Ils sont une poignée de cinéastes tunisiens qui ont un lien particulier avec la Belgique, car c'est dans ce pays qu'ils ont passé une partie de leur vie pour étudier le cinéma. Nouri Bouzid, Mahmoud Ben Mahmoud, Néjia Ben Mabrouk, pour ne citer que ceux-là ,ont proposé à la cinématographie tunisienne, des films qui se distinguent par une touche personnelle différente de celle des autres réalisateurs ayant fait leurs études en France. Dans un livre d'une centaine de pages intitulé « Parcours de cinéma », paru dans la collection Texto, éditée par Cérès éditions, Daniel Soil, universitaire belge, actuellement Délégué de la Wallonie Bruxelles à Tunis, auteur de plusieurs romans parmi lesquels, « Sans doute » (2006, Editions Luce Wilquin, Attrives), et un monologue intitulé « Cap Beddouza » (2010, Editions Jean-Pierre Huguet-France), donne la parole à des réalisateurs et des techniciens du cinéma dont les œuvres se caractérisent par ce qu'on appelle, l' « école belge ». Depuis que le cinéaste belge Jean-Jacques Andrien est venu filmer dans les années 70 « le fils de Amr est mort », premier long métrage qu'il tourné à Guermassa, un village situé dans le sud-tunisien, le sort des Tunisiens et des Belges est scellé cinématographiquement parlant. Ce précurseur a ouvert la voie à des jeunes qui, quarante ans plus tard, continuent à construire leur parcours artistique en établissant des partenariats avec la Belgique. Le livre de Daniel Soil donne la parole à ces amis de la Belgique qui reviennent sur leur expérience dans ce pays. Dans son témoignage, le journaliste Abdelkarim Gabous répertorie les cinéastes et les techniciens ayant été formés dans les écoles de cinéma en Belgique parmi lesquels, Nouri Bouzid qu'il considère comme étant « le chef de file du nouveau cinéma tunisien » (p.7). Formé à l'INSAS (Institut National Supérieur des Arts du Spectacle), Nouri Bouzid a été en prison pour ses idées politiques et au cours de ces années « nous avons fait parvenir livres de cinéma et cours en prison » (p.12), se souvient Raymond Ravar, directeur honoraire de l'INSAS. Pour sa part, le réalisateur de « L'homme de cendres », raconte son itinéraire insistant particulièrement sur son séjour à Bruxelles. « J'ai eu la chance de rencontrer des créateurs qui m'ont servi de repère par la suite. André Delvaux m'a choisi comme stagiaire sur « Rendez-vous à Bray ». Une véritable leçon de mise en scène, à chaque plan. L'INSAS nous a formés à la rigueur formelle, même si l'air du temps était à la spontanéité » (p.14) Les frères Thabet : Lotfi, écrivain et philosophe et Faouzi, ingénieur du son, gérant de la société Ulysson, mettent l'accent sur leur apprentissage. « Le cinéma que nous avons découvert à l'INSAS correspondait aux nécessités de la Tunisie de l'époque : un cinéma d'auteur posant un regard subjectif, à la fois sur les problèmes personnels et collectifs des gens... On n'apprenait pas vraiment à faire du cinéma « quel qu'il soit », comique, policier, chanté. Nous apprenions seulement à nous exprimer nous- mêmes à l'image du cinéma belge ! de sorte qu'un des liens forts entre le cinéma tunisien et belge est précisément de produire un cinéma d'auteur » (p. 23), souligne Lotfi. Mahmoud Ben Mahmoud, le plus belge des cinéastes tunisiens puisqu'il continue à enseigner à l'Université libre de Bruxelles, dit d'emblée : « mes premiers contacts avec le monde du cinéma étaient belges... A l'INSAS, deux personnalités m'ont marqué de manière décisive, André Delvaux, cultivé connaisseur en littérature comme en arts plastiques et Edmond Bernhard, une sorte d'esthète, de dandy, issu d'un autre siècle. Il avait une approche expérimentale du cinéma et je lui dois les moments les plus intenses de mon parcours à l'INSAS » (p.30-31). « Parcours de cinéma» est truffé d'autres témoignages intéressants de Néjia Ben Mabrouk, Jean-Jacques Andrien, Selma Thabet, André Ceutrick, Mounir Baâziz, Sarra Laâbidi, Michel Baudour, Thierrry De Smedt, Anne Closset etc. ainsi que d'un cahier photos de toutes ces figures dont l'apport est considérable au niveau des liens d'amitié et de partenariat Nord-Sud. Un ouvrage nécessaire pour mieux comprendre le cinéma tunisien et belge. Inès Ben Youssef ___________ « Parcours de cinéma » De Daniel Soil Ceres éditions Tunis ; 2010 ;