Deux mille patients en 2009, contre 400 seulement cinq ans plus tôt : Sami Arfa, ingénieur, spécialiste en génie civil, est en train gagner le pari -risqué- qu'il avait pris en 2004 : changer de métier et se lancer dans le tourisme de santé. Formé à l'Ecole Polytechnique de Lausanne tout comme M. Khalil Laajimi, ministre du Tourisme, qu'il connaît bien-, ce Tunisien vivant en Suisse depuis vingt-neuf ans est quasiment devenu un spécialiste du changement de parcours professionnel. En effet, après avoir débuté dans l'ingénierie, il opte pour la gestion de fortunes avant de créer en 2004 «Label Esthétique», une société proposant des prestations de chirurgie esthétique. Pour cela, l'entrepreneur tuniso-suisse s'est inspiré de l'exemple des pays asiatiques notamment la Thailande et l'Inde- qui «dès les années 80 dispensaient ce genre de prestations à des clients anglophones», explique Sami Arfa. Encouragé par des médecins membres de sa famille qui valident l'idée, l'ingénieur saute le pas et met un pied dans le monde de la chirurgie esthétique. Pour lui et les autres promoteurs étrangers dans ce secteur, les débuts ne sont pas faciles, car ils vont être confrontés à l'hostilité des milieux médicaux européens qui craignent de perdre leur clientèle, et dont la campagne de dénigrement notamment autour du thème de l'absence de suivi médical post-opératoire- est relayée par certains médias. «Pour dissuader les gens de s'adresser à nous, on jouait sur la peur : ceux qui veulent se faire soigner à l'étranger en assument la responsabilité, avertissaient les milieux médicaux européens», note Sami Arfa. D'ailleurs, Sami Arfa monte au créneau pour répondre à un reportage de la télévision suisse romande diffusé en mai 2006 et organise un voyage de presse pour se défendre contre les attaques des lobbys de chirurgiens suisses. Qui «n'ont pas eu d'impact sur la demande», assure le patron de «Label Esthétique». Aussi, une année après sa création, l'entreprise étend son rayon d'action à la France. Elle a également eu à prendre en charge des patients venant des Etats-Unis, du Canada et d'Algérie. Et pour désarmer les critiques et rassurer les patients, Label Esthétique qui opère aujourd'hui à partir de Lausanne, Lyon et Paris- a instauré une procédure de pré-consultation, avant une éventuelle intervention en Tunisie, et de suivi post-opératoire en Europe. Alors que «les chirurgiens européens n'ont jamais assuré ce genre de service aux patients moyen-orientaux qu'ils opèrent», se moque notre interlocuteur. Mais l'inquiétude de Sami Arfa est aujourd'hui ailleurs. Elle a pour source «les intrus qui, en Tunisie, mène une guerre des prix aux dépens de la qualité des prestations». Ayant entendu parler de l'éventuelle instauration d'un cahier des charges pour ce secteur, le patron de Label Esthétique s'en félicite, car, d'après lui, «le risque avec les intrus est qu'il arrive au tourisme de santé ce qui est arrivé au tourisme d'une façon générale».