• Pour elles, ce sont des risques qualifiés « émeutes et mouvements populaires » et donc pas couverts - De nombreuses voix se sont levées, ces derniers jours, parmi les opérateurs économiques et les conseillers juridiques, pour proposer la création d'un Fonds de trésor gouvernemental chargé du dédommagement des dégâts occasionnés aux établissements industriels et commerciaux en Tunisie, par les actes de destruction durant la révolution populaire du 14 janvier. Il s'est avéré, en effet, que les contrats d'assurance souscrits par les personnes physiques et morales ‘'sinistrées'' ne couvrent pas ces dégâts, en raison de la qualification qui a été conférée, de façon unilatérale, aux actes de destruction signalés, par les sociétés d'assurance concernées. Les sociétés d'assurance pilotées par la FTUSA (Fédération tunisienne des sociétés d'assurance) ont conféré la qualification ‘' émeutes et mouvements populaires'' aux actes de destruction subis par les établissements industriels et commerciaux au cours de la révolution tunisienne, ce qui permet juridiquement aux sociétés d'assurance d'exclure pratiquement la majeure partie de ces établissements des opérations de dédommagement, car leurs contrats d'assurance ne comportent pas la clause d'assurance contre les risques liés à la qualification ‘'émeutes et mouvements populaires''. Ainsi, une des personnes ‘'sinistrées'', Mr Ahmed Hnane, directeur d'un établissement commercial spécialisé dans la vente des appareils électro – ménagers et de téléphonie mobile, à la Goulette, nous a avoué qu'il se trouve dans un désarroi total. Il a constaté que son établissement a été pillé et volé le 14 janvier 2011, et ce à 21 heures 57 minutes exactement, d'après l'heure indiquée par la sonnerie d'alarme, déclenchée au moment du pillage, c'est-à-dire pendant le couvre feu, nous a –t-il dit. Le 17 janvier, après le retour au calme et l'ouverture des services administratifs, Il a contacté la société d'assurance qui couvre son établissement, en l'occurrence la STAR (société tunisienne d'assurance et de réassurance), pour déposer un dossier de dédommagement, mais la direction de la STAR a refusé de traiter son dossier, car son contrat ne comporte pas la clause relative à l'assurance contre les risques liés aux émeutes et mouvements populaires, lui a-t-on dit. Et c'est déjà bien qu'on lui ait donné une réponse immédiate sur place, car d'autres sinistrés se sont plaints de n'avoir pas reçu de réponses précises, jusqu'à présent. Mr Ahmed Hnane a évalué les dégâts subis par son établissement à près de 50 mille dinars et il accuse des énergumènes du quartier d'avoir commis le pillage de son établissement qui a coïncidé avec le vol et la destruction d'un grand nombre de voitures neuves importées de l'étranger et déposées au port de la Goulette, en attendant leur distribution sur le marché local. Beaucoup d'établissements de vente de l'électro ménager ont été touchés, mais par ordre d'importance financière, ce sont les secteurs de la grande distribution et des banques qui ont été les plus touchés. Une grande surface pillée a évalué ses dégâts à quelque 750 millions dinars, tandis qu'une usine de meubles a évalué ses dégâts à quelque 200 mille dinars. Au total, les dégâts occasionnés durant la révolution sont estimés à des milliards de dinars. Geste honorable des banques et des fournisseurs A cet égard, Mr Ahmed Hnane a tenu à adresser ses vifs remerciements à sa banque et à ses fournisseurs qui se sont montrés très compréhensifs et ont continué à traiter avec lui et à le soutenir pour qu'il poursuive ses activités dans des conditions normales. Il a pu ouvrir son établissement après un mois de fermeture. ‘'Peut être parce que je suis un bon client, nous a-t-il affirmé. A vrai dire, tous les sinistrés grands et petits ont trouvé la même compréhension auprès de leurs banques et de leurs fournisseurs. Lors d'un récent débat sur la question, les responsables de la FTUSA et des sociétés d'assurance ont souligné l'incapacité des sociétés d'assurance de couvrir la somme faramineuse liée au dédommagement des sinistrés, quand même elles seraient juridiquement tenues de le faire, soulignant que même les Etats en sont incapables. Mais les assureurs se sont engagés à dédommager, sans discussion, tous les assurés ayant des contrats comportant la clause de la qualification signalée, qui sont très peu. Cette situation prouve la nécessité et l'urgence de créer un Fonds de dédommagement, ont estimé les opérateurs économiques et les avocats. Ce Fonds sera alimenté par les sociétés d'assurance et tous ceux qui en ont les moyens, ainsi que par les biens des membres de la famille de l'ancien Président déchu et ceux des autres familles liées à l'ancien régime, lesquels biens ont été saisis par l'Etat tunisien. Cependant, certains citoyens de la classe moyenne et pauvre nous ont dit refuser que le peuple paie, comme toujours, les pots cassés, signalant le recours de l'ancien régime, au début de son installation, en novembre 1987, à la solidarité populaire pour renflouer les caisses de l'Etat laissés vides par le gouvernement qui l'avait précédé. Autre problème, les contrats d'assurance dit ‘'tout risque'', ‘'multirisques'' et contre les incendies ne sont pas valables, s'ils ne contiennent pas la clause de la qualification ‘'émeutes et mouvements populaires'', car les vols et les incendies volontaires ne sont pas couverts. Ce Fonds de dédommagement permettra, aussi, d'éviter l'encombrement que devront connaître les tribunaux tunisiens, pour cette raison. Les sinistrés, à l'instar de Mr Ahmed Hnane, ont préparé des dossiers et fait des constats par l'intermédiaire d'experts et d'huissiers notaires, en vue d'intenter des actions en justice pour avoir des dédommagements, ce qui augure du déclenchement d'une grande bataille juridique et judiciaire, car il existe un vide juridique en la matière, selon les avocats, encore que des dispositions aient été prises depuis 1981pour rendre l'assurance contre les incendies obligatoire, mais elles ne sont pas appliquées. La culture de l'assurance, en général, n'est pas solidement enracinée, en Tunisie, et plus particulièrement l'assurance contre les catastrophes et les risques exceptionnels comme ceux liés aux émeutes. Comme l'a dit un intervenant, la cause en est la fausse idée de stabilité inculquée aux gens durant l'ancien régime.