• Refus du «socialisme de misère». Plutôt une «justice dans la répartition des richesses» Le Forum Démocratique pour le Travail et les Libertés, plus connu sous le nom Ettakatol, vit une mutation délicate en passant du statut d'un parti de contestations à un parti de propositions. En témoigne le nombre de plus en plus grand de ses adhérents depuis qu'il a annoncé son programme en 100 propositions. On parle de 20 mille adhérents. Dans le cadre de sa nouvelle dynamique, la fédération de Tunis, dirigée par Mme Sihem Messadi, cadre supérieure et syndicaliste fidèle à l'UGTT, a organisé, mercredi dernier un grand meeting à l'hôtel El Mechtel. Une soirée ramadanesque consacrée à la présentation du programme du parti, dans ses volets politiques, économiques et sociaux. Mustapha Ben Jaâfar, n'était pas là, mais les membres du bureau politique présents et les différents orateurs qui se sont relayé, n'ont pas manqué de donner des éclairages utiles. C'est qu'on ne pratique pas le culte de la personnalité à Ettakatol. Khélil Ezzaouia a ouvert le bal, devant une assistance fort nombreuse, en rappelant l'intention du parti d'assurer un changement qualitatif dans l'action politique dans le pays en proposant un programme clair plutôt que des objectifs et des promesses qui ne tiennent pas la route. « Le programme d'Ettakatol est devenu un point de référence pour les partis politiques. C'est la première fois en Tunisie que des partis politiques vont rentrer en compétition sur la base de programmes », dira-t-il. Le peuple s'est révolté pour changer le système politique. C'est pourquoi Ettakatol, milite « pour une deuxième République fondée sur une nouvelle Constitution qui conserve les acquis et rompt avec la dictature ». Le plus important des acquis est le Code de Statut Personnel (CSP). Un dénominateur commun à tous les Tunisiens : la Tunisie est un Etat libre indépendant et souverain, sa religion est l'islam, sa langue l'arabe et son régime la République. L'Etat protège ce dénominateur commun. Il faut éloigner les mosquées du discours politique. L'Etat doit garantir la liberté du culte. Concernant la revendication de l'égalité dans l'héritage entre la fille et le garçon, Ezzaouia affirme que « sans toucher au texte sacré, il faut encourager la société à aller volontairement sur cette voie. Les femmes tunisiennes sont une source de fierté pour notre pays. » Le système politique doit se baser sur la séparation des trois pouvoirs avec des prérogatives claires pour chacun. Concernant le pouvoir judiciaire, il faut l'assainir pour aboutir à une justice indépendante et équitable. Une justice transitionnelle doit être mise en place. Quant au pouvoir exécutif, une préférence est acquise pour un régime présidentiel aménagé. Le président doit être élu au suffrage universel avec des attributs clairs qu'il ne peut dépasser. Le Parlement doit pouvoir engager une procédure d'empêchement contre le président. Ce dernier nomme le premier ministre à partir de la majorité parlementaire. Le Parlement partage avec le gouvernement l'initiative des lois. Le contrôle des pouvoirs doit être établi. La Cour des comptes doit être indépendante, présente dans les régions, contrôle les dépenses de l'Etat et des partis politiques. Ses rapports doivent être diffusés au grand public. Le Conseil supérieur de la magistrature doit être élu. Il faut créer une Cour Constitutionnelle pour contrôler la constitutionnalité des lois et garantir le respect des droits constitutionnels par les différents pouvoirs. Les citoyens doivent pouvoir saisir la Cour Constitutionnelle. Les Droits de l'Homme doivent être inscrits dans la Constitution avec impossibilité de les abroger sans retour aux citoyens. Il faut encourager la déconcentration et la décentralisation. Il faut créer des conseils de districts dont les membres sont élus, jouissant d'une autonomie administrative et financière financés à travers le budget de l'Etat et la fiscalité locale. Il faut revoir la qualification et l'organisation des corps de sécurité intérieure pour garantir leur neutralité et instaurer la confiance avec les citoyens. Tout en renforçant le rôle de l'armée comme pilier républicain de la défense de la Nation. En matière de politique étrangère Ettakatol, revendique une politique volontariste cohérente avec les aspirations de notre peuple et son appartenance civilisationnelle. Le partenariat euro-européen doit être équilibré. Les grandes lignes du programme économique élaboré par 40 experts durant quatre mois, ont été exposées par Mme Lobna Jeribi. Le programme détaillé sera prêt, nous dit-on, fin septembre. Mme Jeribi est partie d'un triple constats :la fragilité de l'économie, les disparités régionales et l'échec du système éducatif. Ainsi, notre économie génère chaque année 60 mille à 80 mille chômeurs, des salaires bas. Seuls 15% des postes de travail sont consacrés aux diplômés. Ainsi, nos jeunes se sont-ils engagés dans la débrouillardise. Le secteur informel crée 40% des emplois. La corruption s'est propagée dans tous les secteurs. Les disparités entre les régions se sont creusées. La crise du secteur agricole a aggravé le fossé entre les régions. L'âge moyen de l'agriculteur dépasse les 50 ans. L'échec du système éducatif est manifeste. Pour preuve le mauvais classement de la Tunisie à l'échelle internationale et le fait qu'une société sur deux ne trouve pas les compétences dont elle a besoin. La proportion des enfants qui quittent l'école entre 9 et 12 ans est inquiétante. Le système éducatif général accapare 90% des élèves. Seuls 10% sont réservés au système professionnel et technologique alors que dans les pays développés, cette proportion est de 80%. Pour les solutions préconisées Mme Jeribi parle du rôle de l'Etat. « Nous redonnerons à l'Etat son rôle régulateur garantissant la cohésion sociale et la croissance durable ». Une véritable révolution doit être entreprise dans le système éducatif. L'investissement et l'entreprenariat seront stimulés dans le cadre d'un nouveau modèle de développement. Pour stimuler le développement régional un découpage horizontal du territoire en cinq grandes régions sera effectué. Chaque région ira des régions côtières aux frontières algériennes. Elles auront des tailles et populations voisines tout en incluant les différentes activités : services, tourisme, agriculture et industrie. Jawhar Moufid en évoquant le programme social, exprimera son refus du « socialisme de misère » et son adhésion à « une justice dans la répartition des richesses ». Il ajoute « pour aider plus de 1,2 million de Tunisiens à sortir de la précarité, nous lancerons un plan national assurant aux plus démunis des programmes adaptés de réinsertion ainsi qu'un accès équitable au logement, au transport et aux soins ». Pour une soirée ramadanesque, elle était bien instructive. Fallait-il opter pour des rencontres par thème, pour un meilleur impact sur l'auditoire. Hassine BOUAZRA FaouziB [email protected] Sami Boussoffara [email protected]