Le Directeur Général du Fonds Monétaire International (FMI), Dominique Strauss Kahn, a jugé opportun depuis novembre 2009 d'annoncer avec beaucoup de prudence que «l'économie mondiale va mieux mais reste à la merci du moindre bouleversement (…), que la consolidation de la reprise dépendra des mesures que prendraient les différents pays dans les mois à venir». Lui emboitant le pas, au sujet des économies africaines, le président de la Banque Africaine de Développement (BAD), Donald Kaberuka, exprime, lui aussi, un optimisme certes modéré quant à l'amélioration de la situation économique en Afrique pour l'année 2010.
Dure… très dure, a été l'année 2009 pour l'Afrique. Les effets directs et indirects de la crise mondiale ont atteint leur paroxysme et causé «un manque à gagner» gigantesque en termes d'exportation et de recettes fiscales. La quasi-totalité des pays riches en pétrole ou en ressources minières ont vu leur revenu par habitant chuter d'une manière inquiétante. Même les pays exportateurs de produits agricoles n'ont pas été épargnés. On dénombre 27 millions de nouveaux pauvres en Afrique pour l'année 2009, selon la BAD. Devant un bilan aussi désastreux, parler de reprise pour 2010 relèverait de la gageure. Et pourtant, les analystes et experts en matière économique reconnaissent que de nombreuses économies africaines ont pu «tenir le coup» face à cette crise. Elles ont échappé aux effets directs de la crise financière et ont fait montre d'une bonne résistance aux autres effets économiques. Ces économies ont certes accusé un coup très dur. Elles auraient pu disparaître, balayées par un ouragan financier et économique plus fort, et de loin, que leurs capacités supposées de résistance. Tout relativement comparé, ça a été une bonne surprise pour les experts. Si le produit intérieur brut a fléchi en 2009 jusqu'à la moitié de celui de 2008 (2,8%), c'est pour croître de 4,5% en 2010 selon des prévisions formulées dans un rapport conjoint rédigé par l'Organisation de Coopération et de Développement Economiques (OCDE) et la BAD.
Heurs et malheurs du continent A quelque chose, malheur est bon selon l'adage bien connu. Pour un grand nombre d'économies africaines, le meilleur concours dont elles ont bénéficié pour ne pas sombrer dans la faillite est venu, justement, de leur très faible intégration dans l'économie mondiale. Cette carence les a, paradoxalement, protégées des effets directs d'un séisme financier qui a ébranlé les places boursières les plus solides. Pour ce qui est des effets indirects, les choses sont de toute autre nature: déclin des investissements, baisse des revenus du tourisme et grand coup de frein pour les recettes d'exportation. Pour l'Afrique, l'année 2009 prend fin emmenant avec elle son lot de difficultés et de douleur pour les économies africaines qui ont vécu des mois cauchemardesques en termes d'investissement, d'emploi, de production et de recettes. Conjoncturistes et prévisionnistes s'accordent à dire que l'année 2010 sera meilleure, même légèrement. La croissance reprendra. La BAD prévoit une remontée de 4%, alors que l'ONU va jusqu'à 5,3%, mais la Banque Mondiale reste pour une prévision de croissance de l'ordre de 3,7% pour l'Afrique subsaharienne. Et toujours comme à son habitude, la Banque Mondiale lance les signaux de prudence en avançant l'existence de risques qui planent encore.
Du pain sur la planche Effectivement, le Continent, au moins pour sa partie subsaharienne, est appelé à accélérer le rythme des mesures de mise à niveau et de viabilisation des économies des pays concernés. Il leur est demandé d'aller encore plus dans l'assainissement des finances publiques, dans la relance des secteurs minier, agricole, forestier. Pour d'autres, les défis de la productivité, de l'exportation et de la dure concurrence sont là pour rappeler, encore une fois, que le combat n'a pas cessé et que les actions et les programmes de redressement ont encore une longue durée devant eux. Pour une région comme l'Afrique du Nord, il est important de noter que grâce à des efforts de plusieurs années de croissance relativement solide et de plans de réformes profondes en matière de politique économique et financière les économies des pays concernés ont mieux résisté à la crise actuelle. Ces capacités de résistance ne sont pas illimitées et n'appartiennent pas à l'ensemble des pays du Continent sur un même degré. Pour l'Afrique, l'actuelle crise mondiale est mal tombée. Le moment est on ne peut pire. Aux problèmes et difficultés endogènes déjà existants auxquels les pays du Continent font face et tentent désespérément de s'en sortir, le mauvais sort en a voulu plus en y ajoutant d'autres facteurs exogènes franchement mortels. Ainsi, les Africains comprendront que la bataille de la vie et de la survie n'a pas de fin.