Manifestations étudiantes aux Etats-Unis : un tournant pour l'alliance avec Israël ?    Une première rencontre au sommet entre la Chine et les Etats-Unis sur l'intelligence artificielle    Menace sur l'intégration : l'extrême droite allemande et ses plans contre les immigrés    Foot-LCA (1/2 finale retour): L'Espérance ST bat le Mamelodi Sundowns 1-0 et rejoint Al-Ahly d'Egypte en finale    L'Espérance sportive de Tunis en finale de la Ligue des champions africaine    santé : L'exercice de faible à modérée intensité, un bouclier contre la dépression selon une étude    Malgré les restrictions sionistes : 45 000 Palestiniens assistent à la prière du vendredi à Al-Aqsa    CAF CL : Sundowns – Espérance, match interrompu par la pluie !    Prison à vie pour l'auteure de l'attentat d'Istanbul en 2022    Tunisie – Les postiers observent une journée de colère    Tunisie – Sousse : 11 marins pêcheurs secourus par les agents de la garde maritime    Avec ces décisions fortes le prix de la viande devrait baisser nettement…    Fédération de l'enseignement de base : Titularisation de 850 agents temporaires chargés de l'enseignement    Arrestation d'un élément terroriste à Nabeul    Omar El Ouaer Trio et Alia Sellami au Goethe Institut Tunis pour célébrer la journée internationale du Jazz    Démantèlement d'un réseau de trafic de drogue à Sousse    Thibaut Courtois de retour après huit mois d'absence    L'ambassadrice du Canada salue les relations avec la Tunisie    Fini les récompenses de TikTok en Europe, et un départ probable de ByteDance des USA    Nabeul : Arrestation d'une personne pour appartenance à une organisation terroriste    Le nouveau pont de Bizerte : Date de début des travaux    Ons Jabeur affronte Leilah Fernandez en 16e de finale du tournoi WTA 1000 Madrid    ActionAid : G-a-z-a devient "un cimetière" pour les femmes et les filles    Sousse - L'Institut français de Tunisie inaugure un nouvel espace dédié à la jeunesse et à la coopération    Hédi Timoumi : certains donnent des cours d'histoire sans l'avoir jamais étudiée    Journée internationale de la danse : Le Théâtre de l'opéra de Tunis organise la manifestation "Danse pour Tous"    L'ancien ambassadeur de Tunisie au Nigeria, Jalel Trabelsi, nommé par le président de la BAD, envoyé spécial pour le Moyen-Orient, l'Afrique du Nord et la région du Golfe    Composition probable de l'EST face à Mamelodi Sundowns    L'Office des phosphates marocain lève 2 milliards USD sur les marchés internationaux    Institut de Presse et des Sciences de l'Information : Un nouveau centre de recherche sur les médias, la communication et la transition    Les préparateurs en pharmacie porteront le brassard rouge à partir du 3 juin    Ligue des champions – Demi-finale retour – Ce soir (19h00) – Mamelodi Sundowns-EST : Faire attention à tous les détails...    Les chinois chargés de remettre à niveau le Stade d'El Menzah : Dans le vif du sujet    Daily brief national du 26 avril 2024: Saïed s'entretient au téléphone avec Emmanuel Macron    Entretien téléphonique entre Kais Saied et Emmanuel Macron    Le statut de l'artiste exige une classification fiscale    En bref    Exposition pluriculturelle «Regarde !», du 27 avril au 19 mai, à l'espace d'art Sadika à Gammarth : Autres perspectives de l'Art    Météo : Températures maximales comprises entre 19 et 25 °C    AMEN BANK : Tenue de l'AGO – Exercice 2023 Renforcement général et excellent rendement    Nabil Ammar participe à la 11e session du Comité mixte tuniso-camerounais à Yaoundé    Kais Saied réaffirme l'indépendance financière de la Tunisie lors de sa rencontre avec le gouverneur de la BCT    Kaïs Saïed, Emmanuel Macron, affaire de complot… Les 5 infos de la journée    Hamma Hammami : Kaïs Saïed opère de la même façon que Zine El Abidine Ben Ali    Kenizé Mourad au Palais Nejma Ezzahra à Sidi Bou Said : «Le Parfum de notre Terre» ou le roman boycotté    Safi Said poursuivi suite à son projet pour Djerba    Hospitalisation du roi d'Arabie saoudite    L'homme qui aimait la guerre    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Kaïs Saïed cherche de l'efficacité dans une administration sclérosée
Publié dans Business News le 29 - 03 - 2024

Jamais dans l'Histoire de la Tunisie, l'administration n'a été aussi démotivée et sclérosée. Le manque de moyens, la pression du pouvoir et la peur du licenciement, voire de la prison, font que les fonctionnaires n'ont plus le goût de travailler et perdu tout sens de l'efficacité.

