Un parti qui se considère, se définit, se positionne, comme étant une véritable force politique est un parti qui doit être capable de proposer un vrai projet de société pour ses concitoyens ; c'est-à-dire, une alternative d'ordre sociétale, économique et a fortiori politique. Cette alternative, ce projet donc, devrait s'articuler autour : - des valeurs cohérentes, des normes fédératrices fondées sur le passé national, l'histoire des luttes et combats des aînés, y compris les conflits sociaux ; - une doctrine sociale ayant comme fondement des références intellectuelles, idéologiques et historiques (les expériences des autres nations) ; - un attachement, donc, au passé mais avec une volonté d'améliorer le présent pour mieux influencer et s'imposer dans le futur. D'autres données plus objectives peuvent nous éclairer sur la réalité du poids politique de tel ou tel parti : Les voix récoltées et les sièges gagnés lors des élections, l'évolution du nombre des adhérents, les qualités de ses élus et les compétences de ses représentants, son budget et ses relations avec la bourgeoisie commerçante et bancaire, ses appuis auprès des médias, ses soutiens auprès des intellectuels, etc. Le CPR répond-t-il, aujourd'hui, à ses exigences pour pouvoir se prévaloir du qualificatif « seconde force politique du pays », comme le martèle sans cesse son secrétaire national, Mohamed Abbou ? Au-delà des valeurs universalistes annoncées lors du dernier congrès et auxquelles le CPR, grâce à son fondateur le Président Moncef Marzouki, y demeure extrêmement attaché. En réalité, les programmes présentés sont d'une simplicité et d'une généralité qui frôlent la naïveté, pour ne pas dire carrément la médiocrité. Le programme économique, une quinzaine de pages rédigées en arabe, qui est sensé être l'emblème, la bannière, la marque de fabrique du CPR n'a, à vrai dire, d'un programme économique d'un parti politique que le nom ! Des généralités utopistes fondées sur des désillusions et une méconnaissance totale des contraintes financières et sociales, pour ne pas dire des sciences économiques en générale, du rôle des institutions nationales et internationales et, de l'interdépendance des économies des nations, etc. Un programme économique de quinze pages qui ne contient aucun indicateur macroéconomique (évolution du PIB, niveau du déficit budgétaire, dettes publiques, taux d'inflation, taux du chômage,), aucun ratio microéconomique (taux d'autofinancement, taux de rentabilité économique, niveau des excédents bruts d'exploitation,), aucune donnée sociodémographique (taux d'accroissement démographique, taux de scolarisation, taux d'activité des femmes,), etc. A se demander, si ce rapport a été élaboré par un groupe de spécialistes (économistes, financiers, juristes, ingénieurs,) ou par un groupe d'apprentis militants qui s'initient à la vie politique pour exercer d'hypothétiques fonctions et satisfaire ainsi des ambitions assez prématurées. C'est abracadabrantesque ! Pire encore, aujourd'hui, les deux leitmotiv, les deux thèmes phares du CPR sont devenus : La lutte contre la corruption et l'Audit sur la dette publique. C'est dire l'importance du chômage et des chômeurs aux yeux des responsables de ce parti. La détresse sociale de nos compatriotes est reléguée au second plan, voire même confinée définitivement dans des cartons entreposés dans la cave, rue Ali Darghouth. La justice sociale, la lutte contre les inégalités, la décentralisation, sont-elles devenues des thèmes ringards ? Le nombre des adhérents du CPR, y compris les non-résidents, est, au mieux, de 2000 contre au minimum 100.000 adhérents pour Ennahdha, soit 2 contre 100. Nous constatons par ailleurs, avec surprise d'ailleurs vu le profil du fondateur du parti, une absence assez remarquée de soutien auprès des intellectuels et des artistes. Ou encore, l'absence distinguée d'assise électorale auprès de la bourgeoisie tunisienne. Nous relevons également des relations limitées avec les médias et les fabricants d'opinions. De plus, nous observons des scissions à ne plus en compter : Raouf Ayadi et ses coéquipiers, les déclarations fracassantes de Taher Hmila et Ayoub Massoudi, ou encore les déclarations maladroites de Mohamed Abbou, particulièrement celle sur « () ceux qui seraient tentés de descendre dans les rues pour paralyser le pays en remettant en cause la légitimité légale de l'assemblée constituante et donc du gouvernement après le 23 octobre sont passibles de la peine de mort, () », a-t-il souligné ! Le CPR pourra-t-il tenir encore le coup ? Mohamed Abbou saura-t-il à la hauteur de Moncef Marzouk qui a crée de néant ce parti pour en faire le 23 octobre 2011 la seconde force politique du pays ? Le poids politique aujourd'hui du CPR ne le doit-il pas au soutien et au charisme de son fondateur ? Autrement-dit, Mohamed Abbou saura-t-il capable de hisser son parti, lors des prochaines élections, en tête de peloton pour ainsi renouveler l'exploit du bâtisseur ? Quels seront les effets de ses dernières déclarations malhabiles sur son électorat ? A en juger par les faits et la réalité des choses, l'avenir du CPR nous semble assez compromis ! En effet, plusieurs données convergent vers ce constat : Le charisme, le don de communication et l'accessibilité de Moncef Marzouki ont été à l'origine d'un extraordinaire élan de sympathie à son égard. Hélas, ces qualificatifs ne me semblent pas encore aujourd'hui être réunis dans une des différentes personnalités représentantes du CPR, à l'exception évidemment du Président. En effet, la rigidité psychologique et par conséquent communicative de certains représentants [Austérité faciale et inaccessibilité pour le Tunisien moyen de l'arabe classique utilisé lors des débats télévisés ou radiophoniques] sont un vrai handicap pour charmer de nouveaux sympathisants et recruter d'éventuelles adhérents. Pire encore, les dernières déclarations de Mohamed abbou sont un vrai désastre politique pour le parti. Ou, la distanciation, voire parfois le mépris, exprimés par certains de ses hauts fonctionnaires. Aussi, la main mise d'une poigner de personnes proches du Président sur le parti, ....sans oublier les transfuses d'Ennahdha qui sont avant tout au service de leurs propres convictions idéologiques plutôt qu'au service de l'intérêt suprême de l'Etat et éventuellement au service du CPR,. Autant dire que le citoyen lambda ne compte plus ! N'est-il pas urgent de se ressaisir avant que le naufrage n'emporte le «panier...» ? Les combines internes, qui reflètent d'ailleurs la bassesse de certains membres, ne doivent-elles pas être débusquées et bannies ? Les transfuges d'Ennahdha ne devraient-ils pas partir? N'est-il pas aussi urgent d'entreprendre les démarches nécessaires pour se réconcilier avec les fondateurs historiques du parti ? La justice sociale, la lutte contre les inégalités, la décentralisation et la lutte contre le chômage ne devront-ils pas redevenir le cœur des préoccupations du CPR ?