Leïla Trabelsi Ben Ali a accordé au journal “LeParisien.fr” une interview qui a été publiée dimanche 1er juillet; Pourquoi avoir décidé d'écrire ce livre ? Leïla Ben Ali: Je voulais donner ma part de vérité pour répondre à la campagne médiatique mensongère dont j'ai fait l'objet en Tunisie, et dans certains pays, sans pouvoir me défendre. J'ai très mal vécu cette période, et c'est encore difficile aujourd'hui. Il y a eu un acharnement contre nous, des mensonges, des faux témoignages. Qu'avez-vous pensé au moment des premières émeutes ? Je ne parle pas d'émeutes. Pour moi, il s'agit d'un coup d'Etat orchestré, téléguidé, préparé, mais dont j'ignore les commanditaires. Il y a eu une grande manifestation spontanée à Tunis, c'est vrai, comme il y en a parfois aussi en France. En revanche, dans les banlieues, ces soi-disant manifestations étaient organisées pour déstabiliser le pays. Il y a eu des incendies, des pillages. La police était là et n'a pas bougé. Je ne crois pas du tout au scénario d'une révolution spontanée née d'une contestation de la jeunesse. Comment s'est organisé votre départ ? Nous n'avons jamais eu l'intention de fuir. Le matin du 14 janvier, je me trouvais chez moi. Mon mari m'a téléphoné depuis le palais de Carthage pour me suggérer de partir en Arabie saoudite faire la omra , le temps que le calme revienne. L'idée n'était pas de lui, mais d'Ali Seriati, le chef de la sécurité présidentielle. A mon grand étonnement, mon mari était là, lui aussi, à l'aéroport. Seriati a tout fait pour le convaincre de partir avec nous, alors qu'il ne voulait pas. Nous sommes partis sans bagages, ni argent, ni passeport. Ce même jour, Bernard Squarcini [le patron des renseignements français] a — écrivez-vous dans votre livre — pris contact avec l'une de vos filles présente à Paris... Il lui a dit : « Ne t'inquiète pas pour papa, il est parti en Arabie saoudite. » J'ignore comment il a pu savoir aussi vite que nous avions quitté le pays... La révolution a fait 300 morts. Votre mari a-t-il donné l'ordre de tirer sur les manifestants ? Jamais. Pour le prouver, l'avocat de mon mari a demandé que les enregistrements des communications entre le président et les ministres de l'Intérieur et de la Défense soient remis à la justice. Etonnamment, le gouvernement transitoire a refusé d'accéder à cette demande. Quoi qu'il en soit, je ne peux que déplorer la perte de vies humaines. Je présente mes sincères condoléances à ces familles. Que Dieu allège leur souffrance et que ceux qui ont donné ces ordres soient jugés. Quelles étaient vos relations avec Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy ? Ils nous ont toujours soutenus. Jacques Chirac nous a dit une fois : « Comment faites-vous pour avoir une économie aussi florissante sans ressources naturelles ? » Nicolas Sarkozy était tout aussi élogieux. J'ai été déçu qu'il n'affiche pas son soutien au moment de notre départ. Il a même laissé dire que la France refuserait de nous accueillir sur son sol alors qu'il n'en a jamais été question. Le seul à nous avoir soutenus jusqu'au bout, c'est Frédéric Mitterrand (NDLR : ministre de la Culture de Sarkozy). Vous dites avoir commis des « manquements » durant vos années de règne... Je ne me mêlais pas de politique. Je suis une fille du peuple. Mon quotidien était consacré aux œuvres caritatives et sociales. A côté de cela, j'ai fait en sorte d'aider mes proches à mieux vivre, c'est vrai. J'ai par exemple aidé un de mes frères à obtenir un prêt, mais il l'a remboursé avant de mourir. Ce qu'on oublie aussi, c'est que j'ai aidé des gens que je ne connaissais pas. J'étais beaucoup sollicitée, je voulais bien faire. Dieu est témoin que je n'ai jamais voulu faire de mal à qui que ce soit. Si je me suis rendue coupable d'une faute à l'égard d'une personne, je lui demande pardon. Aurait-il fallu plus de libertés politiques ? Oui, j'en conviens. Quel regard portez-vous sur votre pays aujourd'hui ? Je suis optimiste. Je souhaite que la Tunisie retrouve le chemin de la prospérité. J'espère aussi que mes proches, présumés coupables à cause de leur nom, auront droit à une justice équitable. Pour l'instant, il n'y a que de la haine et de la vengeance. Nous sommes nous aussi prêts à faire face à la justice de notre pays dès lors qu'elle est équitable, sans excès ni faveur. Hélas, aujourd'hui, ce n'est pas le cas.