Par Salhi sghaier - Nous apprenons par voie de presse que le gouvernement provisoire (GP) multiplie les contacts avec différents pays, dont l'Allemagne et la France, dans le but « d'organiser bientôt à Carthage une conférence internationale sur le soutien aux réformes politiques et économiques en Tunisie. « Nous aurions préféré que le GP présente cette initiative aux tunisiens d'abord ; et que le lieu soit plus chargé de symbolique révolutionnaire que ne l'est Carthage, plutôt évocatrice, en ce moment, de centre de pouvoir dictatorial. De la dynamique même d'une révolution toutes les aspirations et exigences touchant a l'ensemble des aspects de la vie ne peuvent être explicitement et clairement exprimées par le peuple. Les contenus économique, ou culturel, par exemple de la révolution sont à formuler en cohérence avec des aspirations exprimés, et s'inspirent des valeurs d'égalités, de justice, de transparence et de libertés réclamés par le peuple. Les demandes exprimées explicitement par la révolution vont de l'exigence de l'emploi à la démocratie en passant par la demande de plus de dignité, plus de plus de transparence et d'égalité. Elles sont pour les libertés et contre la précarité .Elles relèvent des registres sociaux et politiques. Par cette initiative le GP donne l'impression qu'il cherche à engager une réforme de l'économie. Cela peut paraître bon. Mais les réflexes bureaucratiques, la non concertation avec les acteurs concernés, le processus opaque de prise de décision refont surface et c'est vraiment inquiétant. Le risque est que le GP amorce un processus qui va coller à la révolution un contenu économique identique à l'ancien, les mêmes causes produisant les mêmes effets. Par son bilan et ses approches, l'équipe économique du GP, en place depuis une décennie et qui a survécu à la révolution, n'est pas qualifiée techniquement et n'est pas habilitée moralement à engager des réformes économiques. S'ils savaient y faire et voulaient le faire, ils l'auraient fait depuis longtemps. Le chômage, la précarité, la pauvreté, l'endettement des ménages et des entreprises, le recul des investissements, et la réduction du pouvoir d'achat de la grande majorité des citoyens son les termes du bilan économique de cette équipe: Un échec cuisant. Les inégalités sociales, les déséquilibres du développement régional, la dégradation de la situation des petits agriculteurs, le positionnement de l'essentiel de l'industrie dans les activités à faible valeur ajoutée qui ne génèrent que de l'emploi précaire et faiblement qualifié, le coût inaccessible du logement, sont les résultats directs de leur politique économique et de leur approche du développement. Cette équipe ne peut réfléchir économie que pour renforcer le caractère rentier, spéculatif et centralisé de cette économie. Cette économie ne peut être qu'extravertie et non génératrice d'emploi et de développement. Au mieux, elle donne un peu de croissance, mais sans développement. En bref, l'équipe économique du GP ne possède ni la légitimité ni la crédibilité pour traduire les valeurs de la révolution en termes de réformes économiques qui soient conformes aux exigences de cette révolution. Il y a un grand risque que les réformes pensées par l'équipe économique du GP ne soient que des retouches de façade, qu'elles servent surtout au maintien des intérêts de la base sociale, rentière et spéculative, du régime dictatorial et qu'elle ne jette les bases d'une nouvelle dictature administro-politique, la politique étant très souvent l'expression condensée de l'économie. Le risque est d'autant plus grand que les erreurs structurelles de conception vont s'ajouter à l'incapacité chronique de la l'administration quant à la mise en œuvre des réformes. Depuis le milieu des années 60, les réformes engagées sont rarement menées à terme : Ces réformes ont été soit déviées, soit vidées de leur substance, soit abandonnée en cours de route, soit différées.