Le gouvernement Fakhfakh a eu droit à un bon comité d'accueil. Déjà il est handicapé au niveau de sa composition et les évènements ne l'ont pas épargné. Ce nouveau gouvernement a eu droit à une opération terroriste près de l'ambassade des Etats Unis, et aussi à une pandémie internationale qui aura des impacts économiques désastreux. Un vrai stress test, pour un gouvernement dont certains lui donne une durée de vie hypothétique de 8 mois. Sur le plan sanitaire, les autorités sanitaires ainsi que le gouvernement semblent anticiper les évènements à la lumière des développements internationaux, mais sur le plan économique, et malgré les évidences, le gouvernement faisait la sourde oreille. La peur du virus se marie avec une peur économique. Or on a besoin de tranquillisant… Un goût d'inachevé : Le discours d'Elyes Fakhfakh prononcé vendredi dans un format solennel et très ferme a étalé des mesures importantes pour la santé publique. Ces mesures étaient jugés excessives par certains, et opportunes par d'autres. Mais le point qui manquait était surtout le volet économique. Plusieurs opérateurs économiques attendaient des mesures d'accompagnement aux mesures prises par le gouvernement poussant vers le confinement, et pour atténuer l'impact de la crise économique mondiale. Mais rien n'a été avancé à ce niveau. On sentait un goût d'inachevé, malgré le courage, que nous saluons de prendre des décisions aussi importante. Nous sommes sûrs que ce n'était pas une omission, mais EF n'avait rien dans le pipe pou l'avancer sur ce sujet. Ce qui nous pousse à affirmer cette constatation est le discours accordé par le chef du gouvernement au quotidien « Le Maghreb » dans lequel il affirme avoir conscience de l'impact économique de la pandémie du Coronavirus sur l'économie nationale et l'a même évalué à 0.5% du PIB. On ne sait sur quel modèle s'est basé notre chef de gouvernement, mais nous estimons qu'il s'est précipité sur ce sujet. On doit donc s'attendre à un choc économique dur pour notre pays, déjà affaibli au fil des années précédentes pour multiples raisons. Le gouvernement EF doit bien analyser l'impact économique, qui touchera à notre sen, les domaines suivants : * Des annulations au niveau du secteur du tourisme et la possibilité de fermeture de centaines d'unités hôtelières, * Des annulations de commande dans le secteur du textile suite à la baisse de la demande sur le marché européen, * Chute au niveau de la bourse de Tunis avec une moyenne de perte hebdomadaire entre 5 et 6%, * Impact des mesures prises par le gouvernement sur les cafés, les restaurants, les commerces,…. * La baisse des exportations tunisiennes vu la conjoncture économique mondiale et la chute de la demande mondiale et principalement européenne. * Les pertes essuyées par les entreprises publiques telles que Tunisiair qui avance déjà le chiffre de 34 millions de dinars, * Les agences de voyages surtout après l'annulation de l'Omra et la baisse de l'activité des réservations, * La baisse de l'activité, voire l'arrêt, pour des entreprises qui comptent sur l'importation de matière première ou bien d'équipement ou plusieurs produits de l'étranger, * Impacts sur le chômage et l'investissement, o Impacts négatifs sur les secteurs périphériques au secteur du tourisme tel que le secteur de l'artisanat ou le secteur agricole, ou le secteur du transport touristique, o Une légère paralysie des services publics, Afin de positiver, cette crise aura certainement des impacts positifs sur le plan économique, dont notre pays peut tirer bénéfice. Nous citons à cet effet: o Baisse du cours de Brent pour atteindre moins de 30 dollars, o Baisse des cours des céréales, du Maïs et autres produits agricoles importés par la Tunisie, sur les bourses mondiales. Selon des sites spécialisés, et lors de la journée du Jeudi dernier la tonne de blé tendre perdait 2,75 euros sur l'échéance de mai à 174,50 euros, et 2,25 euros sur l'échéance de septembre à 173,75 euros o Cette crise sera une occasion pour encourager la production et la consommation locale et des produits tunisiens, et pousser les opérateurs à atteindre un niveau d'autosuffisance sur plusieurs produits. Seule une analyse chiffrée et plus poussée pourra faire l'équilibre entre les impacts négatifs et positifs de cette crise nationale et mondiale. Le gouvernement actuel doit se