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Abdessattar Ben Moussa ne mâche pas ses mots: «Le gouvernement provisoire est devenu fasciste» La réaction des militants des Droits de l'Homme à propos du «Lundi noir»
«Les masques sont tombés. Le gouvernement provisoire est devenu fasciste, dictateur ». Un constat certes inquiétant. Mais c'est ce qui a été annoncé, hier, par Abdessattar Ben Moussa, le président de la Ligue Tunisienne des Droits de l'Homme (LTDH) lors de la conférence de presse que les représentants de la société civile et les défenseurs des droits de l'Homme ont donné au siège de la ligue. Marquée par la présence d'une kyrielle de militants de droits de l'homme, la conférence n'était pas une occasion pour présenter les résultats du conseil national de la LTDH tenu le weekend. Elle a plutôt été organisée pour dénoncer les dépassements du ministère de l'Intérieur lequel a eu recours à la violence abusive pour disperser les manifestants (acteurs de la société civile, défenseurs des droits de l'Homme, constituants, chômeurs, artistes, et simples citoyens…) venus commémorer la fête des Martyrs à l'avenue Habib Bourguiba. Des témoignages du « lundi noir » ont été présentés par les militants agressés. « Ce jour noir nous rappelle les événements du 26 janvier 1978. Cela nous rappelle ce qui se passe en Amérique Latine », regrette M. Ben Moussa tout en annonçant : « nous sommes menacés. Nos libertés élémentaires sont menacées », s'alarme le président de la LTDH tout en tenant à la main les bombes lacrymogènes utilisées abusivement par la police. « Une réunion regroupant tous les membres d'une coalition composée de 30 associations est prévue ce mercredi pour examiner cette question dangereuse », annonce le militant des droits de l'Homme. « Les acteurs de la société civile et les militants se pencheront sur ces atteintes aux libertés, à la liberté de manifestation et d'organisation », déclare M. Ben Moussa. Pratiques de Ben Ali De son côté, la militante Sihem Bensedrine, considère que ce jour noir rappelle les pratiques de Ben Ali. En fait, « ces agressions barbares sont gratuites et non justifiées », critique-t-elle. Elles seront d'ailleurs mémorisées dans un « Livre noir », où l'on parlera de tous les dépassements contre les citoyens, la société civile et les militants. Nombreux sont ceux qui ont été hospitalisés suite à ces agressions, dont Mohamed Attia chargé des libertés à la LTDH ainsi que le jeune Jamal, venu de Sidi Bouzid dans le cadre de la marche organisée depuis cette ville. Mme Bensedrine annonce également, que d'autres citoyens ont été gravement agressés. « Les citoyens ont été enfermés dans l'un des centres commerciaux sis à l'avenue de Paris, où la police a jeté Mohamed Ali Boughanmi du troisième étage dudit centre », annonce la militante. Dénonçant ces actes, Mme Bensedrine critique la politique adoptée par le gouvernement provisoire. Elle parle de la politique des deux poids, deux mesures. « Pourquoi le ministère de l'Intérieur n'a-t-il pas fait preuve de la même rigueur vis-à-vis des salafistes », s'interroge-t-elle tout en rappelant : « il existe des normes qu'il faut respecter pour avoir recours à la violence. Il faut respecter la distance séparant les manifestants des agents avant d'utiliser les bombes lacrymogène ». Mais malheureusement, « c'est dans la Tunisie de l'après 14 janvier que la violence se pratique toujours », tire la sonnette d'alarme Mme Bensedrine. Milices barbus Déçus, les militants des droits de l'Homme qui ont longtemps été contre la loi 69-4 du 24 janvier 1969 annoncent que la dite loi n'a même pas été appliquée. A cet effet, l'ex président de la LTDH, Mokhtar Trifi rappelle les mesures à prendre pour disperser les manifestants tout en respectant les normes en vigueur, dont l'appel de manière très claire à quitter les lieux. Mais rien de tout cela n'a été fait hier, au centre ville, où toutes les ruelles de la capitale et les rues limitrophes de l'avenue Habib Bourguiba ont été encerclées par la police qui n'a pas hésité à avoir recours à la violence toutes formes et genres confondus. Les militants parlent même de milices barbues et des personnes en civil qui tabassent les citoyens. « C'est le retour à l'ancien régime », d'après M. Trifi. « La police de retour, c'est un jour triste dans l'histoire de la Tunisie », s'inquiète le militant, mais « ils ne passeront pas », annonce-t-il d'un ton très ferme. « C'est dangereux » Pour sa part, Mme Souhayr Belhassen, présidente de la Fédération Internationale des Droits de l‘Homme parle d'un « phénomène très dangereux ». « Des milices munis de fusils mitrailleurs » étaient présents aujourd'hui en plein centre ville. « C'est dangereux et c'est inacceptable », tire-t-elle la sonnette d'alarme tout en appelant « à enquêter sur la question pour dénoncer ce qui se passe ». Par ailleurs, Neji Boughouri, ex président du Syndicat National des Journalistes Tunisiens annonce que les journalistes ont eu leur part de violence. Ils ont été violement agressés. Pis encore, ils ont été répertoriés par la police pour être agressés dans une deuxième phase. « Prêts à mourir » En ayant recours à la violence gratuite et abusive, le ministère de l'Intérieur fait preuve de non respect des droits de l'Homme et de la déclaration universelle de 1948 où l'on protège le droit à la manifestation et à l'organisation. Lors du débat tous les militants ont annoncé qu'ils sont déterminés à préserver ce droit, coûte que coûte. « Ils auront recours à la justice pour annuler la décision prise par le ministre de l'Intérieur interdisant la manifestation à l'Avenue Habib Bourguiba », annoncent-ils. Très catégoriques, les militants ont passé hier un message clair. « Nous sommes prêts à mourir pour défendre la Tunisie, les libertés et le peuple tunisien », réitèrent-ils. Le gouvernement provisoire sera-t-il dès lors capable d'en tirer les leçons. Renoncera-t-il à la violence à l'endroit des manifestants pacifiques ? Sana FARHAT
Témoignages des citoyens Violemment tabassés Anouar, président de l'Observatoire des Libertés et des Politiques Culturelles, et Slim, diplômé des Beaux arts n'ont pas échappé aux coups de pied et aux insultes des agents de la police. Sévèrement battus, les deux jeunes furent obligés de se rendre à l'hôpital pour les soins nécessaires. « Ma seule faute était d'appeler les agents de la police qui s'abattaient férocement sur un homme (Anouar) d'arrêter de l'agresser », témoigne Slim qui parlait difficilement à cause des douleurs.