Une conférence de presse a été donnée samedi dernier par Sihem Ben Sédrine présidente du Centre de Tunis pour la Justice Transitionnelle, et à laquelle ont pris part plusieurs juristes ainsi que des journalistes parmi les médias écrits et audiovisuels. Le but de cette conférence a été de faire connaître la mission dudit centre créé au mois d'août 2011, consistant à œuvrer à consolider la justice transitionnelle par tous les moyens qui s'avèrent utiles à cet effet. Sihem Ben Sédrine a précisé toutefois qu'il s'agit d'une ONG dont l'action est parallèle à celle exercée au sein du Ministère des Droits de l'Homme et de la Justice Transitionnelle. Ce qui crée un système de contrepoids, dans l'intérêt du citoyen, et pour la recherche de la vérité. Un travail de Titans L'action du CTJT consiste essentiellement à faire des investigations partout où c'est possible de le faire pour la connaissance de la vérité. Les archives de l'Institut de la mémoire nationale ont été altérées par la destruction semble-t-il d'un certain nombre de documents. C'est la raison pour laquelle, il faut recourir à d'autres éléments pour établir la preuve des abus et des exactions dont on été l'objet plusieurs victimes par le régime révolu. Il n'y a pas en effet que les écrits; il y a également les témoignages de certaines personnes, que ce soit parmi les victimes ou leurs familles et plusieurs autres qui n'ont pas eu l'occasion d'intervenir, à cause de la répression à outrance qui sévissait à l'époque. D'ailleurs parmi ces gens là il y a ceux qui ont subi toutes sortes de chantage afin de les empêcher de parler, pour taire la vérité. Instance de justice transitionnelle Par ailleurs Sihem Ben Sédrine a affirmé qu'une instance de justice transitionnelle, faisant partie de la structure judiciaire, est nécessaire pour mieux aider à faire la lumière sur tout ce qui a été sciemment occulté durant le régime révolu. D'autant plus que les victimes ne sont pas uniquement des personnes physiques. Il y a toute une entité nationale qui a été victime de la corruption politique. Celle-ci a touché aussi bien les régions que les classes sociales, dont notamment les plus démunis et en tous cas tous ceux dont qui ont été lésés et dont les droits ont été bafoués et violés. Chronologie dégressive Les cas des années de braise de l'aube de l'indépendance sont-ils à considérer dans les investigations pour la recherche de la vérité ? Le passé lointain comme le passé proche, doivent entrer en ligne de compte dans les investigations pour une justice équitable en vue de réparer tous les préjudices subis aussi bien sous Bourguiba que sous Ben Ali. Cependant c'est le passé proche qui est le plus important. Cela ne veut pas dire que ce qui s'est passé il y a 50 ans est à négliger, comme les exactions subis par les yousséfistes. Il n'est nullement question de négliger ce volet, concernant plusieurs victimes. Mais c'est une chronologie dégressive qu'il faut pratiquer en commençant par les évènements qui sont encore frais dans la mémoire des Tunisiens, pour arriver aux évènements les plus lointains et qui ne sont pas d'ailleurs de moindre importance. Transition et équilibre politique Le professeur Kais Saied, a fait remarquer quant à lui, que la transition de la justice doit se faire dans l'équilibre entre l'homme de justice et l'homme politique. Il ne doit pas y avoir d'interférence entre le domaine judiciaire et le domaine politique et ce dans un souci d'une meilleure consolidation de l'indépendance de la Justice. Il faut par ailleurs une refonte de la classification des infractions, et la création de chambres spécialisées pour chaque domaine. La corruption politique, diffère en effet de la corruption financière ou administrative. Cette classification contribue à une meilleure transparence évitant les amalgames et les interventions au sein du corps judiciaire. Une refonte de la structure sécuritaire s'impose Le professeur Yousr Dali, secrétaire général du CTJT a insisté pour sa part sur la refonte de la structure sécuritaire qui constituait la machine de répression entre les mains du pouvoir, sous l'ancien régime. Une révision du règlement intérieur des forces de la sécurité intérieure, afin de limiter désormais les responsabilités de chacun, s'impose. C'est de cette façon que chacun sera tenu de répondre dans la limite de ses responsabilités. La tâche est ardue, et le résultat n'est pour demain, mais il faut quand même tenir bon, et se hâter avec lenteur.