Le Temps-Agences - Dix-neuf militaires et un enfant ont péri dans les violences en Syrie hier, à la veille d'une réunion extraordinaire de la Ligue arabe pour entériner la suspension de Damas, de plus en plus isolé après huit mois de répression violente de la révolte contre le régime. Les monarchies du Golfe ont écarté l'éventualité d'un nouveau sommet de la Ligue arabe consacré à la Syrie, comme réclamé par cette dernière en réaction à sa suspension. Aujourd'hui, une réunion extraordinaire se tiendra à Rabat pour entériner la décision de suspendre la Syrie des travaux de la Ligue, votée le 12 novembre par 18 des 22 membres de l'organisation panarabe. Cinq militaires sont morts dans une attaque de déserteurs à Deraa (Sud) selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH). Dans la région d'Idleb (Nord-ouest) «14 soldats sont morts ou blessés» lors d'accrochages, et un enfant a péri à Kafarouma, où des dizaines d'explosions étaient entendues, a ajouté l'OSDH. A Homs, haut lieu de la contestation, «19 corps sont arrivés à l'aube à l'hôpital national», rapporte l'OSDH, craignant qu'il ne s'agisse de ceux de Syriens kidnappés ces deux derniers jours par des chabbiha, milices loyales au régime. Il n'était pas possible de confirmer ces bilans de source indépendante, les médias étrangers ayant interdiction de circuler librement en Syrie où la répression de la contestation a fait 3.500 morts selon l'ONU. Lundi, l'une des journées les plus meurtrières depuis le début le 15 mars de la contestation populaire, plus de 70 personnes avaient été tuées, dont 27 civils, 34 soldats et 12 déserteurs. Un militant des droits de l'Homme a dit craindre de voir le régime «amplifier sa répression sanglante» contre les manifestants pro-démocratie, après la décision de la Ligue arabe qui a également menacé Damas de sanctions économiques. Outre les manifestations pacifiques pour la liberté, les accrochages armés entre déserteurs et soldats se sont multipliés ces dernières semaines, faisant craindre que le pays ne sombre dans la guerre civile. Le régime Assad, sourd aux appels internationaux à cesser la répression, se retrouve de plus en plus isolé après avoir été lâché par ses pairs arabes qui l'ont accusé de ne pas respecter son engagement à appliquer un plan arabe prévoyant le retrait des forces armées des villes et la libération des manifestants arrêtés. Hier, la Turquie a décidé d'arrêter des explorations de pétrole menées conjointement avec la Syrie et indiqué qu'elle pourrait aussi réviser ses livraisons d'électricité en raison de la détérioration des relations avec la Syrie, pays voisin et ancien allié régional de la Turquie. Des missions diplomatiques turques ont été attaquées pendant le week-end par des manifestants pro-gouvernementaux. Parallèlement la Ligue arabe étudie un «mécanisme de protection des civils» et souhaite l'envoi de 500 membres d'organisations arabes des droits de l'Homme, de médias et des observateurs militaires dans le pays. Allant plus loin, le roi Abdallah II de Jordanie a appelé M. Assad à «quitter le pouvoir», devenant le premier dirigeant arabe à lancer un tel appel. Après ces déclarations, une centaine de personnes ont manifesté devant l'ambassade de Jordanie à Damas lundi soir, certains faisant irruption dans la cour de l'ambassade pour arracher le drapeau jordanien. Plusieurs ambassades avaient été saccagées par des manifestants après la décision arabe de suspendre la Syrie et Damas a dû présenter des «excuses». De son côté, l'Union européenne a étendu ses sanctions contre le régime syrien à 18 personnes, et a décidé de geler des prêts européens. Trois généraux sont notamment visés par les sanctions accusés d'être «responsables du recours à la violence exercée contre des manifestants sur l'ensemble du territoire syrien». Le géant pétrolier français Total a indiqué hier ne plus être payé par le gouvernement syrien pour sa production de pétrole en Syrie, frappée depuis deux mois par des sanctions européennes et américaines. Affichant la volonté de «surmonter la crise», «sans intervention militaire extérieure», une délégation du Conseil national syrien (CNS), qui regroupe la plupart des courants de l'opposition, se trouve à Moscou pour des entretiens avec le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, dont le pays a jusqu'ici refusé de soutenir des sanctions contre le régime de Damas. Les autorités syriennes ont libéré l'opposant Kamal Labouani, condamné à douze ans de prison, «en vertu d'une amnistie présidentielle décrétée récemment et qui a fait baisser de moitié sa peine de prison, ont indiqué des militants syriens.