pencher sur ces réflexions et faire participer les compétences nationales et la société civile, car l'enjeu est national et décisif. Les autres l'ont fait : Sans faire de comparaison fortuite, ou comparer l'incomparable, plusieurs pays ont pris des mesures importantes pour atténuer l'impact économique de cette pandémie. Revenir sur ces expériences étrangères est cité à ce niveau pour éclairer les responsables tunisiens sur les possibilités qui peuvent s'offrir. L'objectif étant de rassurer les opérateurs économiques, et leur donner plus de visibilité pour qu'ils continuent à travailler normalement et éviter le vent de panique. Le président Français, Emanuel Macron a prononcé un discours, qui a été jugé même par ses détracteurs, de très positif. Même les tunisiens, qui ont suivi ce discours, ont publié des posts d'admiration et ont fait la comparaison ironique avec nos responsables. Le président Français a annoncé, dans un ton serein et fort : « Tous les moyens nécessaires à la santé des Français seront employés quoi qu'il en coûte ». Dans ce cadre, plusieurs mesures ont été avancées sur le plan économique: + la mise en place de chômage partiel : L'Etat prendra en charge l'indemnisation des salariés contraints à rester chez eux. Toute personne en chômage partiel gardera son emploi, et les personnes qui sont en chômage partiel toucheront 70% de leur salaire brut, soir 84% de leur salaire. + Les entreprises vont bénéficier de reports de charges : Toutes les entreprises qui le souhaitent pourront reporter sans justification, sans formalité, sans pénalité, le paiement des cotisations et impôts dus en mars. Les échéances qui sont dues seront suspendues pour toutes celles et ceux qui en ont besoin. » Emanuel Macron a affirmé « Tant que la crise durera, il y aura report », + Pour ne pas interrompre leur activité, les entreprises sont fortement incitées à privilégier le télétravail.Le télétravail est possible pour à peu près un emploi sur trois. En Allemagne, première économie d'Europe, les deux ministres allemands de l'économie et des finances ont annoncé « Toutes les armes sont sur la table », « nous ferons tout ce qui est nécessaire pour protéger les entreprises et les emplois ». Parmi ces mesures : + Le renforcement des indemnisations de chômage partiel, + des facilités fiscales, notamment des reports d'impôts à hauteur de plusieurs milliards d'euros, + un programme illimité de crédits via la KfW pour assurer la liquidité des entreprises. Le budget allemand garantit actuellement à la banque un cadre financier de 500 milliards d'euros. + Le gouvernement allemand prévoit aussi d'entrer au capital d'entreprises stratégiquesfragilisées par le Coronavirus. En Espagne, à laquelle on assiste depuis quelques jours à une propagation du virus, conjuguée avec des mesures drastiques de confinement et de fermeture, a annoncé vendredi dernier certaines mesures audacieuses. On cite à ce niveau les principales d'entre elles: + les petites entreprises qui sont victimes d'une chute de leurs revenus pourront bénéficier d'un fractionnement des impôts pour une durée de 6 mois sans intérêts. # Le gouvernement espagnol va injecter 14 milliards d'euros de liquidités afin de relancer l'activité économique. # les entreprises des secteurs du tourisme, de l'hôtellerie et des transports vont pouvoir bénéficier d'un soutien de l'Etat de plus de 400 millions d'euros. # la sécurité sociale versera 75% du salaire aux travailleurs qui ont été touchés par le Coronavirus, qu'ils aient été infectés ou mis en quarantaine par précaution après un contact. # Le ministre espagnol de la Sécurité Sociale a annoncé la création d'une aide financière aux parents qui ont dû perdre des heures de travail pour garder leurs enfants durant l'épidémie. Toutes ces mesures visent à atténuer l'impact économique de cette crise et concernent les entreprises et les salariés. La Tunisie n'a pas les moyens économiques de ces pays européens, mais elle pourra avancer certaines mesures qui peuvent rassurer les différents opérateurs économiques. Et nous qu'est ce qu'on a fait ? A côté des mesures de santé publique et de fermetures des frontières, des cafés et restaurants, et des mosquées, rien n'a été annoncé sur le plan économique. Dans un post sur Facebook, le ministre des finances Nizar Yaiche a annoncé qu'il y aurait possibilité d'annoncer