prisons a considérablement baissé après la révolution, certains cas isolés sont encore observés. « Ces cas sont liés au fait que les coupables se soustraient à leurs responsabilités dans la mesure où ils n'ont pas été traités avec le sérieux nécessaire. Parfois ce laxisme est le résultat d'une certaine complicité entre des sécuritaires et leurs collègues et la peur ressentie par certains juges » a-t-il ajouté. « Nous avons des conventions avec les ministères de l'Intérieur et de la Justice, nous pouvons donc nous rendre régulièrement aux centres de détention et aux prisons mais la plupart de nos demandes ne sont pas satisfaites par la suite (...) les services de sécurité continuent d'être traités de la même manière même après le 25 juillet 2021 avec une certaine indulgence... la clémence des juges envers les sécuritaires accusés de torture et de maltraitance me pousse parfois à croire que les juges ont peur des sécuritaires » a poursuivi Bassem Trifi. Concernant la liberté d'expression dans la Tunisie d'après 25 juillet, il a estimé que la situation est inquiétante et que les citoyens évitent désormais de s'exprimer craignant que cela les conduise à être emprisonnés. « Les Tunisiens vivent aujourd'hui dans un climat de suspicion et de peur d'être poursuivis. Aujourd'hui nous avons six secrétaires généraux de partis politiques en prison, d'autres sont poursuivis (...) des journalistes également (...) tout le monde est menacé de poursuites en vertu du décret 54, la plupart des journalistes font face à des poursuites, de nombreux avocats aussi, cela est un message clair qui dit qu'il faut cesser de se mêler des affaires publiques (...) nous sommes pour la lutte contre la corruption mais contre les règlements de comptes politiques » a confié Bassem Trifi. Il a enfin estimé que le pouvoir judiciaire n'est plus indépendant, qu'il est terrorisé à l'idée d'aller à contre courant du pouvoir sous peine de subir des représailles. « Ceux qui ne vont pas dans le sens du pouvoir politique sont limogés » a conclu Bassem Trifi.