Au-delà des nombreux accords et des multiples contrats conclus dès le premier jour, la visite d'Etat du président Sarkozy en Tunisie (28-30 avril 2008) pourrait avoir marqué un tournant historique dans le cours des relations tuniso-françaises. A cette occasion, le président Ben Ali et son hôte français ont jeté les fondements d'un renouveau des relations tuniso-françaises, une sorte de nouveau «deal» profitable aux deux pays. Dans le discours prononcé lors du dîner d'Etat offert en l'honneur du président Sarkozy et de son épouse, le chef de l'Etat tunisien a, tout en exprimant sa «profonde satisfaction pour le niveau de diversité atteint par la coopération», formé «l'espoir» que la visite de son homologue français constitue «une étape marquante dans l'exploration de nouvelles voies et perspectives pour hisser les relations entre nos deux pays à des niveaux plus élevés, adaptés aux exigences de l'étape en cours et pouvant appuyer nos efforts de développement et servir nos intérêts dans de nombreux domaines, tels que la recherche scientifique, la formation professionnelle, l'environnement, les énergies renouvelables, les pôles technologiques et le renforcement du volume des investissements français». Une vision que le président français fait également sienne, puisqu'il a appelé à une véritable alliance entre les deux pays. «Face à une compétition internationale de plus en plus féroce, nos cadres doivent s'allier, nos chercheurs doivent s'allier, nos entreprises doivent s'allier. C'est cette alliance qui fera notre force, pour améliorer notre compétitivité et notre attractivité», a-t-il lancé. Un message réitéré avec force conviction dans son discours en clôture du Forum économique tuniso-français.
Rappelant qu'avec 7 milliards d'euros d'échanges commerciaux, «la Tunisie est plus importante pour la France que certains pays européens», le chef de l'Etat français a clamé haut et fort que «nous voulons travailler avec vous non comme une puissance coloniale, mais avec égalité» et dit sa conviction que «Sud et Nord de la Méditerranée peuvent créer un pôle gagnant-gagnant qui pourra concurrencer l'Asie». Une vision qui tranche assez nettement avec celle qui avait cours à Paris sous le règne des prédécesseurs de Nicolas Sarkozy, y compris Jacques Chirac.
Prenant le relais d'un François Mitterrand dont les rapports avec le Maghreb, du moins avec certains pays de la région, sont loin d'avoir été un long fleuve tranquille, l'ancien président français a voulu lui aussi apposer son sceau sur les relations franco-maghrébines d'une façon générale et franco-tunisiennes en particulier. Mais le changement «à la Chirac» -un mélange de familiarité, avec les dirigeants de ces pays, et de paternalisme- avait concerné plus le volet politique que le domaine économique, davantage le style que la substance.
S'il est entré dans l'histoire des relations tuniso-françaises pour avoir été le premier à parler de «miracle tunisien», Jacques Chirac a fait à la Tunisie une offre des plus classiques, lors du premier voyage qu'il y a effectué en octobre 1995, cinq mois après son élection. Dans le discours prononcé lors du dîner officiel au Palais de Carthage, il avait déclaré que «la France ( ) continuera de vous accompagner dans vos efforts. Nous sommes déterminés à rester le premier partenaire économique et financier de votre pays et c'est pourquoi je vous ai annoncé ( ) une coopération financière de plus d'un milliard de francs afin de mettre à niveau vos entreprises qui s'ouvrent davantage aux marchés extérieurs et de lutter contre les effets de la sécheresse en favorisant le développement rural». Et, preuve que la Tunisie et la France ressentaient, depuis longtemps, le besoin de renouveler leurs relations, il a annoncé que les deux parties avaient «décidé de promouvoir une forme moderne de partenariat et décidé de confier à un Français et à un Tunisien, compétents et responsables, le soin de nous faire rapidement des propositions pour la mise en uvre d'un partenariat moderne qui pourrait exprimer de façon plus efficace que nos processus traditionnels, cette nécessaire solidarité entre nos deux pays dans le cadre plus large de notre ambition euro-méditerranéenne de paix, de stabilité et de développement». Une commission de réflexion qui a bien vu le jour et dont les travaux et les recommandations sont loin d'avoir révolutionné le modèle et le fonctionnement des relations tuniso-françaises.