Que devrions-nous attendre du G8 ? · Le sommet du G8 ou du G20 est une opportunité importante pour garantir la stabilité économique et amorcer une reprise. · la Tunisie doit faire une évaluation la plus réelle possible de la situation économique du pays, à travers un bilan assez détaillé et précis.
La Tunisie est invitée au sommet du G8 qui se tiendra en France à Deauville les 26 et 27 Mai. Voilà un des fruits de la révolution du 14 Janvier, et qui représente une reconnaissance de la part des plus grandes puissances mondiales de l'importance du changement opéré dans notre pays. On intègre ainsi la cours des grands, non pas par la force de l'économie, mais par la force de la révolution. Loin de la symbolique de l'invitation, que pouvons nous attendre de ce sommet ? Que devrions-nous préparer pour ne pas rater ce rendez-vous de l'histoire ?
C'est quoi le G8 : Depuis la crise financière et économique de Septembre 2008, le G8 qui regroupait les 8 puissances économiques mondiales, a été élargi, pour ne pas dire, remplacé par le G20. Cet élargissement a été rendu une nécessité pour trouver des solutions à la crise avec la plus grande représentativité. En effet, le G20 qui a été créé en décembre 1999, et réunit une fois par an les ministres des Finances et gouverneurs de banques centrales des pays industrialisés et des pays émergents pour faciliter la concertation internationale en matière économique. En 2008, le G20 est devenu une « instance de pilotage économique, réunissant au plus haut niveau les grands responsables publics ». Depuis, la crise financière le G20 s'est réuni à Londres en avril 2009, à Pittsburgh en septembre 2009, à Toronto en juin 2010, enfin à Séoul en novembre 2010. « Il est devenu la principale enceinte de coopération économique et financière, pour assurer une croissance mondiale fondée sur des bases saines et solides ». Le G20 représente 85 % de l'économie mondiale et 2/3 de la population mondiale, soit presque le monde entier. Il est composé de l'Afrique du Sud, de l'Allemagne, de l'Arabie Saoudite, de l'Argentine, de l'Australie, du Brésil, du Canada, de la Chine, de la Corée du Sud, des Etats-Unis, de la France, de l'Inde, de l'Indonésie, de l'Italie, du Japon, du Mexique, du Royaume-Uni, de la Russie, de la Turquie et de l'Union européenne. Les membres du G20 peuvent décider chaque année d'inviter un nombre limité d'autres pays et d'organisations régionales à leurs sommets. Cette année le choix s'est porté vers les deux pays qui ont fait l'évènement du début de l'année, à savoir la Tunisie et l'Egypte. Une invitation qui a pour objectif de soutenir ces deux pays afin qu'ils réussissent leurs transitions démocratiques, mais aussi économiques. Le coût économique de la révolution : La révolution tunisienne a eu un coût économique important. L'économie tunisienne qui réalisait des niveaux de croissance variant entre 4 et 6% annuellement, doit s'attendre à un niveau de croissance entre 1 et 2% cette année. Les pertes pour l'économie estimées par le gouvernement depuis le début de la révolution dépassent 5000MD. Une perte importante pour une économie déjà fragilisée par la crise économique mondiale, qui n'a pas de ressources naturelle importantes, et surtout qui a été pillée durant 23 années par un véritable clan mafieux conduit par un président lâche. Plusieurs entreprises souffrent encore de la situation économique empirée par les vols, pillages, incendies, grèves, couvre-feu et sit-in. Selon l'UTICA les pertes sont estimées pour 400MD. Le tourisme tunisien peine à redémarrer surtout que la situation sécuritaire n'est pas stabilisée. L'intervention publique pour subvenir à certains besoins sociaux urgents a pesé sur les finances publiques et a retardé certains projets et investissements publics. La conjoncture internationale ne nous a pas épargné aussi avec un baril de pétrole à plus de 117 dollars et un euro qui bas de plus en plus de records et pénalise la compétitivité de nos entreprises. Même