Cinq ans après la Révolution, l'échiquier politique tunisien continue de vivre un sureffectif sans précédent. Les partis politiques se comptent par dizaines et les coalitions se forment et se déforment au fil des jours. Paradoxalement, cet embouteillage politique fait vivre le pays dans un désert sans précédent. Cette conclusion s'impose à nous dès que nous tentons de faire l'état des lieux de notre classe politique. Faute de programme bien établi, nos partis politiques ne cessent de rebondir sur des débats stériles et des projets mort-nés. Al Moubadar et l'UPL : la fusion fatale L'Union patriotique libre – membre de la coalition des partis au pouvoir – passe, et ce depuis un bon moment, par une période de fragilité assez prononcée. Après les démissions de quelques-uns de ses membres, les dirigeants de l'UPL tentent d'en finir avec la crise qui leur a fait perdre beaucoup de leur crédibilité. Après que les négociations de fusion avec le mouvement de Nidaa Tounes aient lamentablement échoué, l'UPL s'est tournée vers l'Initiative nationale destourienne de Kamel Morjane et Mohamed Jegham. Ayant eux-mêmes échoué dans leur tentative de regrouper la grande famille destourienne, et après avoir connu un échec clair lors des élections de 2014, Morjane et Jegham n'ont pas pu décliner catégoriquement les offres de Slim Riahi. Tandis que les négociations battaient de leur plein entre les deux partis, les dirigeants de l'UPL ont tout suspendu à cause d'un recrutement assez indélicat : celui de l'ancienne dirigeante d'Al Moubadara, Samira Chaouachi. En effet, Mme Chaouachi avait quitté le parti de Kamel Morjane mais son retour était encore envisageable puisqu'elle rejoint l'UPL. Ayant déplu aux dirigeants d'Al Moubadara, ce recrutement risque de stopper les négociations de fusion. Cependant, et si jamais cela venait à arriver, il serait très difficile pour la nouvelle formation de trouver un équilibre intérieur – les premières informations affirment qu'il y aurait deux présidents de partis (en l'occurrence Morjane et Riahi) et un vice-président (qui ne peut être que Jegham) – avec les guerres de positionnement qui verront le jour. Ce qui rendrait la tâche encore plus pénible pour tout le monde dans la mesure où, en apparence, les deux formations n'ont absolument rien en commun ! Nidaa Tounes et Al Machroû ou le cercle vicieux De longs mois de querelles au sein de Nidaa Tounes ont fini par donner naissance à un nouveau parti politique baptisé Projet mouvement Tunisie. Un parti regroupant tous les mécontents de l'après Béji au sein du Nidaa et peinant à recruter de nouvelles figures nationales pour l'aider à se débarrasser de l'image du clan dissident du Nidaa. Jusqu'à présent, et après l'élection du premier comité politique du PMT, ce nouveau-né peine à avancer. Après une conférence de presse tenue en fin de semaine dernière, le PMT est revenu au cœur du débat à cause des démissions qui commencent, d'ores et déjà, à voir le jour : après le départ précipité de Lazhar Akermi – qui avait démissionné de son poste de ministre au sein de la présidence de la République pour soutenir ce nouveau projet – deux autres démissions viennent mettre le doute sur le projet de Marzouk. Le bloc d'Al Horra vient en effet de perdre deux de ses députés, Fatma Mseddi et Adnane Belhadj Amor. Si Fatma Mseddi a été relativement évasive sur les raisons de son départ, Adnane Belhadj Amor y a consacré un communiqué. Ce communiqué nous apprend que le député a préféré quitter le navire bien avant qu'il ne prenne le large et ce à cause ‘des divergences politiques fondamentales qui portent atteinte à la ligne partisane et à la manière dont ses activités sont gérées'. Et d'ajouter qu'il publiera, dans les quelques jours à venir, des textes politiques qui expliqueront, par détails, les raisons de cette démissions et qui mettront à nu ‘le phénomène Mohsen Marzouk et son projet'. Alors que le PMT, comme nous l'avons signalé, n'arrive toujours pas à se débarrasser de l'empreinte du Nidaa, il commence à subir des départs qui ne laisseront pas de marbre l'opinion publique. De son côté, Nidaa Tounes continue à ramer : après les petites lueurs d'espoir nées suite au retour de Ridha Belhaj et ses promesses relatives à la révision des décisions prises lors du congrès de Sousse et suite à l'initiative des cinquante-sept, le mouvement majoritaire aux élections de 2014 reprend ses querelles après que les députés aient rejeté une réunion avec le président du comité politique. Le bloc parlementaire n'a en effet pas digéré le fait que Belhaj ignore les décisions entreprises lors des journées parlementaires de Nidaa tenues, il y a quelques jours, dans la ville de Hammamet. Si le mouvement et ses dirigeants choisissent d'aller vers de nouvelles confrontations, le parti risque de ne plus jamais pouvoir s'en relever. Ennahdha : tout va bien, en apparence ! Le mouvement d'Ennahdha est connu pour la grande maîtrise de ses dirigeants de contenir les tiraillements et les garder en interne. A part la démission de Hamadi Jebali, le mouvement islamiste ne s'est presque jamais donné en spectacle à l'instar des autres partis politiques du pays. Toutefois, Ennahdha est aujourd'hui devant un pari considérable : son dixième congrès – qui se tiendra au cours du mois de mai – sera une véritable épreuve pour l'union de ce mouvement. En effet, les Nahdhaouis se sont engagés à séparer, définitivement, le volet religieux de celui politique. Mais, et étant donné qu'il s'agit d'un parti fondamentalement idéologique, cette séparation risque de déplaire à plus d'un et cela commence déjà à se faire ressentir. Cela pourrait être le cas d'Abdelfattah Mourou, dirigeant au sein d'Ennahdha et vice-président de l'Assemblée des représentants du peuple, qui a annoncé, il y a quelques semaines, son intention de quitter la politique pour se consacrer au volet religieux. Une annonce révélatrice qui donne une idée de ce que sera l'avenir du mouvement après la tenue de son congrès.