Il semble que les brises de la liberté et surtout de la transparence, commencent à « casser »les responsables tunisiens. Une petite lueur de cette ouverture et de ce franc parler s'est manifestée lors de la réunion périodique des directeurs régionaux au sein de l'Agence de Promotion de l'Industrie et de l'Innovation, qui a eu lieu hier à Tunis, au siège de l'Agence, en présence de Abidi Ben Aïssa, Directeur Général de l'Agence Foncière Industrielle (AFI), ainsi que du nouveau promu Chef de Cabinet du ministre de l'Industrie et des Technologies Zakaria Ahmed, et de Sadok Bejja, représentant du ministère des Industries et des Technologies et qui veille actuellement sur le dossier des dédommagements et de la remise en marche des entreprises industrielles ayant subi des dégâts ou des pertes depuis le 14 janvier. Ce qui est à noter, notamment du côté des directeurs régionaux des agences de l'APII dans les régions, c'est que ces derniers n'ont pas eu leur langue dans leur poche, comme se déroulaient de telles réunions, juste quelques mois auparavant, et ont exposé les problèmes qu'ils rencontrent dans leurs régions respectives. Des doléances qui sont multiples, différentes et parfois complexes. Le dossier du développement des zones industrielles dans les régions a occupé la majeure partie des débats, car selon Farid Tounsi, Directeur Général de l'APII « les grèves et les pertes subies par les entreprises industrielles depuis le 14 janvier, sont une mouvance sociale que nous devons accepter. Mais ce qui est à mentionner, c'est que dans les régions, ces pertes là ont été moins importantes que dans les grandes agglomérations, ce qui dénote d'un sens aigue des responsabilités. Les responsables régionaux, ajoute encore Farid Tounsi, ont essayé de maintenir le contact avec les chefs d'entreprises dans les régions, ce qui a permis d'assurer une continuité dans la majorité des entreprises industrielles, malgré les aléas du couvre feu, des grèves et des sit-in ». Mais la priorité dans les mois et les années à venir, sera d'assurer une avancée des activités industrielles dans les régions, non seulement parce que les raisons de la Révolution sont d'ordre social et surtout à cause de la disparité entre ces régions, mais aussi et surtout, à cause des différents problèmes mentionnés au niveau des zones industrielles dans ces différentes régions, notamment de l'intérieur du pays, tels que les problèmes fonciers, le manque de raccordement aux différents réseaux de gaz, d'électricité, à l'ONAS ou encore en matière de fibre optique. Et cela outre l'étranglement que connaissent les zones industrielles dans les régions les plus prisées « là où un manque foncier grave est relevé ». « On produit du gaz, mais on n'en profite pas ! » Les problèmes que les directeurs régionaux ont exposés lors de cette réunion, sont multiples et variés. Le directeur régional de l'APII à Tataouine s'est même exclamé « comment peut-on parler d'innovation, alors que certaines régions sont même sous- développées. Dans notre région, à titre d'exemple, on produit du gaz, mais on n'en profite pas. Il est exploité dans les autres régions, mais à Tataouine, on ne peut même pas encore parler de zones industrielles ». Pour la directrice du bureau régional de l'APII à Kasserine « dans la zone industrielle de cette région, c'est le flou total qui règne. Les habitants poussent de l'avant afin d'instaurer les bases d'une zone qui pourrait être prospère dans les années à venir, mais n'ayant pas eu de réponses claires, les habitants et les promoteurs de la région, ont invité la Commission de la Protection de la Révolution à les joindre dans leurs efforts, ce qui a compliqué encore davantage les choses ». D'ailleurs, se plaint encore cette responsable « la situation de la zone industrielle même de cette région nécessite une révision, puisqu'elle est construite sur un terrain inondable, argileux et gonflable, ce qui aggrave des doutes quant à la capacité des constructions à résister longtemps devant ces défis ». Les directeurs régionaux de l'APII ont profité de la présence du DG de l'AFI afin de lui présenter leurs points de vue, leurs perceptions ainsi que leur vision des plans de développement possibles dans ces zones industrielles. Selon certains d'entre eux « il faut valoriser le potentiel foncier », alors que pour certains d'autres « la longueur des procédures et le retard des réponses des compétences concernées bloquent la prise de décision pour beaucoup de responsables locaux », ce qui a poussé certains investisseurs à se désengager des projets qu'ils comptaient lancer. Un parcours de champion semble être effectué par ces responsables entre le ministère des Domaines de l'Etat, le ministère de l'Agriculture et celui des Finances afin de pouvoir procurer des accords favorables aux investisseurs afin de bénéficier de lotissements leur permettant de bâtir leurs unités industrielles. Cette réunion a permis de dégager plusieurs déductions qui pourront former les fondements de la feuille de route que les responsables ont mentionnée. La première demande, c'est celle de décentraliser le maximum possible la prise de décision dans les régions. Créer un climat propice pour les entreprises industrielles dans des zones dotées de toutes les nécessités, à savoir le raccordement aux réseaux de gaz naturels, celui de l'ONAS, ainsi que la fibre optique sont des nécessités. Mais valoriser ces raccordements passe essentiellement par l'amélioration de l'infrastructure et notamment routière dans ces régions.