Les tractations pour la formation du gouvernement continuent. Ce qui suscite d'ailleurs davantage de supputations autour du nom du prochain chef du gouvernement. Tandis que, dans la foulée de ces négociations, le président de la commission économique et sociale du parti au pouvoir vient d'annoncer « un programme d'urgence » pour les 100 premiers jours du futur gouvernement. Une annonce qui ne concerne pas- a priori- les réformes structurelles que l'économie nationale nécessite. Le dirigeant du parti au pouvoir, maître d'œuvre du programme économique et social du Nidaa, mentionne notamment la flambée des prix et la détérioration du pouvoir d'achat ainsi que l'aménagement des quartiers populaires. Des urgences que le contexte économique et social impose. Quid des réformes profondes ? Aucune réaction, mais quoi qu'il en soit, nombre de chantiers ne seront pas achevés durant l'année en cours, que ce soit pour la complexité des réformes entreprises ou bien pour l'absence de toute vision. Ci-dessous, quelques secteurs concernés : la liste n'est pas exhaustive. Zied Dabbar * Caisses sociales et retraite : Le débat ne fait que commencer Les concertations autour de ce sujet se poursuivent. Le gouvernement n'avance qu'une seule solution. Le report à 62 ans de l'âge du départ à la retraite pour à la fois sauver les équilibres des caisses sociales et encourager les gens à- soit disant- travailler plus. A vrai dire, le déficit que ces caisses accusent doit dépasser 400 millions de dinars, contre un déficit de 220 millions de dinars en 2012 et 280 millions de dinars en 2013. La prorogation à 62 ans de l'âge de départ à la retraite pourrait procurer aux caisses sociales 400 millions de dinars en deux années. Tout compte fait, les soldes de bilans des trois caisses sociales devraient être bénéficiaires de 200 millions de dinars en trois ans. Au-delà de ces calculs, arithmétiques, le gouvernement se trouve confronté à une position ferme de la part de première centrale syndicale. En fait, côté UGTT, on dit non à tout projet pareil. On avance des solutions « futuristes ». Façon de dire que pour résoudre des difficultés structurelles, il faudra des solutions structurelles. C'est ainsi qu'on avance la création de l'emploi comme solution, outre le changement même du mode de financement des caisses sociales pour s'orienter vers un mode de financement par capitalisation au lieu d'un système de répartition. Le débat devrait continuer. Il devient difficile d'y trancher durant cette année. * Fiscalité : La réforme traîne le pas ! La Tunisie s'est finalement dotée d'une réforme fiscale. Une réforme intégrale et radicale qui ne doit être appliquée qu'à partir de 2016. Les nouvelles réformes fiscales seront inclues dans les projets des lois de finances pour les années 2016, 2017 et 2018. Bien que selon les propos du ministre de l'Economie et des Finances, l'année 2015, connaitra l'application de quelques mesures « dictées » par cette réforme. Il s'agit entre autres de la levée du secret bancaire, l'autorisation pour les entreprises « offshore » à écouler une part de leurs productions sur le marché local outre l'exemption d'environ 68 secteurs du régime fiscal forfaitaire. Une évidence. Il faudrait attendre au moins trois années pour mettre en place cette réforme à la fois revendiquée par le contexte économique et social en Tunisie et exigé par les instances internationales, le FMI en l'occurrence. * Réforme bancaire : Silence, on attend encore ! Quel serait l'apport d'une réforme bancaire profonde ? La question semble plus adéquate si elle est posée autrement: que se passe-t-il si la réforme bancaire tarde encore ? Rien ne va changer, sauf que le redressement de l'économie nationale serait de plus en plus difficile avec le « désengagement » des banques de la place dans le financement de l'investissement. De toutes les manières, la réforme du secteur bancaire n'est qu'une composante d'une vaste réforme du secteur financier. A vrai dire, la réforme bancaire devrait tout d'abord, selon la BCT, commencer par le sauvetage des banques publiques dont les opérations d'audit sont finies (hormis la BNA). La recapitalisation de la STB et la BH rien n'est encore décidé. La révision même de la participation de l'Etat dans ces banques n'est pas encore engagée malgré l'effet produit par l'annonce du gouvernement relatif à la cession de la participation étatique dans 8 banques de la place. Quoi qu'il en soit, ladite réforme ne sera pas finalement achevée durant cette année. * Agriculture : 8% de croissance, en l'absence d'une nouvelle stratégie Pour l'année en cours, les chiffres officiels, font apparaître une croissance de 8% du secteur agricole, contre 2% en 2014. Ce surcroît de croissance s'explique par l'augmentation de la production de l'huile d'olive qui a triplé. Les chiffres du ministère de tutelle, évoquent également une croissance de la production céréalière, celle des dates et des agrumes. Mais, au-delà de ces chiffres prévisionnels optimistes, les maux de l'agriculture tunisienne ne manquent pas. Outre le morcellement des terres agricoles et le régime foncier rigide, les agriculteurs tunisiens se trouvent confrontés également au problème de l'endettement, le manque des subventions des intrants agricoles et surtout les problèmes d'accès aux ressources hydrauliques. Des difficultés majeures sont observées dans d'autres filières à l'instar des éleveurs bovins et ovins. Et quand bien même, le secteur contribue à hauteur de 2% au PIB et emploie environ 16% de la population active, aucune réforme n'est à l‘ordre du jour. Aucune opération de sauvetage n'est annoncée. Pour l'année en cours, aucun changement radical n'est prévu. * Tourisme : La réforme n'est même pas engagée ! Les «selfies » ne suffisent pas. C'est le discours auquel on s'attendait de la part de la profession quand l'évaluation du rendement de la ministre du Tourisme fut évoquée. Durant l'année écoulée, la Tunisie a accueilli, environ 6 millions de touristes, soit une baisse de 3% par rapport à l'année 2013. Par comparaison à d'autres destinations concurrentes, le Maroc et la Turquie en l'occurrence la Tunisie perd de plus en plus son attractivité. Et pourtant, aucune réforme n'est engagée ni pour moderniser une infrastructure vieillissante, ni pour améliorer la qualité des services qui se détériorent. Le ministère de tutelle ainsi que la profession n'ont eu ni l'audace ni la pertinence de trouver un arrangement qui puissent résoudre le problème de l'endettement du secteur qui se trouve pris en otage. Côté profession, principalement, les hôteliers on refuse même l'idée de créer une société de gestion des actifs, dédiée principalement à la gestion des unités hôtelières endettées, sous prétexte que ladite société va s'accaparer les biens des hôteliers, dont la majorité n'a pas remboursé ses dettes auprès des banques principalement publiques telles que la STB. Du corporatisme qui fait qu'une éventuelle réforme du secteur touristique ne sera pas engagée durant l'année en cours. Elle serait encore ajournée !