Dans les médias télévisuels notamment, l'argent est plus que jamais le nerf de la guerre! La préservation de l'indépendance et le combat pour la liberté de la presse passent par la sécurisation des moyens de financement des médias... Les chaînes nationales publiques et privées: l'audience haut la main Elles sont au nombre de 14 à la date de ce début mars 2012, nos chères chaînes de télévisions tunisiennes, qu'elles soient publiques ou privées. La part d'audience de ces chaînes a été en février dernier de l'ordre de 50%, ce qui est considérable compte tenu de la prolifération de l'offre à laquelle le téléspectateur tunisien se trouve aujourd'hui exposé. Car du fait que la Tunisie se trouve aux confins de plusieurs zones linguistiques, culturelles voire civilisationnelles, au centre de la mer Méditerranée, entre Monde Arabe et Occident, entre Afrique et Europe, entre Maghreb et Machrek..., les Tunisiens se trouvent face à une offre pléthorique à laquelle il s'est bien équipé pour la recevoir: quasiment 100% de pénétration des antennes hertziennes terrestres, plus de 90% de pénétration des récepteurs numériques et leurs antennes paraboliques et environ 10% des foyers équipés en dreambox reliés à une ligne ADSL. De plus, les smartphones gagnent du terrain, les vidéos issus des programmes TV circulent beaucoup dans les réseaux sociaux (2,8 millions de comptes FB en Tunisie ). Le Tunisien téléphage ne sait plus où donner de la tête tant les écrans sont partout et les chaînes TV, qu'elles soient généralistes ou thématiques (cinéma, sport, religion, musique, jeunesse...), le sollicitent à chaque heure et partout. Au mois de février 2012, l'analyse du comportement d'audience des chaînes TV mesuré par les services de SIGMA a révélé l'intérêt du Tunisien aux chaînes locales. En effet, sur 5 chaînes les plus regardées, 3 sont d'origine tunisienne avec en tête du peloton la chaîne publique Al Watanya 1 (38% de taux d'audience moyen quotidien), la deuxième chaîne la plus regardée par les Tunisiens en février 2012 est Hannibal TV avec 16% de taux d'audience, suivie de MBC4 la chaîne dédiée aux séries et feuilletons turcs notamment (10,1%, à majorité gente féminine), la chaîne TV Attounissia pointe à la 4ème position avec un peu plus que 7% de taux d'audience, et enfin Al Jazeera ferme la marche du Top 5 des chaînes les plus regardées en Tunisie en février 2012 avec 7% d'audience, soit près de 700.000 téléspectateurs par jour dont la majorité c'est des adultes hommes des classes moyennes plus et aisées. Le JT de 20h sur Al Watanya et les émissions lacrymales de Hannibal TV caracolent en tête des audiences Sur le plan de la programmation, sur les 10 émissions les plus regardées par les Tunisiens le long du mois de février 2012, on trouve un seul programme de la chaîne TV Al Watanya, à savoir le Journal Télévisé de 20 heures avec près d'une moyenne quotidienne de 3,5 millions de Tunisiens qui le regardent tous les soirs. On trouve aussi 7 programmes produits par Hannibal TV dont notamment "Al Moussamah Karim" et un reportage sur la prison de la Mornaguia, qui puisent leurs audiences (respectivement 3,4 et 3 millions de téléspectateurs) dans un voyeurisme où le Tunisien arrive à apprécier sa vie par rapport à ce qui arrive aux "autres". Mais le filon marche bien sur le plan de la captation du grand public puisque la chaîne TV Attounisisia arrive à caser 2 émissions dans le Top 10 avec deux concepts très populaires aussi: "Andi Man Kollek" et "Roufiaat Al Jalssa". Les émissions d'exégèses politiques ou sportives n'ont plus le même succès qu'au début de la révolution. A croire que le Tunisien tend naturellement vers les deux raisons d'être principales des médias audiovisuels: l'information et le divertissement. Epilogue... L'argent est plus que jamais le nerf de la guerre A l'heure où on s'agite autour de l'indépendance des médias et de la résistance aux différentes sources de mainmises sur les rédactions des médias télévisuels notamment, il est fondamental de s'interroger sur le modèle économique et le mode de financement des 14 chaînes TV tunisiennes actuellement en diffusion et de celles qui vont arriver (Ulysse TV, ...) et de leur donner les moyens de s'immuniser économiquement et techniquement (formation, capacity building...). Il en va de la préservation de notre culture (les prédicateurs exotiques pourront chasser ailleurs...), de notre singularité tunisienne et nationale. Les recettes publicitaires actuelles (principale source de financement des chaînes TV privées, les recettes des émissions interactives (SMS...), l'exportation des programmes TV tunisiens ou brevets d'idées d'émissions constituent actuellement des pistes sérieuses afin de raffermir l'offre télévisuelle tunisienne, encore faut-il que les pouvoirs publics ne voient pas en les médias TV uniquement des instruments de leur politique ou l'agenda d'adversaire mais bel et bien d'une industrie de l'intelligence, une industrie moderne voire stratégique pour la Tunisie tant sur le plan de l'exception culturelle que sur le plan économique et de l'emploi à forte valeur ajoutée. * DG-Fondateur SIGMA