les agences de notation et de ratings se sont acharnées sur notre pays, en abaissant notre note souveraine, au moment ou on se préparait à sortir sur le marché international pour mobiliser des ressources. Le coût d'empreint sera donc plus élevé et pénalisera le niveau d'endettement du pays. Le tableau de l'économie tunisienne n'est pas aussi sombre, mais la situation nécessite une intervention d'urgence. C'est dans ce cadre que le sommet du G8 ou du G20 est une opportunité importante pour garantir la stabilité économique et amorcer une reprise. Déjà plusieurs institutions financières internationales ont présenté des aides d'urgence pour le pays afin qu'il répond à ses engagements locaux et internationaux. On site à titre d'exemple les crédits accordés par la Banque Mondiale et la Banque Africaine de Développement d'un montant d'1 milliard de dollars. Que devrions-nous préparer ? Afin d'être au rendez-vous de ce sommet mondial, la Tunisie doit bien se préparer, pour arriver à mobiliser le soutien de ces puissances économiques. En premier lieu, la Tunisie doit faire une évaluation la plus réelle possible de la situation économique du pays, à travers un bilan assez détaillé et précis. En deuxième lieu, le gouvernement doit définir ses besoins en financement pour les 5 et 10 années prochaines. Un premier ordre de grandeur était déjà établi par certains membres du gouvernement faisant état d'un besoin de 5000 millions de dollars pour les 5 prochaines années. En troisième lieu, il est impératif de définir les principaux projets d'infrastructure et de programmes de soutien sociaux durant la prochaine période, afin de créer des emplois et de développer les régions de l'intérieur. C'est un véritable plan Marchal que le gouvernement doit établir, et il doit être crédible et assez détaillé. On ne doit pas proposer des projets farfelus qui n'ont pas d'impact direct sur le développement des régions et la création d'emplois. En quatrième lieu, le gouvernement ne doit pas aller à Deauville, pour demander « de l'aumône » de pays ou d'institutions qui n'ont pas de morales ; mais présenter un projet cohérent et rentable sur le long terme. Le gouvernement doit aussi appeler les pays du G20 à encourager leurs investisseurs à investir en Tunisie, et pour cela, nous devons présenter des garanties solides au niveau de l'environnement des affaires et l'efficacité de l'administration. En effet, plusieurs investisseurs attendent le rendez-vous du 24 Juillet, qui représentera la réussite du premier test pour la démocratie ; pour prendre leurs décisions d'investir. C'est dans ce cadre qu'un manifeste a été lancé par un groupe d'économistes tunisiens, sous le slogan "Invest in democracy, investir dans la démocratie" pour soutenir la Tunisie avant sa participation au sommet du G8. Le "manifeste des 200", a été signé par des personnalités de plusieurs pays, dont des universitaires de Harvard et de la Sorbonne, des banquiers de la Banque Mondiale, First Gulf Bank, Abu Dhabi, des économistes, des industriels, des hommes d'affaires et des responsables politiques. Que devrions-nous attendre ? Nous devrions attendre beaucoup de ce sommet, vu l'importance des personnes et institutions présentes. Nous devons nous attendre à un soutien financier encore plus important et dans des conditions plus confortables, afin de parvenir à sauver l'économie nationale. Nous attendons aussi un soutien qui permettra de d'assurer la transition économique dans de bonnes conditions. On s'attend aussi à des investissements qui vont permettre d'absorber le niveau élevé de demandeurs d'emplois et de satisfaire une demande additionnelle encore plus grande. Le gouvernement a déjà présenté un premier plan de relance économique, par nos propres moyens, qui doit être soutenu par un effort externe. Le gouvernement provisoire, avec ses défauts et ses avantages, doit être à la hauteur de l'évènement, et bien préparer le terrain pour le prochain gouvernement issu des urnes.