Les victimes sont toutes désignées… les jeunes, surtout… rêveurs, passionnés des choses de la vie… moto, voiture, voyage, mariage, maison… et la liste ne finit pas. Les arnaqueurs, les loups aux dents longues, toutes griffes dehors, sont eux aussi là… aux aguets, connaissant bien ce dont rêvent leurs proies. Un beau texte simple, et sobre, parfois évocateur, provoquant l'appétit et suscitant le désir de foncer et d'envoyer un SMS… et voilà que le piège se referme. Quelque part dans le monde… une loterie est organisée et vous en êtes l'heureux gagnant. Où cela s'est-il passé? Comment? Pourquoi vous, sans le savoir? D'où ont-ils pu avoir le numéro de votre portable? Autant de questions auxquelles on aimerait bien avoir de réponse. Mais pour plusieurs, victimes désignées, le temps n'est pas à se demander ou à poser des questions. Le temps n'est pas au doute et à la suspicion… Et si c'était vrai? Vingt cinq, cinquante ou cent mille dollars gagnés… ce serait le jackpot de la vie… Et on balaye le doute… et on commence à rêver… et on fonce, rien que pour voir de quoi il s'agit… et là on franchit le Rubicon et on fait le pas de plus… le pas qui coûtera cher.
Le tout dernier épisode de ce feuilleton de l'arnaque a profité de l'occasion des fêtes de fin d'année 2009 pour faire des siennes. Comme si le monde entier n'a pas été suffisamment saigné par la crise 12 mois durant, voilà que d'autres se mettent de la partie et s'ingénient à «scalper» encore plus en vendant de faux rêves qui n'aboutissent qu'aux cauchemars. Le «truc» commence par un petit texte du genre «Félicitations… vous venez de gagner 25 mille dollars après tirage au sort de la loterie de (…)… Pour plus de renseignements et remise de gain, contacter le numéro (…)». Et c'est à partir du premier contact, auprès du numéro international affiché sur l'écran du portable, que l'étau commence à se resserrer… comme une vis sans fin… ça n'arrête pas jusqu'à épuisement… sans contrepartie, bien sûr… sans avoir touché un centime… sans même avoir eu le temps de comprendre quoi que ce soit. Il y a eu Doha et Fedia, Riadh et Anouar, Hédi et Samira… Tout ce beau monde a reçu ce fameux message… Certains ont préféré ne pas faire cas de ces «hameçons» et ont vite fait d'émettre un sourire et d'oublier… Mais d'autres ont faibli devant leur curiosité envahissante et sont tombés dans l'autosuggestion… De là à déclencher le processus, il n'y a qu'un pas qu'ils ont vite franchi… et la machine commence à fonctionner.
Les TIC à l'index? Certains l'affirment… Les nouvelles applications sans fin et les énormes possibilités offertes par les technologies de l'information et de la communication ont permis ce genre de dérapage. En effet, grâce au «boom» technologique, les prédateurs de tout acabit, faussaires et professionnels de l'arnaque, se sont mis de tout cœur à trouver le bon filon et le plus court chemin pour la fortune, quitte à déplumer son monde. A ce sujet, d'aucuns considèrent que pas mal d'intervenants sont d'une manière ou d'une autre responsables de ces écarts technologiques ayant entraîné de nouvelles formes «propres» de vol et d'arnaque. A commencer par l'opérateur de téléphonie qui est appelé, plus qu'aucun autre, à assurer la sécurité informatique de ses installations et des informations dont il dispose concernant sa clientèle. Il y a aussi les banques et tous le secteur financier qui doivent veiller à «cadenasser» davantage leurs systèmes d'information et leurs applications informatiques «clients». Il y a enfin et surtout le citoyen lui-même… L'utilisateur et client qui doit avoir, suffisamment de bon sens et de culture spécifique lui permettant de ne pas tomber dans ce genre de piège. Une information communiquée par SMS… ça se vérifie… ça s'analyse… ça doit répondre à un raisonnement plausible, acceptable et surtout vraisemblable.
