Si le cinéma et les longs métrages ont déjà du mal à trouver un marché en Tunisie, que dire des téléfilms, alors. A part les quelques œuvres produites par la télévision nationale ces dix dernières années, ce genre est inexistant. Rares sont ceux qui s'y sont adonnés de leur propre volonté ou financements. Mais voilà que Yosri Bouassida espère sortir du lot. Venu du monde de la bande dessinée et du documentaire, il s'est lancé dans l'aventure d'un premier téléfilm, auquel il a donné le nom d'Al kannass (Le sniper). Sa projection presse s'est tenu mardi dernier dans un hôtel de la place. Al kannass est signé Z Production, une boîte qui a le même parcours audio-visuel que Yosri Bouassida. Ce dernier est également écrivain, auteur de 23 titres à succès pour enfants et du best seller Mohammed l'ultime prophète, nous annonce-t-on dans le dossier de presse. Quant à Al kannass, il raconte en une heure de temps les péripéties de Moujib, un Tunisien exilé en Suisse depuis 16 ans, de retour un an après la révolution, pour essayer d'identifier le sniper qui a tué son frère journaliste, le 14 janvier 2011 à Sidi Bouzid. L'équipe technique est formée de jeunes dont les noms apparaissent de plus en plus dans les génériques des films tunisiens de la nouvelle génération de réalisateurs, et qui prouvent être la relève pour les anciens : Mohamed Ali Mihoub en tant que réalisateur exécutif, Issam Saïdi en tant que chef opérateur ou encore Helmi Hosni au montage. Côté casting, Yosri Bouassida a misé sur des noms habitués du petit écran tunisien, comme Mohamed Ali Ben Jemaâ, Ahmed Landolsi, Fatma Zahra Maatar et Mounir Argui. «J'ai cherché la fraîcheur, en variant les nouveaux visages et en donnant des rôles différents aux anciens», a-t-il expliqué lors de la conférence. Pour se faciliter la réalisation des scènes de combat, le premier rôle a été attribué à un spécialiste, Moujib, qui joue pour la première fois. Pourtant, après la projection et pendant le débat, Yosri Bouassida a reçu de nombreuses remarques sur son téléfilm, sur la forme comme sur le fond. On lui a reproché, entre autres, une écriture éparpillée, des erreurs de filmage et de montage et des scènes de combat ratées. Sur ce dernier point, il se défend en rappelant l'absence de chorégraphes de combats en Tunisie. S'attaquant à un sujet aussi brulant que celui des snipers, le téléfilm, comme voulu par son réalisateur, explore toutes les pistes possibles et imaginables, des salafistes, à la sûreté de l'Etat, aux services secrets américains, pour finir sur un crime passionnel. Certains y ont vu un traitement superficiel et hâtif, surtout que les dialogues sont porteurs d'un humour plutôt acerbe, à propos de la révolution, de ses snipers et de ses martyrs, alors que le film est dédié à l'âme de ces derniers. Il n'est pas évident de trouver une réponse sur les intentions, les parti pris ou le point de vu du réalisateur après avoir regardé Al kannass. Yosri Bouassida dit s'être placé en tant qu'observateur, avec l'actualité et les gens autour de lui comme référence à son histoire. Il affirme avoir suivi les règles de base de l'écriture d'un scénario, s'agissant de sa première œuvre dans le genre téléfilm. En variant les pistes, il dit vouloir divertir le spectateur tout en passant les messages qui lui tiennent à cœur. Il se plaint surtout de l'absence d'acheteurs pour son œuvre, qui a été proposée à toutes les télévisions tunisiennes, sans réponse. Yosri Bouasida ne serait-il pas un peu pressé? Son film a été fait en 4 mois, entre idée et réalisation, et il lui manque encore quelques finitions, dont le mixage. Sachant qu'il a jusque-là coûté aux alentours de 220 mille dinars, ne vaut-il pas mieux lui donner le temps nécessaire pour être une œuvre attractive pour les médias tunisiens, surtout que Yosri Bouassida semble s'appuyer dessus pour être son billet d'entrée au monde des feuilletons. A suivre.