Les mouvements sociaux qui ont touché une majorité des secteurs, essentiellement industriels, n'ont pas manqué de susciter la crainte face à des syndicats de base qui se posent désormais comme une force d'imposition "fatale". On a vu ceci dans les unités industriels travaillant pour l'export, tels que les industries électriques et électroniques, le cuir et chaussures, mais aussi le textile et habillement. Dans d'autres secteurs où il s'agit de l'économie immatérielle, le secteur des TIC par exemple, l'impact aurait été moins grave. Il n'y a pas eu de mouvements sociaux à noter. L'interruption d'activités a été constatée quatre jours après le départ de Ben Ali, le climat sécuritaire ne le permettait pas. Mais si à court terme, l'impact a été minime, c'est le moyen et le long terme qui préoccupent les professionnels du secteur, conjointement sur le marché local et le marché off shore. "Il y a sûrement un impact indirect. Si les choses ne s'améliorent pas et que l'activité normale ne reprend pas, les SSII auront bien des problèmes sur le long terme. Sur le marché local, l'investissement dans l'informatique est certes important mais il ne sera pas la priorité absolue des entreprises. Actuellement, il n'y a pas de problèmes. On est en train de gérer les contrats déjà existants. Mais notre crainte concerne les nouveaux contrats et les nouveaux engagements", affirme Kais Sellami, président de la Chambre syndicale des Sociétés de Services et d'Ingénierie Informatique (INFOTICA) et membre de la Fédération nationale des TIC . Une situation qui confère aux SSII un manque de visibilité flagrant face à l'avenir, étant d'ailleurs attachées aux autres secteurs et fournissant des services et des prestations. "Vu le manque de visibilité économique et politique, tout est brouillé devant nous. A l'heure actuelle, la priorité doit être accordée au redémarrage de l'activité économique, de fixer les échéances et de rassurer les clients. Si l'instabilité continue, les entreprises vont arrêter tout investissement", indique M. Sellami. Sur le marché off shore, où une majorité des SSII opère, la situation est identique. Les contrats et les projets en cours ont été maintenus. Mais l'incertitude face à l'avenir demeure du côté de la clientèle étrangère. Le risque majeur est que cette clientèle cherche d'autres destinations où elle opérera en toute tranquilité, à l'exemple du Maroc, un farouche concurrent à ce niveau. Concernant la réaction des clients étrangers face à la révolution tunisienne, M. Sellami souligne qu'elle revêt deux aspects. Un aspect humaniste, félicitant la révolution et ayant confiance en l'intelligence des Tunisiens à gagner la bataille. Mais sur le plan business, l'enthousiasme est moins ressenti. Les clients temporisent sur le court terme. Et sont encore en attente de ce qui se passera dans les prochaines semaines, au niveau économique et politique. Concernant Tunisie Télécom, la position de la Fédération nationale des TIC a été très claire pour dénoncer, sur le principe, le licenciement des contractuels. Beaucoup d'entreprises travaillent sur l'off shore. Il y a même des multinationales qui sont installées en Tunisie. Ces entreprises utilisent largement le réseau Tunisie Télécom. "Ce qui s'est passé est très grave. Il n'appartient pas au syndicat de licencier. Il s'agit de la responsabilité de la direction générale de Tunisie Télécom et de ses associés", fait observer M. Sellami. D'autant plus, ajoute-t-il, qu'il faut assurer le bon déroulement des prestations de Tunisie Télécom pour l'intérêt de la société. La stabilité du réseau est nécessaire pour rassurer les SSII tunisiennes et surtout étrangères. "L'UGTT prend de l'ampleur plus que son rôle alors qu'elle est supposée indépendante. Il est urgent actuellement de démarrer les négociations sociales pour l'intérêt du pays et de lancer un dialogue serein entre les différentes parties. On ne peut pas faire de rupture directe. Il faut négocier et redémarrer l'économie. La reprise doit être imminente et communiquée. La communication est très importante dans cette situation.", insiste-t-il.