Les délégués du 10ème congrès du mouvement Ennahdha, qui s'est ouvert vendredi en présence du président de la République, ont entamé hier à Hammamet la révision doctrinale qui doit marquer la mue annoncée du parti. Suite à l'élection du Bureau de la présidence du congrès (voir encadré) et à l'adoption des rapports moral et financier, les participants ont procédé à la discussion des motions du congrès qui constituent des «feuilles de route» politique, économique et sociale pour les années à venir. Sur le plan politique, les motions actent la séparation entre activités politiques et religieuses, lesquelles seront désormais du ressort de la société civile Il s'agit d'un virage à 180 degrés en vertu duquel Ennahdha se donne le statut de parti civil et s'approche du modèle de l'AKP turc. La motion de la «vision politique»» prône en effet une réconciliation entre l'héritage du passé et la modernité, une synthèse entre laïcité et religion. Elle suggère une «lecture innovante et basée sur l'exégèse (ijtihad) du texte sacré et de la tradition prophétique tout en s'ouvrant sur les valeurs universelles et en respectant les dispositions de la Constitution tunisienne et des lois qui en émanent». L'intérêt se porte aussi sur «l'éloignement des mosquées des batailles politiques», ce qui signifie que le parti ne sera plus un mouvement doctrinaire qui veut imposer sa loi à la société. L'ex-mouvement de tendance islamique a ainsi renoncé à un élément clef de la matrice idéologique des mouvements de l'islam politique, en l'occurrence la notion de la «globalité de l'Islam» («choumouliyya») renvoyant à l'idée que cette religion constitue une réponse globale à toutes les problématiques qui se posent sur les plans politique, économique, social et culturel. Les motions dressent également le bilan des deux ans au pouvoir au sein d'une alliance tripartite plus connue sous l'appellation de la Troïka. Elles reconnaissent dans ce cadre des «erreurs stratégiques» et des «manquements» qui s'expliquent essentiellement par l'absence d'expérience dans la gestion des affaires publiques. La motion économique et sociale fait ressortir que le mouvement Ennahdha opte pour le libéralisme social qui se base sur les principes de l'initiative privée et du droit à la propriété d'un côté et la justice sociale et de l'égalité des chances de l'autre. Elle insiste aussi sur la diversification des sources de financement de l'économie nationale à travers les recours aux produits financiers islamiques comme les sukuks, l'assurance takaful et les fonds islamiques. Changement de nom ? Pour accompagner cette mue sur le fond, Ennahdha se propose d'introduire certains réaménagements dans ses statuts et son règlement interne. Ainsi, le parti compte s'ouvrir davantage sur les élites culturelles et économiques pour faire place à des intellectuels, des jeunes talents et des capitaines de l'industrie. Les conditions d'adhésion au mouvement devraient aussi être assouplies à travers l'abandon de la nécessité pour tout nouveau venu d'obtenir la «bénédiction» de trois anciens militants et l'adoption du principe de la possibilité d'adhésion des non-musulmans approuvant les programmes du parti. Le parti pourrait, par ailleurs, changer de nom pour opter désormais pour celui de «Ennahdha et Développement». Cette nouvelle dénomination, si elle se confirmait, soulignerait une volonté de rapprochement du Parti pour a Justice et du Développement en Turquie, qui est plus connu sous l'acronyme de l'AKP. A travers ces diverses mutations annoncées sur le fond comme sur la forme, Ennahdha cherche visiblement à convaincre les partenaires internationaux et ses adversaires locaux qu'elle ne fait plus partie de la confrérie des Frères musulmans et qu'elle demeure un interlocuteur de premier plan en Tunisie. C'est de la réussite de cette «sortie de l'islam politique» comme l'a annoncé le président du parti au quotidien français Le Monde que dépendra la capacité d'Ennahdha à élargir son champ d'influence et, partant, sa base électorale. Les municipales de mars 2017 auront dans ce cadre valeur de test... Au cours de la dernière journée du congrès, les délégués devraient adopter des propositions de modification des statuts du parti et procéder à l'élection des membres du conseil de la Choura et d'un nouveau président. Selon les observateurs, Rached Ghannouchi est bien parti pour succéder à lui-même, aucune autre personnalité ne pouvant actuellement prétendre au rôle de chef charismatique et capable de gérer les conflits internes avec beaucoup de doigté. Des surprises sont cependant attendues en ce qui concerne les résultats des élections du bureau exécutif et du conseil de la Choura. Des jeunes cadres et des compétences nationales ayant rejoint le mouvement ces dernières années devraient en effet faire leur entrée au sein de ces instances à l'issue d'un vote électronique sur tablettes. Walid KHEFIFI Composition du bureau de la présidence du congrès -Président du congrès: Ali Laârayedh -Premier vice-président: Ridha Idriss -Deuxième vice-président: Ali Harrabi -Porte parole-officiel du congrès et chargé de la communication: Oussama Seghaïer - Chargé des affaires juridiques : Tarek Rezgui -Commission des élections et d'examen des recours : Mehrezia Laâbidi -Rapporteur général du congrès: Salah Mtiraoui Ali Laârayedh, président du 10ème congrès Ali Laârayedh a été élu, vendredi, président du 10ème congrès du mouvement Ennahdha avec 678 voix, contre 414 pour Noureddine Bhiri. Les candidats en lice pour la présidence du 10ème congrès sont Ali Laârayedh, Noureddine Bhiri, Abdellatif Mekki, Abdelkrim Harouni et Farida Laâbidi. Aucun candidat n'a obtenu la majorité absolue des voix ce qui a donné lieu à un 2ème vote pour choisir le candidat ayant obtenu le plus de voix suivi par celui qui l'a talonné. Lors de la première étape du vote, Ali Laârayedh a récolté 433 voix, Noureddine Bhiri 342 voix, Abdellatif Mekki 183 voix, Abdelkrim Harouni 119 voix et Farida Laâbidi 29 voix. Rached Ghannouchi, seul candidat confirmé à la présidence du Mouvement Rached Ghannouchi est le seul candidat confirmé à la présidence du Mouvement Ennahdha. Bien qu'il y ait d'autres candidats potentiels à l'instar d'Abdelhamid Jelassi et Abdellatif Mekki, Rached Ghannouchi demeure le seul candidat confirmé à la présidence du Mouvement Ennahdha. Abdelhamid Jelassi an déclaré, à ce propos : « Jusque-là, je ne suis pas candidat à la présidence du Mouvement. Le seul candidat confirmé à ce poste est Rached Ghannouchi »