L'Europe est en face de nous. Un peu excentrée vers l'Ouest, l'Espagne. Mais l'effet de laisse de ce que les spécialistes ont déjà appelée de " plus grande débandade économique depuis 1931 ", reste imprévisible. Il y a deux ans, la planète vécut le remake de la crise de 29 et cela s'est déclenché encore une fois au cœur de New York. Précarité, paysage de désolation, pans entiers de la société américaine qui tombent dans la misère. Il n'y manquait que le célèbre " vie de chien " de Charlot. Deux ans après, l'Europe qui avait élevé des digues et mis en place un plan de stabilité, poussant à l'extrême la voracité de l'Euro, et réduisant de presque à néant son aide aux pays pauvres, se réveille un de ces quatre matins au milieu d'un décor où la Grèce, avec son tourisme, ses dieux et ses mythes, fait l'objet d'un soulèvement social noyé dans le sang. Et par le plus classique des scénarios, c'est l'effet d'entraînement : depuis déjà une semaine, on prévoyait que l'onde de choc parvienne jusqu'à Madrid ! Il y a une semaine, un édifiant débat tentait de délimiter les responsabilités : cette débandade est-elle causée par la monnaie unique? Les Anglais ont la réponse : oui ! Cela signifie-t-il aussi qu'il n'existe guère de modèle régional et communautaire fiable et qu'à vouloir s'étendre indéfiniment, cette Union Européenne a fini pour enfanter les germes des anciens Empires inexorablement voués à l'éclatement parce que bâtis sur des motivations géostratégiques et, donc, économiques et peu regardants quant aux impératifs sociaux ? Si l'Espagne en arrive à devoir réduire de 5% les salaires des fonctionnaires, à ne pas exclure l'éventualité de leur gel en 2011 ; si l'Espagne opulente, galactique à l'image du Real et archi-milliardaire à l'image du Barça, retire aux foyers la prime sur les natalités et gèle les augmentations des retraites, cela veut dire que le boom immobilier de 2000 a gavé les marchés et brisé, dans l'ivresse de sa croissance, la corrélation entre l'économique et le social. Lorsque le pouvoir central se désengage au nom de la décentralisation régionale - ce qui ruinera à terme tous les pays pauvres de l'Union - l'Etat n'est plus là pour assumer son rôle de régulateur. Rappelons-nous : en pleine crise mondiale, en pleine flambée du carburant, la Tunisie aura maintenu le cap des négociations sociales, sanctionnées par les augmentations de salaires. En 2009, le taux de chômage était compressé aux alentours des 13,3%. On appelle cela " spécificités ". Nous avons les nôtres et elles se fondent dans l'harmonie entre le social et l'économique. Une systématisation des modèles au sein d'une Union (comme celle européenne) génère de graves disparités. Et pour rester dans notre contexte régional, réalisons un vaste marché maghrébin. Mais que chacun garde son modèle. Car le nôtre fonctionne bien.