Dans le cadre de la semaine du film francophone, les cinéphiles peu nombreux ont suivi, vendredi dernier dans la salle 7ème Art, le film « Les femmes du Caire » du réalisateur égyptien Yousry Nasrallah. Ce drame de 2h15min interprété par Mona Zaki dans le rôle principal, Sawsen Badr, Mahmoud Hemida, se passe dans le Caire d'aujourd'hui. Hebba, présentatrice d'un talk-show populaire, se voit contrainte de renoncer aux sujets politiques afin de favoriser la carrière de son mari, rédacteur en chef adjoint dans un journal affilié au gouvernement. Elle décide alors de se consacrer à des histoires de femmes. Mais celles-ci s'avèrent tout aussi politiques, et Hebba va progressivement se retrouver sur un terrain miné fait de tromperie et de répression sexuelle, religieuse et sociale. Construit comme un triptyque, entre soap-opera et chronique médiatique, le film raconte ainsi les déboires au quotidien d'une présentatrice d'un talk-show populaire, qui se parfume au Chanel et porte des vêtements de grandes marques. Elle doit se débattre pour éviter à son mari rédacteur en chef ambitieux d'être dégradé par ses supérieurs. Pour ce faire, elle est obligée d'éviter les sujets à forte teneur politique pour favoriser la promotion de son mari à la tête d'un grand quotidien proche du pouvoir. Mais son talkshow diffusé en direct crée des vagues qui n'ont pas du tout l'air de plaire au pouvoir en place en l'occurrence celui de Moubarak puisque le film est réalisé en 2009. Des femmes se succèdent sur son plateau pour révéler leurs relations avec les hommes et leur dépit amoureux. Déprimées ou ayant séjourné en taule, toutes, quelle que soit leur appartenance sociale, ont souffert du machisme des hommes. Réalisé de manière frontale tantôt penchant vers la comédie pétillante, tantôt vers le drame social parfois glauque, le film oscille entre le politique, chasse-gardée des hommes et le combat de femmes contre l'injustice et le machisme en jouant sur les codes du cinéma populaire égyptien mais tombe vite dans le piège du mélo. Il nous livre alors un film inégal avec des scènes fortes et poignantes comme celle des trois sœurs qui gèrent l'héritage parental, une quincaillerie mais se battent chacune pour séduire l'employé et des scènes hystériques de Mouna Zaki qui se révèlent moins convaincante. Du cinéma d'auteur dont Yousry Nasrallah s'est fait le digne héritier de Chahine, il tombe dans la facilité du cinéma populaire de grande consommation. Le dispositif mis en place perd de son intensité dramatique et de son émotion lorsque Hebba (Mouna Zaki) est face à ses invitées devant les caméras de télévision. Le film, parfois très sensuel, réussit toutefois à dresser de beaux portraits de femmes formidablement incarnés, par une Sawsen Badr au plus haut de sa forme avec un discours offensif contre le machisme de la société égyptienne. La place de la femme dans la société égyptienne ainsi que la violence malsaine entre pouvoir et médias donnent plus de vigueur au film. Hebba, qui en a vu des mûres et des pas vertes, redécouvre son vrai visage de femme maltraitée comme celles qu'elle invite dans son émission. Hebba reste sous les projecteurs mais change de place. De présentatrice, elle devient sa propre invitée. Et par conséquent, le dispositif télévisuel – la confession en direct- se retourne contre elle.