Ce n'est pas la première fois en Tunisie post-Révolution que les extrémistes religieux ont recours à la violence en signe de contestation contre les idées et l'idéologie contraires aux leurs. Les escarmouches, les provocations sont nombreuses, mais les plus marquantes et les plus graves sont l'attaque en juillet dernier d'un cinéma de Tunis pour avoir diffusé un film de Nadia El Féni et dernièrement l'envahissement de la Faculté des Lettres de Sousse après l'interdiction faite à une étudiante portant le niqab de s'inscrire et l'agression, dimanche, contre le siège de Nessma TV à Tunis après la diffusion du film franco-iranien Persepolis et d'un débat sur l'intégrisme religieux. A deux semaines des élections de l'Assemblée constituante, en pleine campagne électorale et alors que le jeu politique ne s'est pas encore clairement décanté, ces fâcheux événements tirent la sonnette d'alarme et interpellent les forces politiques et les composantes de la société civile à réagir efficacement pour contrecarrer les dangers qui menacent la transition démocratique, les élections elles-mêmes et la suite de la campagne électorale, distinguée jusqu'à maintenant par un relatif calme quoique sans une réelle saveur ou motivation. Le citoyen est en droit de se poser une question lancinante : la Tunisie risquerait-elle de basculer dans l'intolérance religieuse ? Les salafistes qui provoquent à chaque fois des remous constituent-ils une force redoutable ou s'agit-il tout simplement d'actes isolés sans réelle conséquence sur l'avenir du processus démocratique? Le parti Ennahdha, premier concerné par cette affaire et grand favori des élections, semble agacé et tente en tout cas de jouer la carte de l'apaisement en affirmant qu'il « n'y avait pas à s'inquiéter ». Il reste que le phénomène de la violence religieuse est étranger à la société tunisienne et l'intolérance est contraire aux valeurs de l'Islam qui consacre les principes de modération, du respect de la culture, de la différence et du dialogue. Ce sont les valeurs qui doivent prévaloir en ces temps difficiles pourr prémunir la Tunisie et sa révolution contre toute dérive.