Ahmed Hachani achève aujourd'hui son premier mois à la Kasbah. Nous avons essayé de voir ce qu'il a réalisé durant ce mois et nous n'avons rien trouvé de substantiel. 1er août 2023, le président de la République nomme Ahmed Hachani, chef du gouvernement, en remplacement de la non regrettée Najla Bouden. Théoriquement, si l'on prend pour référence ce qui se passe dans les pays développés, le nouveau chef du gouvernement aurait dû nommer son gouvernement sous 48-72 heures, annoncer son programme aux Tunisiens et commencer à travailler. Théoriquement, également, l'opposition et les médias devraient lui donner un répit de cent jours pour le laisser travailler à son aise et prendre ses marques. Un mois après, force est de constater que le chef du gouvernement n'a rien fait de ce que devrait faire un chef du gouvernement. Mais absolument rien ! Sans apporter de jugement hâtif, en respect des fameux cent jours, nous avons quand même fait le décompte de l'ensemble des rencontres qu'il a faites, mais aussi de celles qu'il n'a pas faites. Du 1er au 31 août (à 11 heures), voici les activités du chef du gouvernement, d'après ce qui a été publiquement annoncé par ses services :
- Dix rencontres avec le président de la République dont six en tête-à-tête ; - Huit tête-à-tête avec ses ministres (Commerce, Finances, Sports, Education, Transport, Tourisme, Famille et Affaires étrangères) ; - Une rencontre avec le mufti de la République ; - Une rencontre avec le président de l'Isie (protocolaire, ce dernier lui a juste remis son rapport) ; - Un mini conseil ministériel consacré à la rentrée scolaire ; - Une rencontre avec le ministre libyen de l'économie en présence du président de l'Utica ; - Un message écrit de félicitations à l'occasion de la fête de la femme.
- Zéro rencontre avec le président du parlement ; - Zéro rencontre avec le président du CSM ; - Zéro rencontre avec le gouverneur de la BCT ; - Zéro rencontre avec le président du CMF ; - Zéro rencontre avec le SG de l'UGTT et des autres organisations syndicales ; - Zéro rencontre avec le président de l'Utap - Zéro tête-à-tête avec le président de l'Utica et le président de la Conect ; - Zéro rencontre avec la présidente de l'UNFT ; - Zéro rencontre avec les ministres de souveraineté (Justice, Intérieur, Défense) ; - Zéro rencontre avec les organisations professionnelles (Journalistes, directeurs de journaux, médecins, pharmaciens, avocats, magistrats, ingénieurs…) ; - Zéro rencontre avec les organisations de la société civile nationale (LTDH, ATFD, OMCT…) ;
Egalement à noter durant ce mois : - Zéro allocution directe à l'adresse du peuple ; - Zéro interview journalistique qu'elle soit télévisée ou pour la presse écrite ; - Zéro décision directe à l'exception de celle relative au retour de la double-séance ; - Zéro remaniement ; - Zéro prise de décision sur les crises actuelles (inflation, multiples pénuries, endettement, assèchement des ressources financières du pays…) ; - Zéro prise de décision sur le dossier ouvert au FMI ; - Zéro programme d'avenir.
Dans les pays normalement constitués, un chef du gouvernement aurait déjà fait toutes ses activités durant ses trente premiers jours. Il aurait multiplié les conseils des ministres et les tête-à-tête avec les ministres pour résoudre les problèmes en cours. Il aurait multiplié les rencontres avec les organisations professionnelles et celles de la société civile pour écouter leurs doléances. En clair, il aurait rencontré l'ensemble des forces vives du pays et annoncé son programme à court terme, pour en finir avec les problèmes actuels, ainsi que son programme à moyen terme pour donner de l'espoir et booster ainsi les troupes. Dans un monde idéal, il aurait même donné son programme à long terme pour faire rêver ses concitoyens. Les trente premiers jours d'un chef sont annonciateurs de la suite du mandat, généralement. Au vu de ce mini-bilan des trente premiers jours d'Ahmed Hachani, on se dirige visiblement vers un bilan similaire, voire pire, que celui de Najla Bouden. Il y a des sujets brulants sur lesquels il aurait dû se prononcer et prendre des décisions immédiates, notamment la question du FMI et de l'assèchement des ressources financières, à l'origine de la majorité des problèmes que vit actuellement le pays. Ahmed Hachani aurait dû trancher sur ces dossiers durant ses 48-72 premières heures, juste après avoir annoncé la composition de sa nouvelle équipe. Il est, en effet, anormal qu'il continue avec la même équipe que celle de sa prédécesseure, c'est du jamais vu. Si Mme Bouden a été limogée, c'est parce qu'elle a été jugée en deçà des attentes, mais elle n'est pas la seule comptable de l'échec, son équipe est également responsable avec elle. Il est également anormal que M. Hachani ne s'adresse pas au peuple et ne lui dise pas ce qu'il envisage de faire et où il se dirige. Les affaires de l'Etat et du gouvernement regardent l'ensemble des citoyens, la Tunisie n'étant pas la ferme personnelle de Kaïs Saïed ou d'Ahmed Hachani. Au regard de ce mini-bilan, on conclut que M. Hachani n'a apporté aucun souffle nouveau et s'inscrit dans la droite ligne de Mme Bouden. Il applique, finalement, la même politique dessinée par Kaïs Saïed, celle du silence et du mépris, celle du refus de la reddition de comptes au peuple. Ceux qui auraient espéré un changement vers le mieux avec la nomination d'Ahmed Hachani, il y a un mois, devront donc déchanter et se remémorer la célèbre citation du grand Albert Einstein : « La folie, c'est de faire toujours la même chose et de s'attendre à un résultat différent ! »