Il s'appelle Moncef Akremi, il est directeur général de la Direction des grandes entreprises (DGE) au ministère des Finances et il croupit en prison depuis fin février. M. Akremi est reconnu, par ses pairs, pour sa bravoure et sa modestie, mais aussi pour son efficacité. Quand le ministère manque de trésorerie, il est celui qui appelle un à un les gros contribuables pour les sommer de payer, avant l'échéance légale, leurs déclarations mensuelles. Zélé à souhait, il est ce qu'on peut appeler un grand commis de l'Etat, comme quelques centaines (pas plus) que la Tunisie a enfanté depuis l'indépendance. C'est grâce à des gens comme lui que l'Etat et l'administration ont pu survivre aux grandes colères populaires et que le pays a continué à fonctionner normalement. Les raisons de son arrestation ? Il a négocié la pénalité à payer avec un évadé fiscal. Une pratique des plus courantes et pas qu'en Tunisie. Les mauvais contributeurs, une fois épinglés par le fisc, ont toujours négocié les montants dus. Ceci évite aux deux parties le passage par la case justice très chronophage, budgétivore et énergivore. La même pratique est observée, sans problème, par d'autres administrations dont notamment la Douane, dépendante du même ministère des Finances.
Depuis l'arrestation de Moncef Akremi, les différents directeurs et vieux agents des finances sont démotivés, découragés, craintifs. Ils ont levé le pied considérant que leur collègue subit une grosse injustice. Désormais, ils ne se soucient plus de remplir les caisses de l'Etat et d'atteindre leurs objectifs en priorité, ils se soucient de leur pomme et laissent les contribuables saisir la justice pour contester les montants dus. Peu importe que cela se fait au détriment de la trésorerie de l'Etat et de son budget, l'essentiel pour eux est de ne pas devoir se justifier pour avoir pris telle ou autre décision et de devoir répondre à l'infâmante accusation de népotisme ou de corruption.

Comme au ministère des Finances, on ne compte plus le nombre de fonctionnaires qui ont levé le pied dans les autres ministères et administrations publiques. L'heure est à la démotivation et au laisser-aller dont les conséquences sont, ni plus ni moins, l'inefficacité de l'Etat.
Où est partie cette administration, celle que tout le monde saluait au lendemain de la révolution, lorsqu'elle a réussi à maintenir le pays debout en pleines turbulences politiques ?
Les raisons de la démotivation sont nombreuses, mais incontestablement, le président de la République est à l'origine de plusieurs d'entre-elles.
Il y a d'abord les questions matérielles. Malgré son nombre pléthorique, l'administration tunisienne manque de moyens matériels. Dans les écoles et universités, dans les palais de justice, dans les postes de police ou dans les services de contrôle économique, les fonctionnaires que nous avons interviewés sont unanimes pour dire qu'il leur arrive de payer de leurs poches des équipements de bureautique, qu'ils manquent d'imprimantes, de consommables, de voitures, etc.
Mais là n'est pas le problème principal. Il suffit que l'on soit motivé pour que le travail avance.
Là où le bât blesse c'est la peur de prendre des responsabilités et de la reddition de comptes pour avoir pris des décisions d'habitude ordinaires. Ce qui est arrivé au directeur de la DGE n'est pas une première. Plusieurs grands directeurs et anciens ministres se trouvent aujourd'hui derrière les barreaux parce qu'ils ont pris des décisions estimées, ultérieurement, comme contraires à la loi. Il faut attendre de passer devant le juge pour que ces hauts fonctionnaires prouvent leur bonne foi et que les décisions prises étaient habituelles, courantes et servaient l'intérêt public. En attendant, ils restent en prison.
Dès lors, chaque fonctionnaire fait attention et observe un zèle extraordinaire au respect des moindres procédures avant de prendre des décisions, parfois banales et ceci irrite Kaïs Saïed.

