Sécurité financière à double vitesse!!! Cette loi trouve ses origines dans la crise de confiance qui s'est emparée des utilisateurs de l'information financière suite à la succession de scandales qui ont affecté plusieurs marchés financiers dans le monde et pas les moindres. Cette crise de confiance a remis en cause les systèmes de gouvernance des entreprises et de fiabilisation de l'information financière. Elle montre des constantes dans l'analyse des causes de ces scandales : la passivité des membres du conseil d'administration et des actionnaires, une créativité comptable visant à dissimuler aux analystes financiers le montant des engagements du groupe, des pressions exercées sur les commissaires aux comptes pour les pousser à fermer les yeux sur des pratiques douteuses, etc. Pour remédier à cette situation, le législateur tunisien, à l'instar des ses paires américains et européens, a réagit en engageant des processus législatifs pour renforcer leur structure juridique. Ceci a abouti à l'amendement de certaines dispositions du code des sociétés commerciales, suite à la promulgation de la loi n°2005-65 du 27 juillet 2005, et à la promulgation de loi n°2005-96 relative au renforcement de la sécurité des relations financières. Ces nouvelles législations, tant étrangère que tunisienne, mettent l'accent sur trois aspects fondamentaux : le renforcement des règles de gouvernance des entreprises, l'amélioration de la qualité des audits et l'élargissement du niveau de divulgation de l'information financière. Dans ce cadre, les articles 13 nouveau, 13 bis, 13 ter, 13 quarter, 13 quinter et 13 sexis du code des sociétés commerciales, ont pris certaines mesures dans l'objectif d'améliorer la qualité de l'audit et de garantir une meilleure indépendance de l'auditeur. Ces dispositions présentent, selon l'avis de certains praticiens, certaines contradictions. En effet, pour une loi qui vise à assurer une meilleure sécurité dans les transactions financière à travers une meilleure qualité de l'audit, elle semble entériner le principe de l'audit à double vitesse. Ainsi, en fonction de la dimension de l'entreprise, la nouvelle loi prévoit trois niveaux d'audit : pour les grandes entreprises, la loi instaure le co-commissariat, pour les moins importantes, elle exige que le commissaire aux comptes soit désigné parmi les membres de l'Ordre des experts comptables de Tunisie et, pour les beaucoup moins importantes, elle prévoie la possibilité de désigner le commissaire aux comptes soit parmi les membres de l'Ordre des experts comptables de Tunisie, soit parmi les membres de la Compagnie nationale des comptables agréés. Si le fait de limiter le co-commissariat aux entreprises d'une dimension importante s'explique par le souci de ne pas accabler la société par une charge supplémentaire liée à l'augmentation des honoraires d'audit. Notamment que les honoraires des auditeurs des comptes des entreprises de Tunisie, sont homologués par l'arrêté des ministres des Finances et du Tourisme, du Commerce et de l'Artisanat du 28 février 2003, tel que modifié par l'arrêté du 23 septembre de la même année. On peut déduire donc que la nouvelle loi ne reconnaît pas aux comptables agréés la compétence professionnelle nécessaire pour pouvoir auditer les entreprises en générale, mais leur reconnaît cette compétence pour les plus petites d'entre elles. Ce qui amène l'interrogation suivante : la compétence professionnelle de l'auditeur dépendrait-elle de la dimension de l'entreprise auditée ? Le bon sens dirait que non. Cette compétence professionnelle reconnue aux experts comptables est le fruit d'un cursus de formation académique et professionnel pointue, défini par des textes spécifiques, qui vise à s'enquérir largement des normes professionnelles nationales et internationales d'audit ainsi que de la législation commerciale, comptable et fiscale, pour ne citer que celles-là. Serait-ce alors le fait qu'il s'agit d'entreprises tellement peu importantes, en termes de concours à l'économie nationale ou en termes d'engagements bancaires et dans ce cas, n'aurait-il pas été plus approprié de les exempter de l'audit d'un commissaire aux comptes ? En fait, prise individuellement cela pourrait être le cas mais, considérant la structure du tissu économique nationale, la frange constituée par ce genre de société représente une part importante, si ce n'est la plus importante ! Elles sont, donc, aussi concernées par le souci de sécurité des relations financières que les entreprises plus importantes. La loi étant promulguée, il semble donc très important que la frange des sociétés, qui peuvent désigner un commissaire aux comptes en dehors des membres de l'Ordre des experts comptables de Tunisie, soit limitée au maximum afin de s'assurer une qualité d'audit, la meilleure possible, et ainsi atteindre, au tant que possible, les objectifs recherchés à travers la loi relative au renforcement de la sécurité des relations financières.