Futures cibles… à vos gardes! La jeune Fédia Ouertatani, étudiante, a été l'heureuse élue d'un SMS lui apprenant qu'elle vient de gagner le gros lot. Elle a déclaré ne plus pouvoir contenir sa joie. Elle était certaine du sérieux de l'opération, puisqu'elle touchera l'argent, lui a-t-on écrit, par le biais d'une banque de la place… Elle appelle le numéro reçu dans le SMS… Elle est retenue par une boite vocale qui lui demande de patienter un peu, de répondre à une série de questions sur l'état civil, l'adresse et autres indications nécessaires au dossier et que le chèque lui sera certainement envoyé ultérieurement. Elle attend encore la fortune… Mais entre temps Fédia a dépensé 30 dinars pour sa communication à l'étranger. Un petit calcul donne l'ampleur de l'arnaque en considérant que pour la seule Tunisie 30 mille cas similaires (et ce n'est pas beaucoup) permettront un gain d'environ 1 million de dinars! La jeune Fédia n'est pas un cas isolé. Elle n'a pas été arnaquée parce qu'elle est très jeune et étudiante… Mohamed Rezgui, lui, est fonctionnaire de son état. Il a cru gagner le pactole de sa vie… A partir d'un SMS, la joie lui a fait pousser des ailes et déclare avoir pensé tout de suite à acheter une voiture pour, enfin, fuir à jamais les problèmes du transport public. Il pense même pouvoir laisser de côté une somme honorable pour son mariage prévu l'été prochain… Mohamed s'adresse à la banque pour toucher l'argent… Le choc fut pénible et le réveil encore plus… Les victimes sont nombreuses. C'est humain et c'est compréhensible, dirait-on. Mais il est très important de souligner, quand même, qu'en Tunisie les jeux, concours et autres loteries, qu'ils soient à titre caritatif, commercial ou promotionnel doivent obéir aux dispositions légales et règlementaires, et notamment la loi 62 en date du 9 juillet 2002 qui organise les jeux de quelque forme qu'ils soient et qui stipule, entre autres, le nom, la qualité et l'adresse de l'organisateur, ainsi que la durée et le lieu de ces jeux et concours, les modalités de participation, les critères de choix des gagnants et enfin, les coordonnées de l'huissier notaire chargé de veiller à la légalité de l'opération. L'essentiel à retenir n'est pas uniquement dans les procédures ou le mesures de sécurité ni, non plus, dans les campagnes de sensibilisation menées soit par les banques ou l'Association de Défense du Consommateur ou encore plus les pouvoirs publics avec leur arsenal technico-juridique. L'essentiel est avant tout et après tout dans le comportement du citoyen qui doit absolument avoir un sens aigu de la mesure et de l'éveil s'il veut vraiment ne pas être la dinde de la farce.
Riadh Hajjaj Cadre bancaire, chargé de la conformité
Face à ce phénomène inquiétant constitué par des actes illicites d'arnaque et de vol caractérisé grâce aux avancées technologiques, en plus du préjudice qu'il cause au secteur bancaire et à la crédibilité des institutions monétaires, seule la maturité du citoyen ciblé pourrait en endiguer les dangers. D'ailleurs, les concours et jeux à caractère bancaire sont bien gérés dans la légalité et la transparence. La règle d'or pour éviter ce genre de piège très préjudiciable au citoyen, c'est de ne jamais donner d'indications personnelles sur le nom, l'adresse, l'activité, le mode de gestion financière, l'identité bancaire, etc. Il est important aussi que l'ensemble des intervenants, et ils sont nombreux, conjuguent leurs efforts pour mettre à nu ces pratiques, pour aviser et éclairer davantage le consommateur et pour suivre avec vigilance ce genre de pratiques et sévir contre les fauteurs. A ce sujet, d'ailleurs, les banques ont déjà pris les mesures nécessaires et ont entamé un plan de sensibilisation auprès de leur clientèle pour la mettre en garde contre ces méthodes frauduleuses.