C'était le 18 avril 2008, à l'hôtel Sheraton, le thème de la conférence de M. Michel Prada, président de la haute Autorité du marché financier français et invité de marque du patronat tunisien, qui a livré, tout au long de son intervention, des certitudes mais aussi des interrogations concernant l'évolution de la croissance mondiale, la percée de l'ingénierie financière et l'émergence, signe d'une globalisation de plus en plus poussée, d'entreprises respectueuses des impératifs du développement durable et des indicateurs de la bonne gouvernance. L'hexagone en ligne de mire
En guise d'introduction, et devant un parterre d'hommes d'affaires tunisiens aux aguets, l'hôte de l'U.T.I.C.A a évoqué l'expérience française aux prises avec les mutations de l'environnement économique international et les soubresauts de la politique locale où les enjeux partisans, électoraux et idéologiques, ont parfois freiné les restructurations nécessaires, ajourné les réformes salutaires et surtout retardé la modernisation d'un marché financier, par ailleurs florissant dans le monde anglo-saxon.
«C'est à partir des années quatre-vingt du siècle passé que la France s'est résolument engagée dans un processus de privatisation visant la transformation du tissu industriel national et son intégration dans le circuit des échanges mondiaux», nous dit M. Prada qui n'hésite pas à faire l'éloge d'Edouard Balladur, héraut du libéralisme et promoteur incontesté, à l'époque, du marché boursier et du cadre législatif et réglementaire permettant aux investisseurs étrangers de prendre pied dans l'hexagone dans des conditions analogues à celles de la City (50% de la capitalisation des banques françaises est d'origine étrangère).
«A l'issue de cette politique volontariste, la ville de Paris est devenue une place financière enviable en raison d'une politique fiscale attractive et du développement de sociétés de gestion off shore, innovantes, dynamiques et pourvoyeuses de liquidités pour un marché désormais avide de mobilité, de capitalisation et de titrisation», clame l'illustre invité dont les propos trahissent une adhésion inébranlable aux vertus du libre-échangisme tout en mettant l'accent, culture jacobine oblige, sur l'inéluctabilité de la mise en place d'un système de contrôle à même de jouer un rôle modérateur et stabilisateur vis-à-vis d'une bulle, furtive par nature et sujet à toutes les spéculations prédatrices.
Réguler et contrôler, oui mais comment ?
Se présentant comme l'un des régulateurs du marché financier international, M. Michel Prada a plaidé, tout au long de son allocution, pour un renforcement du rôle de la Bourse en Tunisie et des structures d'intermédiation dans le cadre d'une politique rigoureuse en matière de contrôle des banques et des risques réputationnels. D'ailleurs, notre conférencier a appelé, afin d'éviter les errements des places capitalistiques américaines, à la formation d'un forum de la stabilité financière prenant la forme d'un secrétariat de G7, capable de prévenir les crises en gestation, de remédier à la problématique de la transparence et de rassurer les investisseurs en quête de produits assainis.
«La Tunisie, tout en s'inspirant de la financiarisation progressive de la place parisienne, est en mesure de profiter des flux de pétrodollars grâce à la dynamisation de l'épargne boursière, vecteur indispensable à la circulation des capitaux et à l'envol de l'économie immatérielle, créatrice des emplois futurs», conclut notre vis-à-vis qui a émis l'espoir de voir notre pays adopter une typologie prudentielle concernant les marchés obligataires tout en favorisant les régulations intelligentes et les procédés de communication, symboles de confiance, de transparence et d'équité.
Le débat, qui a suivi l'intervention de M. Michel Prada, a trahi le souci des patrons tunisiens de voir le marché financier consolider encore davantage l'investissement à long terme, favoriser la capitalisation des entreprises et devenir la voie de l'ambition des managers juniors, assoiffés de développement et d'internationalisation.