La société civile et les professionnels ont dénoncé avec vigueur le caractère politique du procès et accusent le mouvement Ennahdha de s'emporter contre les créateurs et la liberté d'expression Illégal, fallacieux et contre les objectifs de la révolution : tels sont les slogans scandés par les manifestants de divers horizons venus dénoncer le procès intenté contre les 19 artistes et autres sympathisants de l'Association des amis du cinéma et du théâtre du Kef, suite à un spectacle, jugé outrageant pour la morale, présenté samedi dernier au Kef pour dénoncer «la mise à feu» du siège de l'Association par des inconnus, qui seraient, de l'avis de certains membres de l'association, des extrémistes religieux. Hier matin, de nombreux artistes, intellectuels, juristes et autres membres de la société civile ont pris part, devant le siège du Tribunal de première instance du Kef, à un rassemblement au cours duquel ils ont vigoureusement dénoncé le caractère politique et usurpateur du procès dont le but est, de l'avis de plusieurs participants au rassemblement, de porter un coup à la création artistique dans le pays. Tous ont crié halte au scandale et appelé à la vigilance afin de barrer la route à l'extrémisme religieux et aux desseins malveillants visant à museler les créateurs et les médias. Leïla Toubal, artiste et secrétaire générale du syndicat des professions d'art dramatique, a fustigé l'aspect purement politique du procès qui, a-t-elle martelé, ne cherche qu'à faire sombrer la Tunisie dans les méandres de l'obscurantisme et du fanatisme jugeant un tel procès indigne de la Tunisie post-révolutionnaire. Elle a aussi appelé à faire échec aux tentatives visant à instaurer une nouvelle dictature dans le pays se disant convaincue que les Tunisiens n'ont plus peur aujourd'hui et qu'ils ne reviendront jamais aux cloaques et autres bas-fonds sociaux à visée obscurantiste partant, dit-telle, de la volonté des Tunisiens de créer une société moderne où la création s'épanouit sans encombre. Echanges interculturels Le président de l'Association «Le pont», Taoufik Mahfoudhi, qui développe des relations d'échanges interculturels entre les deux rives de la Méditerranée s'est dit complètement indigné par ce procès «aux colorations sales et saugrenues par lequel l'on a voulu cadenasser les artistes, les cloîtrer et les empêcher d'exhiber leur talent et faire progresser, par ricochet, toute la création dans le pays, au demeurant menacé par le projet des pontifes de la religion. Le constituant Abdelkader Ben Khemis, de l'Alliance démocratique, a accusé tout simplement Ennahdha de vouloir imposer une nouvelle dictature inacceptable pour les Tunisiens et qui serait même, à ses yeux, pire que celle de l'ancien régime, précisant que ce qui s'est passé au Kef, une ville où l'art a fleuri, grandi et mûri, est dangereux pour la liberté d'expression et de création artistique et montre que les objectifs de la révolution sont en voie d'être détournés, voire spoliés par le mouvement Ennahdha. D'autres artistes et sympathisants des quatrième et septième arts ont de leur côté appelé les Tunisiens à être plus que jamais vigilants face aux visées pernicieuses, diaboliques et perverses qui menacent l'avenir de la révolution en Tunisie appelant à un resserrement des rangs face à un tel projet. Le coordinateur régional du bureau régional de la Ligue des droits de l'Homme, Ali Khammassi, n'est pas resté en silence face à ce qu'il juge un acte criminel qui ne cherche qu'à plonger la Tunisie dans le gouffre de l'obscurantisme et de l'extrémisme. «Le procès a été reporté, mais il ne passera probablement pas, parce que les charges sont insuffisantes, voire inexistantes, selon les créateurs qui ne veulent qu'une bouffée d'oxygène pour faire exploser leur talent créateur», a encore ajouté le coordinateur de la Ligue.