Jeudi 28 mars, le président de la République a reçu le chef du gouvernement et le ministre de l'Intérieur et a tancé ce type de fonctionnaires. Il souligné que « les décisions ne sont pas exécutées ou sont reportées sous prétexte de respect des procédures, utilisées au gré de ceux qui sont chargés de les mettre en œuvre », d'après un communiqué de Carthage.
Le chef de l'Etat ne semble pas se rendre compte qu'il y a des dizaines de hauts fonctionnaires en prison et des centaines poursuivis en justice, juste parce qu'ils n'ont pas respecté les procédures. Il ne peut pas, en même temps, jeter en prison ceux qui ne respectent pas les procédures et tancer ceux qui les respectent.
Devant ce dilemme, les hauts responsables concernés par des promotions rejettent tout poste de responsabilité. À ce jour, la ministre des Finances se trouve dans l'incapacité de nommer un successeur à la tête du DGE. Tous les hauts fonctionnaires qu'elle a contactés ont rejeté l'offre. Plusieurs de ses collègues sont dans une situation identique et même le président de la République. Faut-il rappeler que ce dernier n'a toujours pas trouvé un successeur à sa cheffe de cabinet limogée en janvier 2022, à sa directrice de la communication limogée en octobre 2020, à plusieurs gouvernorats sans gouverneur depuis des mois (dont Tunis et Sfax, les plus grands du pays) ainsi qu'à des dizaines de délégués et de directeurs généraux et deux ou trois ministres.

Les questions matérielles et la peur d'occuper des postes nécessitant des prises de décisions engageantes ne sont cependant pas les seules raisons du découragement observé et de la sclérose généralisée dans l'administration tunisienne.
Il y a une question fondamentale et très personnelle de dignité. Sous le régime de Kaïs Saïed, et pour la première fois dans l'Histoire du pays, les fonctionnaires sont humiliés par le régime lors de leur limogeage, y compris ceux réputés proches du régime.
Plus d'un a affirmé qu'il a appris son limogeage par voie de presse. Plus d'un, également, s'est fait signifier son limogeage par un SMS comme cela aurait été le cas (selon la rumeur, il nous a été impossible de le confirmer) du procureur de la République près du Tribunal de première instance de Tunis, du Pôle antiterroriste et du Pôle économique et financier. Celui-ci fait partie des personnes qui ont fait preuve de grand zèle pour servir le régime de Kaïs Saïed, mais il s'est trouvé dehors sans reconnaissance aucune pour ses services rendus.
À ce jour, on décompte au moins 74 limogeages secs de hauts fonctionnaires de l'Etat par le régime de Kaïs Saïed depuis son putsch en juillet 2021. Parmi eux, plusieurs hauts fonctionnaires nommés par le président lui-même, mais aussi plusieurs hautes compétences injustement limogées, juste par caprice du chef. Parmi ces derniers, on cite notamment le cas de Samir Saïed, ancien ministre de l'Economie et de la Planification, Fadhila Rabhi, ancienne ministre du Commerce, Raja Ben Slama, directrice de la Bibliothèque nationale, Kamel Ben Amara, maire de Bizerte (son limogeage est carrément illégal puisqu'il s'agit d'un élu) et plusieurs autres qu'on pourrait compter par dizaines.
Cette ingratitude de la tête du pouvoir exécutif, additionnée au manque de moyens matériels et à la peur de la reddition des comptes et de l'injustice de la justice, font que hauts fonctionnaires et fonctionnaires lèvent le pied et évitent tout zèle qui pourrait un jour se retourner contre eux.
Il y a une réelle prise de conscience que ce régime va partir un jour, que ce jour approche et qu'il n'est pas question de se mouiller pour lui. Ils préfèrent rendre des comptes pour n'avoir rien fait ou avoir respecté scrupuleusement les procédures complexes, plutôt que de devoir se justifier pour avoir pris une décision qu'ils pensaient juste et profitable à l'intérêt public.

À tout cela, s'ajoutent la paresse légendaire d'une bonne partie de fonctionnaires, la démission de plusieurs autres qui ont préféré partir vers le privé qui les reconnait à leur juste valeur et les rémunère à la hauteur de leur compétence en leur assurant des revenus bien meilleurs (qui peuvent osciller entre le double et le quintuple, voire davantage), la fuite des cerveaux vers l'étranger (notamment dans le secteur médical) et le paradoxe de ces administrations qui manquent de personnel, alors que d'autres en comptent bien davantage de ce qui est nécessaire. Tous ces éléments font que l'administration soit aujourd'hui totalement sclérosée.
Kaïs Saïed a beau critiquer cette administration et lui donner continuellement des leçons, il fait partie de l'un des premiers responsables de sa sclérose.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.