certaines mesures d'accompagnement. Le hic c'est que monsieur le ministre a annoncé qu'on devra faire des sacrifices et que la solidarité des tunisiens va l'emporter. Pour résumer, on va encore une fois pomper dans les poches des citoyens. C'est ainsi qu'il déclare à nos amis de Tuniscope « Dans les prochains jours et semaines, nous allons annoncer des mesures concrètes et fortes, tant sur les aspects sociaux qu'économiques. Ces mesures nécessiteront un grand niveau de solidarité » et de continuer « nous allons laisser le monde entier admiratif… ». Excès de zèle, ou excès de confiance ou amateurisme…à vous de juger. On a même fait pire : dans un post Facebook, le ministère des finances a appelé les entreprises et les citoyens à avancer le paiement des échéances du mois de Mars et Avril pour l'IRPP, l'impôt sur les sociétés, et la vignette. Le ministère des finances a lancé un fonds de soutien 1818 alimenté des dons des citoyens et des entreprises, afin de lutter contre les impacts du Coronavirus. Le communiqué du ministère des finances contient plusieurs amalgames et peut induire les citoyens en erreur. En effet, il est annoncé que les fonds collecté serviront à combattre le virus et c'est pour cette raison qu'il soutiendra l'action du ministère de la santé. Nous lisons dans le communiqué que les dons serviront à « limiter les impacts économiques, sociaux et sanitaires ». Donc l'utilisation des recettes de ce fonds, qu'on va puiser dans l'élan de solidarité des tunisiens et des entreprises tunisiennes, vont servir à financer le mesures de soutien économiques, entre autres. Un vrai problème de transparence ou une mauvaise communication, des éclaircissements doivent être annoncées. Mais réellement, que pourra faire notre gouvernement pour venir à bout de cette urgence économique ? La marge de manœuvre du gouvernement est très réduite vu la conjoncture économique difficile de notre pays. Mais sur le plan pratique des mesures s'imposent, et il faut les annoncer dans les plus brefs délais : # Décaler les paiements fiscaux du 1er trimestre d'au moins deux mois sans pénalités de retard, La Banque Centrale peut annoncer une baisse d'au moins deux points, et d'une manière exceptionnelle, dans les taux # directeurs, afin de permettre à certaines entreprises de se financer à moindre coût auprès des banques. Il est important aussi de baisser le ratio des réserves obligatoires à constituer par les banques (Loan to deposit) afin de leur donner la possibilité d'accorder des crédits aux entreprises et aux ménages, # Rééchelonner le paiement des cotisations sociales d'au moins deux mois sans pénalités de retard, # Activer le fonds du trésor dédié aux urgences et qui est alimenté de plus de 400 millions de dinars, afin de financer les interventions sanitaires et créer une ligne de crédit aux petites entreprises impactées par cette pandémie, # Appeler les banques à la contribution volontaire au fonds 1818, # Accorder les liquidités nécessaires aux entreprises publiques affectées par la pandémie, et principalement Tunisair, # Activer rapidement les mesures de soutien au profit des salariés licenciés pour des raisons économiques, et l'application du décret du 26 Septembre 1997, modifié par le décret du 22 Avril 2002 et relatif à la prise en charge des indemnités des licenciements pour des raisons économiques ou technologiques, # L'Etat pourra prendre en charge les pénalités de retard des crédits octroyés par le secteur bancaire au profit des unités hôtelières, Ce ne sont que des propositions afin de contribuer aux efforts de réflexion, s'il y en a bien sûr, pour atténuer l'impact économique de cette crise sanitaire mondiale. Le gouvernement peut compter sur certains éléments qui peuvent lui donner plus de flexibilité dans son action telle que la baisse des cours de pétrole et la baisse du déficit énergétique, la baisse des cours des produits céréaliers, la baisse du niveau du déficit commercial suite à la baisse des importations de zones infectées et principalement la Chine,…. Des gains au niveau des finances publiques qui peuvent être affectées aux mesures d'intervention publique. L'essentiel c'est que le gouvernement doit prendre des mesures audacieuses. L'immobilité ne fera qu'aggraver la crise et ses retombées seront plus catastrophiques. On doit se mettre dans le feu de l'action….