Ce soir, les yeux des Tunisiens seront rivés au ciel, scrutant l'apparition du croissant de lune annonçant l'avènement du mois de Ramadan. Vers 20h, les familles s'installeront devant leurs écrans de télévision et attendront avec ferveur l'apparition du Mufti de la République qui prononcera un petit discours solennel au cours duquel il annoncera la date du premier jour du mois sacré. Une tradition qui se perpétue de génération en génération et qui garde son charme malgré les années. Depuis des décennies, le scénario est immuable avec cette incertitude, cette attente et surtout cette fameuse question qui revient chaque année, comme pour mieux imprégner l'air des effluves ramadanesques et annoncer en grandes pompes le retour du mois du jeûne: « Tu penses que Ramadan c'est demain ? » C'est que 1437 ans après l'Hégire, les Musulmans ne fixent toujours pas leur calendrier en avance et se fient encore à l'observation oculaire de la nouvelle lune pour annoncer le début d'un mois. Et c'est ainsi que chaque année, en Tunisie comme ailleurs, les Musulmans ne connaissent la date du premier jour de Ramadan que la veille au soir. Idem pour le jour de l'Aïd al seghir « Chawal ». En 2005 par exemple, le monde musulman était largement divisé sur cette question et c'est ainsi que le jour de l'Aïd a correspondu au mercredi 2 novembre en Libye et au Nigeria, au jeudi 3 novembre dans 30 pays dont l'Algérie, la Tunisie, l'Egypte et l'Arabie saoudite, au vendredi 4 novembre dans 13 pays dont le Maroc et l'Iran mais aussi au Canada et enfin au samedi 5 novembre dans une partie de l'Inde. Mais pourquoi ces disparités ? Est-ce là un précepte de l'Islam ? Est-ce là une recommandation du Prophète ? Est-ce là une problématique insolvable scientifiquement ? Pas le moins du monde ! Apparemment, il s'agirait juste de perpétuer une tradition et d'offrir aux souverains et aux hommes de religion la possibilité d'avoir un droit de regard sur la question avant de prendre la décision finale et de l'annoncer aux peuples. Comment expliquer autrement les choses alors que l'Association tunisienne des sciences de l'astronomie a formellement annoncé hier que d'après les calculs astronomiques, le premier jour du mois de ramadan serait irréfutablement le lundi bien qu'il soit probablement difficile d'apercevoir la nouvelle lune en Tunisie et dans d'autres pays dimanche soir. Le secrétaire général de l'Association a, toutefois, ajouté que le dernier mot revenait au Mufti de la République. Si pour cette année, les lunettes astronomiques sont déjà plantées et dirigées en direction du ciel pour tenter d'apercevoir la nouvelle lune à la bonne vieille méthode d'antan, les choses vont peut-être changer d'ici l'année prochaine. En effet, il y a quelques jours, un Congrès international s'est tenu à Istanbul en présence de représentants du Centre international d'astronomie et du Conseil européen pour la fatwa et la recherche, de membres de ligues de fatwas et conseils de jurisprudence ainsi que plusieurs délégations venues de plus de 60 pays. Ce séminaire a porté sur l'unification hégirienne et la nécessité d'adopter le calcul astronomique et de se fier aux équipements technologiques modernes pour déterminer à l'avenir les dates clé du calendrier de l'Hégire. Ces propositions ont reçu l'aval et l'approbation de la plupart des participants qui ont considéré que l'unification du calendrier de l'Hégire est un pas en avant pour l'unification de la communauté musulmane.