En ces temps de crise, l'entreprise tunisienne est confrontée à plusieurs défis relatifs à une conjoncture hostile et imprévisible, et une compétition acharnée à l'échelle nationale et internationale. Dans ce contexte, l'entreprise est tenue de se doter des outils capables de la prémunir des menaces et d'améliorer sa compétitivité. L'intelligence économique, qui a été à maintes reprises expliquées sur nos colonnes, est un processus qui permet à l'entreprise de dissiper le flou autour des aléas de la conjoncture et surtout d'anticiper les changements et améliorer l'esprit de créativité et d'innovation. Le séminaire qui vient d'être organisé le 9 Mars dernier par la chambre de commerce et d'industrie de Tunis autour du thème « L'intelligence économique au service de l'entreprise », était une bonne occasion pour présenter la technique de l'intelligence économique et son rôle dans l'amélioration de la compétitivité de l'entreprise. C'était aussi une occasion pour présenter l'expérience édifiante du groupe Elloumi, et qui représente une exception en Tunisie.
L'intelligence économique au service de l'entreprise : Selon l'intervention de monsieur Tarek Ben Jazia, conseiller de services publics, le décideur est de plus en plus confronté à l'incertitude et le doute, ce qui pose dans la pratique managériale, des difficultés pour appréhender l'avenir. Or «gouverner c'est prévoir », et la prévision a horreur des incertitudes, comme la nature a horreur du vide. Disposer de la bonne information, au bon moment, avec la qualité et la pertinence voulue, afin de pouvoir prendre la bonne décision : tel est l'enjeu crucial pour toute entreprise. C'est à ce niveau qu'intervient l'intelligence économique. Le concept d'intelligence économique paraît quelque peu abstrait pour certains, mais tout derrière on retrouve une réalité toute simple : pour rester compétitives (innover, produire, commercialiser…) les entreprises ont besoin d'une information fiable, complète et exploitable ; et surtout une information qui les préserve des risques et les aléas de la conjoncture. Les entreprises comprennent l'importance de l'information, mais la démarche est encore très peu formalisée et mal intégrée dans la réflexion stratégique de l'entreprise, ni au niveau de l'administration publique. Selon la définition retenue par l'intervenant « L'intelligence économique est un instrument majeur de recherche de compétitivité des entreprises et de renforcement de la puissance économique de l'Etat, mis en œuvre par les entreprises avec le concours de l'Etat et des collectivités locales, organisé en réseau interne et externe pour capter le maximum d'information scientifique, technique, économique destinée à alimenter le processus décisionnel des acteurs économiques (Tiendou Niang) ». Lors de ce séminaire plusieurs cas pratiques ont été présentés, à travers le monde. Mais, le plus intéressant dans ce séminaire était la présentation de l'expérience importante du groupe tunisien Elloumi.
Le groupe Elloumi, l'exception tunisienne : Pour l'instauration de l'intelligence économique dans les entreprises tunisiennes, on avait besoin d'un success story, et nous l'avons trouvé dans le groupe Elloumi. Pour ceux qui ne connaissent le groupe Elloumi, nous rappelons qu'il est actif dans 7 domaines, tel que la distribution, l'immobilier, l'installation électrique, et surtout les faisceaux automobiles et les faisceaux de câbles. Le groupe compte principalement la société Chakira, et Coficab, qui sont des leaders mondiaux dans la branche câbles. Le groupe Elloumi c'est aussi un chiffre d'affaires de 550 millions d'euros, un effectif de 6500 employés et une extension internationale dans 5 pays et bientôt au Brésil. En matière de câble automobile, ce fleuron de l'industrie tunisienne est n° 1 dans la zone Euro-Med et n° 3 dans le Monde dans cette filière. Il détient aussi plus de 30% du marché Européen et 11% du marché Mondial. Les principaux constructeurs européens s'équipent auprès de ce groupe. Comme annoncé par monsieur le directeur commercial de Coficab, une des filiales, le groupe est un leader mondial et ne peut pas se permettre d'être un suiveur, et c'est pour cette raison qu'il a adopté l'intelligence économique pour améliorer constamment sa compétitivité. Dans ce cadre l'intelligence économique était surtout intégrée pour : Collecter, analyser, rendre opérationnelles les informations qui permettent de prendre et valider les décisions pour amener les entreprises à mieux se placer sur leurs marchés Bien gérer les risques et améliorer les capacités d'anticipation Suivre l'évolution des marchés sur les plans commerciaux et technologiques pour maîtriser les investissements Être à la pointe des meilleures pratiques "Best Practises" Appréhender les marchés des matières premières pour bien maîtriser les coûts, anticiper les hausses et sécuriser les approvisionnements Au niveau de la branche câbles et faisceaux de câbles, la société suit surtout les ventes et marketings (les immatriculations, la production d'automobiles, les alliances, les consolidations, les fermetures à l'échelle mondiale, les transferts et les délocalisations, ….). Au niveau de la recherche et développement, l'entreprise suit surtout les évolutions des innovations dans les véhicules électriques et hybrides, la consommation des fuels et réduction des poids, les substitutions des matériaux (cuivre par aluminium pour les câbles batteries). Pour améliorer leur capacités d'achat et les informations concernant cette rubrique, l'entreprise suit la bourse des matière premières (cuivre, aluminium et matières plastiques), et les nouvelles sources d'approvisionnements. Dans un secteur qui connait une évolution technologique considérable, alimentée par une concurrence acharnée au niveau du secteur automobile, la veille technologique est l'une des principales activités de la cellule intelligence économique du groupe. Pour cela, elle suit les évolutions technologiques au niveau des équipements et de l'amélioration des performances industrielles. Et pour se prémunir contre les aléas de la finance nationale et internationale, ainsi que des défauts de paiements qui peuvent avoir un impacte négatif sur la situation financière de l'entreprise, l'intelligence économique est mise en œuvre pour suivre la santé financière des institutions financières avec lesquels ils travaillent et la pérennité financière des fournisseurs et clients Pour son processus de collecte d'information, nécessaire pour son système d'intelligence économique, l'entreprise se base sur plusieurs sources, tel que son propre centre de documentation et d'informations, les revues et plateformes spécialisés, les outils Wysigot pour pages internet et RSS bandit pour flux d'information. Plus concrètement, la société effectue aussi des visites et contacts pour ses clients, fournisseurs et partenaires ainsi que la participation aux foires et salons et la réalisation d'études de marchés. Sur le plan technique, l'entreprise s'est dotée d'une base de données (Intranet) développée en interne permettant le stockage et la capitalisation des informations, la création automatique des bulletins de veille selon les articles choisis et le partage sécurisé de l'information. Sur le plan retour sur investissement qui inquiète toujours chaque entreprise, la société a pu améliorer nettement sa compétitivité et bien se positionner au niveau de son secteur d'activité. Le processus d'intelligence économique intégré au sain de l'entreprise a surtout permis d'équilibrer et ajuster les capacités de production en vue de bien répondre à la demande et bien gérer la concurrence, renforcer les capacités de "Risk Management » et enrichir et piloter les business plans. Le groupe Elloumi, à travers ces sociétés Chakira, ou Coficab, est un très bon exemple de réussite de l'intégration de l'intelligence économique dans la réflexion stratégique de l'entreprise. C'est même l'exemple à suivre par les entreprises tunisiennes quelque soit leur tailles ou leurs secteurs d'activités. Une expérience à imiter.