Quel est le vrai Bergoglio ? Que dit-il à ses proches ? Jusqu'où ira cet étonnant souverain pontife ? ‘Comment maintenant dois-je m'adresser à toi ? Faut-il dire Sa Sainteté ? - Bien sûr que non, tu m'appelleras toujours Jorge, basta ! Et surtout, continue de me tutoyer.' Depuis l'intronisation du pape François, Franc Rodé est bien placé pour sentir que quelque chose a changé au Vatican. Ce sémillant cardinal slovène connaît Jorge Bergoglio depuis plus de quarante ans. Les deux hommes, de même génération, se sont rencontrés au début des années 70 à Ljubljana. Difficile à oublier. ‘Jorge logeait chez nous, les lazaristes, et nous sommes allés ensemble à l'Opéra écouter La fiancée du tsar, de Rimski-Korsakov, raconte Mgr Rodé. Il m'en reparle chaque fois qu'on se voit.' Celui qui a été créé cardinal par Benoît XVI en 2006 a donc accueilli avec ferveur les premiers pas de François. Un chef qui, selon lui, est porteur de renouveau. ‘Ce pape est en train de faire l'unité entre deux mondes, celui des croyants et celui des non-croyants, souligne le prélat. Avec lui, l'Eglise insiste moins sur les exigences morales du christianisme mais davantage sur sa proposition de Dieu. Et... je n'ai pas encore lu d'article critique.' La mutation est aussi, pour Franc Rodé, d'ordre intime. ‘Avant de devenir pape, constate-t-il, Jorge avait toujours l'air un peu confit, triste, plutôt silencieux ; il ne souriait pas. Maintenant, il rit tout le temps. Il a énormément changé dans son expression publique, mais, dans l'intimité, il reste ce qu'il a été. Il continue de pimenter sa conversation de notes d'humour et de mots populaires.' Une telle proximité, les pèlerins de Rome la mesurent au plus près. Il faut voir le pape François s'attarder longuement après chaque célébration sur la place saint-Pierre au milieu de la foule - jusqu'à 80 000 personnes -, bénir, rire, écouter les confidences, se laisser toucher, embrasser par quiconque... On dirait un curé à la sortie de la messe sur une place de village. Un reporter de Rolling Stone- le magazine culte de la pop culture américaine -, dépêché de New York pour enquêter sur cet homme ‘qui crée un large espoir dans le monde, comme Obama à ses débuts', n'en croit pas ses yeux. Crédit photo : Osservatore Romano/AP/Sipa