Avec le déséquilibre des forces dans le paysage politique apparu après les élections du 23 octobre, les opérations de fusion et d'union se multiplient. Celle engagé depuis plus de deux mois et demi par Ettajdid présidé par Ahmed Brahim, le Parti du Travail Tunisien ( PTT) dirigé par Addeljelil Bédoui et les indépendants du Pôle Démocrate Moderniste (PDM) commence à porter ses fruits. Une conférence nationale est organisée depuis hier et se prolongera aujourd'hui, pour l'adoption de la plate-forme de cette première union en attendant de rejoindre l'autre processus initié par le Parti Démocrate Progressiste (PDP), Afek Tounes et le Parti Républicain dont le congrès unificateur est prévu les 7, 8 et 9 avril courant. Intellectuels, artistes, militants des droits de l'homme, féministes, représentants de plusieurs associations de la société civile et de partis amis étaient présents hier à l'ouverture de cette conférence nationale, à l'instar du penseur Mohamed Talbi, l'homme de théâtre Fadhel Jaziri, du président d'honneur de la Ligue Tunisienne des Droits de l'Homme Mokhtar Trifi, de Mohamed Ounaies… Rachid Mcharek , membre de la direction élargie d'Ettajdid, rappelle que « cette conférence est la première étape d'un processus d'unification qui concrétise le rêve de plusieurs générations de militants. C'est le seul choix pour les forces démocratiques et progressistes si elles veulent répondre aux attentes de la société. Il faut réunir toutes les conditions de réussite ». Il rappelle que le PTT, sans attendre l'organisation de son premier congrès, s'est engagé dans le processus d'unification. Dans le Pôle Démocrate Moderniste (PDM), les militants avaient compris avant les élections la nécessité de s'unir. Il ajoute qu'Ettajdid a réussi son dernier congrès qui avait élu une direction chargée de poursuivre les négociations pour l'unification des forces progressistes et démocratiques. Il précise que l'unification n'est pas un objectif en soi. C'est le début d'un travail sérieux pour investir les régions et les couches populaires. Ettajdid met son héritage politique et intellectuel à la disposition du processus d'unification. « Notre pays est au gré des vents. Toutes les alternatives sont possibles. Nous allons œuvrer pour que les réformes se fassent tout en respectant le caractère moderne de l'Etat qui est en danger. Le danger vient de ceux qui se donne la liberté d'attaquer la liberté des autres », dit-il en ajoutant que la période actuelle étant postrévolutionnaire, les difficultés économiques et les revendications sociales peuvent mettre en péril la Nation. Le projet d'unification est grandiose. Il faut que les jeunes et les femmes s'y retrouvent. Avancer pour servir le pays Mohamed Louzir, président d'Afek Tounes, qui a le sentiment d'être au sein de sa propre famille, appelle à la création d'un parti qui soit présent sur tout le territoire de la République et défendre un programme qui serve la société toute entière. Il précise que dans le processus engagé avec le PDP et le Parti Républicain, des concessions ont été faites. L'essentiel est d'avancer pour servir le pays car l'union fait la force. Saïd Aydi, ex-ministre de la Formation professionnelle et de l'Emploi, précise que le pays vit un moment historique. L'unité entre les partis centristes est nécessaire, entre autres parce qu'ils partagent les mêmes valeurs. « Depuis 10 ans nos jeunes sont marginalisés. Le déséquilibre dans le développement des régions est plus grave qu'on le croyait. C'est pour eux qu'il faut faire l'union », dit-il. Cette union ne doit pas être une juxtaposition d'égos ou de partis. Ça serait un échec, dit –il. « Le maître mot est la confiance entre nous, sinon nous n'aurons pas la confiance du peuple », prévient-il, en ajoutant « il faut avoir des structures avec des gouvernances claires qui laissent la place aux discussions d'idées, sans se limiter aux militants actuels. Il faut en conquérir d'autres pour être en mesure de gagner et d'assurer l'alternance ». Maher Toumi du Parti Républicain, rejoint les autres orateurs dans la nécessité de s'unir et salue particulièrement Ettajdid qui a 90 ans d'existence et s'engage dans le processus d'unification pour la création d'un nouveau parti. Mohamed Riahi du Mouvement des Démocrates Socialistes (MDS), promet que son parti rejoindra, un jour ce mouvement unitaire. Les difficultés seront surmontées Dans son allocution très attendue Meya Jéribi, secrétaire générale du Part Démocrate Progressiste (PDP), a rendu hommage à l'initiative d'Ettajdid, du PTT et des indépendants du Pôle Démocrate Moderniste (PDM) et rappelé que la Tunisie vit un moment délicat. « la Révolution risque de dévier de ses objectifs », prévient-elle en ajoutant que le pays vit une tendance claire vers l'hégémonie et la domination d'une seule force politique. Les dernières nominations annoncées dans les postes de gouverneurs ainsi que dans l'administration remettent en cause la neutralité de l'administration. Elles sont faites selon des critères exclusivement politiques. « En plus le Gouvernement est allergique à la critique », dit-elle. Le Tunisien a peur de l'avenir. « L'invasion des espaces publics est de nature à mettre en cause le caractère civil de l'Etat. Une feuille de route est nécessaire. Les Tunisiens sont inquiets pour leurs filles et souffrent de la cherté de la vie. Le peuple commence à être déçu », dit la secrétaire générale du PDP. L'espoir est né avec l'union des forces progressistes et démocratiques, car elle permettra d'équilibrer le paysage politique. Des difficultés existent encore pour réaliser cette union. Meya Jéribi ne désespère pas. « Les formules sont secondaires », dit elle. Ahmed Brahim, président d'Ettajdid, abondera dans le même sens en disant que « l'union est nécessaire pour la création d'un parti démocratique et social. Nous allons créer une structure comme première étape pour un parti populaire. Les deux processus qui sont complémentaires convergeront dans une semaine dans un seul corps uni et nouveau. L'union est une dynamique et non une simple addition ». Abdeljelil Bédoui, Coordinateur du Parti du Travail Tunisien, rappellera que les dernières élections ont révélé un effritement des forces politiques qui avaient, pourtant plus de points communs que de divergence. « Il faut dépasser le déséquilibre politique actuel et inciter les citoyens à ne pas désespérer de l'action politique. Le caractère civil de l'Etat et les valeurs républicaines sont en danger ». Il ajoute que l'union est une condition nécessaire, mais non suffisante. Il faut dépasser le caractère élitiste du discours, recruter davantage de jeunes et de femmes, s'implanter dans les quartiers populaires et dans les régions intérieures du pays. De même, il faut intensifier les relations avec la société civile. L'éveil remarqué chez la jeunesse estudiantine est réconfortant. Il faudra investir tous les espaces. Les négociations doivent se poursuivre pour formaliser la convergence avec l'autre initiative engagée entre le PDP, Afek Tounes et le Parti Républicain. A suivre. Hassine BOUAZRA