Le Temps-Agences - La France s'apprêtait hier à entrer dans une ère de changements au lendemain de l'élection à la présidence de Nicolas Sarkozy qui a promis, dès sa large victoire acquise contre la socialiste Ségolène Royal, de mettre rapidement en œuvre son programme de "rupture". M. Sarkozy a été élu par 53,06% des voix contre 46,94% à sa rivale. Il pourra se prévaloir de ce score sans appel, doublé d'une très forte participation (84%), pour mener les réformes radicales qu'il a annoncées aux Français. Elu pour cinq ans, M. Sarkozy va d'abord devoir engager et gagner la bataille des élections législatives, prévues les 10 et 17 juin, pour être assuré de disposer des moyens de gouverner. La passation de pouvoirs avec le président Jacques Chirac est prévu le 16 mai. M. Sarkozy a quitté hier Paris "pour deux-trois jours", a indiqué son entourage, afin de se reposer dans un lieu tenu secret. Une pause que M. Sarkozy avait présentée comme nécessaire pour "habiter" sa nouvelle fonction. Selon la presse, il avait l'intention de se rendre dans un monastère ou dans la villa de son ami acteur Christian Clavier, sur l'île de Corse. Dès son premier discours dimanche soir devant ses partisans et les télévisions du monde entier, M. Sarkozy a estimé que la France avait "choisi de rompre avec les idées, les habitudes et les comportements du passé". Reprenant les thèmes phares de sa campagne, il s'est engagé à "réhabiliter le travail, l'autorité, le mérite" et à "écrire une nouvelle page du pays" après les 12 années de présidence Chirac. "Je ne vous trahirai pas, je ne vous mentirai pas, je ne vous décevrai pas", a-t-il promis, en ajoutant qu'il serait "le président de tous les Français". Pour le Parti socialiste, qui vient d'enregistrer sa troisième défaite consécutive à une présidentielle, le résultat ouvre également une période de bouleversements: les critiques sur la stratégie de Mme Royal ont immédiatement fusé, accompagnées d'appels à la "rénovation de la gauche". Signe de ces tensions, le leader du PS François Hollande, par ailleurs compagnon de Mme Royal, a assuré qu'il ne tolérerait "aucun règlement de comptes". De son côté, la candidate battue a appelé les socialistes à rester "unis" et à "regarder vers l'avenir". Souriante malgré la défaite, elle s'est dite "heureuse d'avoir donné un message d'espoir" pendant sa campagne. Les partisans de M. Sarkozy ont fait la fête par milliers dans la nuit de dimanche à lundi sur la place de la Concorde à Paris, agitant des drapeaux tricolores et criant leur bonheur après la victoire de leur champion. Mais des échauffourées ont opposé au même moment la police à des manifestants anti-Sarkozy à la Bastille, une autre grande place de la capitale. Des incidents ont également été signalés en banlieue parisienne et dans certaines villes de province où le nom du nouveau président, dont l'action en tant que ministre de l'Intérieur a été très controversée, a été conspué. Au total, 367 voitures ont été brûlées, selon la police, qui a toutefois souligné qu'il n'y avait pas eu de "grands mouvements de violences urbaines", y compris dans les quartiers sensibles où avaient éclaté des émeutes en 2005. Les médias français ont qualifié de "magistrale" la victoire de M. Sarkozy, tout en notant qu'il allait devoir "rassembler" pour conduire les réformes à tonalité libérale de son programme. "Fort de la légitimité que lui confère son incontestable performance électorale, le nouveau président de la République peut dorénavant engager une grande mutation, en prenant soin, bien sûr, de réconcilier les Français que la campagne, très tranchée, a divisés", estimait le quotidien Le Figaro (droite). M. Sarkozy compte faire passer des réformes emblématiques dès le début de son mandat, comme l'exonération de charges pour les heures supplémentaires, illustration de son credo "travailler plus pour gagner plus". Il a aussi annoncé qu'il se rendrait à Bruxelles et à Berlin dès sa première semaine au pouvoir, afin de "marquer le retour de la France en Europe".