Chose promise, chose due. Comme nous l'a annoncé dimanche dernier dans une interview, le doyen de cette faculté, Habib Kazdahgli, a procédé, avec un bon nombre de ses collègues et des étudiants et en présence de la famille de Chokri Belaïd représentée par sa femme, sa sœur et son frère, à la cérémonie inaugurale où le nom du martyr de la patrie était donné à la grande place de la faculté. Le choix de ce jour du 7 mars n'était pas fortuit, c'était le jour de la commémoration de l'enlèvement du drapeau national par un Salafiste et de l'acte de bravoure dont l'auteur est la jeune Khaoula Rachidi qui l'a empêche de le faire. Nous avons recueilli, pour vous, les déclarations des principaux acteurs de cette journée mémorable. Habib Kazdaghli : nous poursuivrons la lutte pour la liberté pour laquelle Chokri Belaïd s'est sacrifié «Les professeurs, qui ont observé deux jours de grève, les 6 et 7 février, ont demandé au conseil scientifique de marquer cet assassinat politique très dangereux dans l'histoire de notre pays et qui afranchi la ligne rouge. Le 15 du même mois, le conseil élargi a entériné cette proposition, et nous avons décidé de donner à cette place le nom du martyr Chokri Belaïd, car elle constitue une plaque tournante : c'est là que les étudiants tiennent leurs réunions et c'est par là qu'ils passent pour se rendre à la buvette, de plus, elle se trouve entre la salle des professeurs et la salle polyvalente. C'est un lieu carrefour qui rappelle à tous les passants, à tout instant, ce grand militant qui a payé de sa vie pour la conquête de la liberté. Il faut que la jeunesse comprenne que ce grand sacrifice qu'il a consenti dépasse le parti auquel il appartient et que c'est pour la patrie que Chokri Belaïd s'est immolé. Il est très cher pour nous, universitaires, car il était un grand défenseur des libertés académiques : il était parmi les quarante avocats qui se sont mobilisés pour mon procès. Cet hommage est, donc, un signe de reconnaissance pour tous ceux qui combattent pour les libertés académiques qui font partie intégrante des libertés publiques. Cette faculté c'est celle de la résistance au temps de Ben Ali, et aujourd'hui, elle veut contribuer à sa façon à l'édification de la liberté, à la réussite de cette phase pour l'asseoir à jamais, elle portera le flambeau des lumières et se battra contre tous les écueils actuels pour que la démocratie soit installée définitivement en Tunisie. Nous exprimons très haut et très fort notre volonté à l'adresse de tous ceux qui ont refusé de nous supporter. Je parle, ici du ministre de l'intérieur, qui devient chef de gouvernement, qui a osé nous opposer dos à dos Salafistes et doyen, et je lui dis que ce que vous avez dit est faux et que les libertés académiques ainsi que le pays étaient, effectivement, sous pression quand on s'est permis de porter atteinte au prestige de l'université et d'humilier le drapeau national. Donc, j'attends toujours des excuses de sa part. Je voudrais rappeler que, comme par hasard, ce 7 mars, il avait en face de lui comme interlocuteur, sur un plateau télévisé, Chokri Belaïd. Il l'est aujourd'hui aussi et il le sera pour toujours ». Besma Khalfaoui Belaïd : un hommage amplement mérité « L'hommage rendu à Chokri est une reconnaissance pour le militant, le symbole, l'homme politique, le grand analyste du réel, le défenseur des droits de l'homme, le penseur, le poète, l'encyclopédiste, l'être humain... La relation de Chokri Belaïd avec la faculté des lettres de la Manouba est vieille, elle date depuis le début des années 80 quand il y venait régulièrement et y tenait des discours alors qu'il était encore élève. C'est un hommage amplement mérité ». Abdelmagid Belaïd : un hommage ayant un goût très spécial « On a rendu hommage à Chokri dans plusieurs facultés, mais celui l'hommage de la faculté des lettres de la Manouba a un goût spécial, parce que la relation de Chokri avec cette institution date depuis l'ère bourguibienne où il était, une fois, assiégé pendant 12H 35 minutes par la police dirigée par Ben Ali en personne, le directeur de la sûreté nationale à l'époque. Et il était arrêté en dehors de l'enceinte universitaire. Chokri défendait les étudiants sans relâche et d'une manière inconditionnelle. Donc, c'est normal que cette faculté qu'il a toujours défendue et qui l'a toujours accueilli l'accueille aujourd'hui et que les étudiants pour la cause desquels il s'est toujours battu viennent aujourd'hui honorer sa mémoire et fêter cette cérémonie. Et je tiens à préciser que l'enquête officielle est une mascarade dirigée par le gouvernement de l'étouffement de la Révolution, le gouvernement de l'échec, le gouvernement du mensonge. Ennahdha essaye de noyer le poisson oubliant qu'il y a tout un peuple derrière Chokri, toute une famille, tout un parti, tout un front, des femmes et des hommes. Que Ennahdha sache bien que nous ne reculerons jamais et qu'on a préparé un dossier très consistant qu'on va présenter à la justice internationale. On n'aura jamais confiance en ce gouvernement tant qu'il est dirigé par Ennahdha. Et concernant les informations filtrées parlant de l'arrestation de l'accompagnateur du tueur et de l'imminente capture de ce dernier, nous considérons qu'elles sont largement insuffisantes, car même à supposer qu'elles soient vraies, ce qui nous importe principalement c'est ceux qui se trouvent derrière tout cela, ceux qui ont donné l'ordre, ceux qui ont planifié l'assassinat. De ma part, je reste persuadé que les parties à incriminer sont quelques salafistes et les « ligues de protection de la révolution » qui ont bénéficié de l'aide et de la couverture de Ennahdha et mis à exécution ses ordres et ceux du criminel Rached Ghannouchi».