Organisées par les deux entreprises de l'audiovisuel public et par la Coordination des syndicats de leur personnel, les «Premières Assises interprofessionnelles de l'audiovisuel public marocain» ont montré combien le vécu de ce secteur vital du royaume chérifien, appelé à une réforme profonde, ressemble beaucoup à celui qui a cours dans d'autres pays arabes. «L'audiovisuel public marocain est malade». Cette réflexion faite au cours des «Premières Assises interprofessionnelles de l'audiovisuel public marocain», organisées les 23 et 24 septembre 2011, à Rabat, par le pôle de l'audiovisuel public marocain, composé de la SNRT (Société Nationale de Radiodiffusion et télévision) et de la SOREAD (Société d'Etudes et de Réalisation Audiovisuelle) 2M, qui éditent ensemble onze services de radio et neuf services de télévision, et par la Coordination des syndicats de l'audiovisuel, une structure qui regroupe trois syndicats présents dans ce pôle, en dit long sur la teneur des débats concernant un audiovisuel public marocain en plein questionnement et sur son présent et son avenir. Ces Assises, organisées à la suite d'un accord conclu, en juillet 2011, par la direction de ce pôle et la Coordination des syndicats de l'audiovisuel marocain, en vue d'«un audiovisuel au service du peuple», a montré, du reste, que le Maroc est loin d'être le seul pays de la région à devoir réformer son paysage audiovisuel public. Les radiotélévisions publiques dans le monde arabe, notamment dans les pays secoués par les vents du Printemps arabe, se doivent en effet d'évoluer en vue d'être au niveau des attentes d'une opinion publique qui veut que cela change dans ce domaine. Surtout dans ce domaine, sommes-nous tentés d'insister. Tant la radio et la télévision sont au cur des contestations qui font jour dans le monde arabe. Prise en compte des seuls intérêts des citoyens Partout, et quel que soit le niveau d'évolution des situations, l'audiovisuel financé pour l'essentiel par les deniers publics doit muter vers un véritable audiovisuel public. L'heure est aujourd'hui, au Maroc, au débat, voulu du reste par les deux parties: les responsables de l'audiovisuel public et les professionnels qui le composent. C'est cette disposition à engager une réconciliation que le ministre marocain de la Communication, Khalid Naciri, a exposé, du reste, au début des travaux de ces Assises. Animés par de nombreux universitaires, professionnels et experts venus du Maroc mais d'Europe et du monde arabe, les débats ont permis d'exposer les exigences d'un service public de radio et télévision: la continuité, l'égalité d'accès de tous et la prise en compte des seuls intérêts des citoyens. Ainsi, la réforme de l'audiovisuel public passe par le respect de principes sacro-saints: droit de l'accès à tous de l'information, pluralisme des opinions, défense de l'intérêt général, citoyenneté et égalité de tous, respect et satisfaction de tous les goûts, défense de la culture nationale Mais, il ne suffit pas de notifier tout cela dans des cahiers de charge pour que les responsables des chaînes publiques et les professionnels respectent ces principes. Il faut installer, pour ainsi dire, des garde-fous: créer une structure de régulation, édifier de chartes déontologiques et professionnelles (qui montrent comment on traite l'actualité) et questionner en permanence son vécu. Augmenter le montant de la redevance? Quid maintenant des structures et du financement? A ce propos, une conviction semble être partagée par la majorité des participants, sinon tous: les chaînes publiques se doivent de revoir leur organigramme. Pour intégrer des fonctions citoyennes et d'interactivité avec le public (comme le médiateur) et être au diapason des nouvelles technologies de la communication qui ont investi tout l'audiovisuel. Les contenus sont plurimédias et sont diffusés par de nombreux supports: le téléviseur, l'ordinateur, le téléphone, le DVD, On a beau chasser, pour ainsi dire, la question du financement de l'audiovisuel public, elle revient très vite au galop. Cette thématique a même fait l'objet d'un atelier. Faut-il continuer à financer le pôle audiovisuel par la publicité en le logeant à la même enseigne que l'audiovisuel privé? Et si oui, dans quelles proportions? Faut-il augmenter de la redevance radio et Tv? Celle-ci ne «greffe-t-elle» pas déjà le budget des ménages? Son montant annuel, au Maroc, équivaut à 100 heures de travail payées au SMIG (Salaire Minimum Interprofessionnel Garanti). L'Etat est-il prêt à s'engager, par ces temps d'austérité, à augmenter sa dotation budgétaire, qui permet à l'audiovisuel public d'équilibrer ses comptes? Ces questions, combien fondamentales, n'ont pas manqué on peut facilement le deviner- d'être posées d'autant plus que les chaînes publiques vivent à l'heure d'une concurrence exacerbée de la part des chaînes privées. En témoigne la difficulté pour l'audiovisuel public de programmer aujourd'hui, et quel que soit le pays arabe, les compétitions sportives qui comptent et des films récents, deux «produits d'appel» devenus pour lui hors de portée. Des questions qui sont posées bien au-delà du cadre de l'audiovisuel marocain!