Après avoir lancé depuis quelques jours sa « Charte citoyenne » qui comportait 16 points, « l'Initiative citoyenne » a organisé hier à 11h une conférence de presse au cours de laquelle les membres de ce mouvement ont répondu aux différentes questions des journalistes et des représentants des partis politiques sur les objectifs et les principes adoptés par cette « Charte citoyenne » qui a jusque-là obtenu 100.000 signatures. A cette occasion, nous avons rencontré M. Ahmed Ben Chaâbane, avocat et membre de « l'initiative citoyenne ». Entretien : Le Temps : qui êtes-vous et que voulez-vous ? A. Ben Chaâbane : « L'initiative citoyenne » est presque une bizarrerie dans ce sens qu'elle n'est pas un parti politique, ni une association. Mais c'est une nécessité qui a vu le jour juste après la Révolution du 14janvier. Un bon nombre de citoyens de tendances diverses, émerveillés par cette révolution fantastique, se sont rencontrés, à la manière de tous ceux qui se rencontrent dans les clubs, les maisons, les cafés pour discuter de ce changement qui était inconcevable et presque impossible et qui est devenu aujourd'hui une réalité. De cette rencontre était née cette « Initiative Citoyenne » qu'on croyait un besoin pressant de répondre à des questionnements que posaient des gens qui n'étaient pas dans des partis, qui n'adhéraient pas à des organisations sur l'avenir du pays après la Révolution et qui veulent savoir dans quelle mesure ils peuvent exercer leur citoyenneté dont ils ont été privés depuis des décennies. En fait, nous n'avons jamais été de citoyens, que ce soit pendant la colonisation, après l'indépendance du pays ou sous le règne du président déchu. A qui s'adresse cette « initiative citoyenne » ? D'abord, notre rassemblement n'est nullement contre l'adhésion de chacun d'entre nous dans un parti de son choix. Bien sûr, on s'adresse aux partis d'ouverture, de la démocratie et du modernisme. Nous voulons bâtir une Tunisie moderne qui, tout en consolidant les acquis obtenus à travers les siècles… notre mouvement s'adresse à tous ceux qui oeuvrent pour sortir le pays de cet état de crise et d'indécision que nous vivons actuellement pour le mettre sur la voie de la démocratie. Nous comptons sur toutes les forces politiques qui partagent avec nous les mêmes principes et objectifs contenus dans la « Charte Citoyenne » composée de 16 points que je considère comme un travail collégial qui a été discuté en long et en large pour aboutir à sa forme définitive. Les 16 points touchent à tous les domaines dont le fil conducteur et l'intérêt général du pays. On fait appel à tous sans discrimination et il incombe à tous de construire la nouvelle Tunisie, celle des générations futures. Dans quelle mesure, votre initiative pourrait-elle contribuer à l'édification de la démocratie et des libertés en Tunisie ? C'est en travaillant avec le citoyen. Celui qui dort encore, il faut le réveiller ; celui qui hésite, il faut le bousculer, celui qui s'affole, il faut le calmer. Surtout, il faut que tout le monde réfléchisse et agisse ensemble pour pouvoir avancer. C'est vrai qu'on n'avait pas cette opportunité avant : on était épié partout et en tout temps par la police secrète, ce n'est que maintenant que les langues se sont déliées. Aujourd'hui, l'arme du citoyen, c'est sa citoyenneté. On ne veut plus de mouton de Panurge ; le citoyen doit dire son mot. Attention, il y a des possibilités de retour vers l'arrière. L'heure n'est pas aux surenchères ni aux affrontements qui peuvent nous éloigner des principes démocratiques. La « Charte Citoyenne » comprend 16 points. Le troisième point porte sur « l'assurance que l'Islam se soustrait à toutes instrumentalisation idéologique et poétique ». Comment peut-on atteindre cette assurance ? Il s'agit là d'un point d'achoppement aujourd'hui en Tunisie : il y a ceux qui y pensent mais ne disent rien ; d'autres qui prennent ce point en considération. Alors que les choses semblent plus simples et plus claires. Ce n'est pas une insulte que de discuter de ce point. Toujours est-il que les croyances restent individuelles et intimes et l'homme a toujours besoin d'un apport spirituel et le citoyen ne permet pas qu'on joue avec sa croyance. Cependant, la foi ne doit pas descendre au niveau du politique, car qui dit politique dit contradictions. L'introduction de la religion dans les affaires politiques a été depuis longtemps catastrophique pour le monde arabo-musulman. L'Etat est garant de la liberté de la foi à travers des organismes officiels qui gèrent les affaires religieuses. Personne ne peut imposer sa foi aux autres… Propos recueillis par Hechmi KHALLADI