Propos agressifs, grossièretés, insultes... la violence verbale est une réalité dans notre société et touche toutes les tranches d'âge, les adultes, les jeunes et les moins jeunes. Même les écoliers n'hésitent pas à échanger les insultes au vu et su de tout le monde. C'est devant un établissement scolaire, qu'un simple jeu de foot se transforme en un vrai cours de « linguistique » désolant. Des enfants âgés de 8 ou 9 ans échangeant des grossièretés. Or maîtriser parfaitement un jargon médiocre est certes un mauvais signe. Cela reflète aussi bien le désengagement des parents que celui de l'école. En 2004, une étude a été réalisée sur la lutte contre la violence verbale chez les jeunes. Son objectif était de réduire ce phénomène et d'arrêter les solutions idoines à court, moyen et long terme. Plus de quatre ans se sont écoulés et les résultats sont plus qu'inquiétants. Le phénomène s'est propagé auprès d'une tranche d'âge très jeune, supposée acquérir les bases d'une parfaite éducation et surtout du savoir. Il s'agit bel et bien des écoliers.
Un groupe d'écoliers, à peine les 9 ou 10 ans jouant devant leurs établissements scolaires est une scène très ordinaire. Cela fait d'ailleurs partie de leur rythme quotidien. Supposés être chez eux ou dans des classes de permanence, ces enfants profitent des heures creuses pour se défouler. Mais comment ? C'est notamment en pratiquant leur activité préférée ; le foot. Leurs cris se mélangent avec des expressions violentes, vulgaires. Ils n'hésitent pas en fait, à s'échanger des grossièretés rien que pour communiquer. Ces scènes se déroulent juste en face de l'école ou dans le voisinage. Parfois, les jeux se transforment en vrai champ de bataille pour finir par des disputes agressives. Livrés à eux-même ils échappent au contrôle parental ou celui des éducateurs. A cet âge, les écoliers devraient recevoir les bases du civisme, et surtout de l'éducation. D'ailleurs, l'environnement et l'école ont toujours eu un rôle primordial dans le développement de leur personnalité. Un rôle déterminant et majeur pour préparer une future génération active, créative et surtout capable de contribuer positivement dans le développement socio-économique.
Protection des enfants Mais là où le bât blesse c'est que nos enfants ne sont pas protégés convenablement contre plusieurs maux de la société, dont la violence verbale. Ce fléau touche aussi bien les adultes que les moins jeunes et commence à gagner du terrain auprès de cette population. Il y a plus de quatre ans, une étude a été réalisée pour arrêter les solutions qu'il faut prendre pour lutter contre ce phénomène chez les jeunes. Elle a recommandé d'intervenir à moyen et long terme à différents niveaux tout en impliquant toutes les institutions concernées essentiellement celles de l'éducation, de la culture, de la jeunesse et du sport, de l'information, de la sécurité, et de la justice...Mettre l'accent sur la communication dans les programmes culturels, religieux et élargir la définition du concept esthétique et propreté de l'environnement à un sens plus large pour toucher l'aspect social et encourager la création et la créativité artistique, théâtrale et cinématographique sont parmi les recommandations proposées afin de lutter contre le phénomène.
Intervenir rapidement Quant à l'intervention à court terme, elle dépend de la participation de plusieurs acteurs plus particulièrement ceux qui sont en contact direct et continu avec les jeunes. Il est question dans ce cadre des établissements scolaires, religieux, des cafés et des espaces de loisirs (les salles de jeux, les maisons de jeunes et de la culture). Les municipalités, les médias et surtout la famille ont été classés parmi les intervenants qui doivent s'engager à court terme dans ce processus. Entre autres, il a été prévu d'organiser des programmes nationaux, régionaux et locaux pour sensibiliser les parents et les membres de cette structure sociale par rapport à la question. Développer l'esprit de l'autocontrôle du jargon utilisé, de la communication équilibrée, du respect d'autrui au sein de la famille ou ailleurs figurait sur la liste de recommandations.
Rôle des municipalités... Pour ce qui est du plan de travail au niveau des municipalités, il se basait sur les campagnes de sensibilisation (affichage des slogans, rencontres débats, séminaires,etc) et de l'implication des comités des quartiers dans cette démarche. Programmer des spots de sensibilisation sur les différents supports de média, prévoir des programmes à propos du sujet et organiser une journée sans violence verbale c'est ce qui a été recommandé depuis mars 2004. Des programmes classés dans les archives sans résultat apparent ou concret. Rares ont été les manifestations tenues dans ce sens pour ne pas dire qu'elle étaient quasiment absentes. Une question se pose ainsi, est-il possible vraiment de lutter contre ce phénomène quand les décideurs se contentent uniquement des paroles ? Quand est-ce que allons-nous passer à l'action de manière efficace et bien étudiée ?
Il est plus que jamais urgent de mettre en lumière les plans d'action recommandés il y a plus de quatre ans pour cerner le phénomène avant qu'il ne se propage auprès les plus jeunes. Il serait certes difficile de le maîtriser. Sana FARHAT
*** Khalil Zamiti ; sociologue « La société tunisienne est en train de passer par une phase d'anomie...En plus il y a une « rurbanisation » des villes et une urbanisation des campagnes »
La violence verbale n'est pas limitée à une catégorie particulière dans la société, « c'est l'ensemble des catégories sociales, adultes, jeunes, moins jeunes...qui en sont concernées », d'après le sociologue Khalil Zamiti. L'éthique accepte moins ces pratiques d'une frange de la société comme les enfants. Le sociologue précise que « de point de vue éthique nous pouvons considérer moins acceptable que les jeunes, les enfants aient ce comportement ». En revanche, « au plan de l'analyse et de l'observation cette violence touche toutes les catégories de la population », explique-t-il. Il ajoute ainsi ; « Nous pouvons considérer que la violence verbale a partie lié avec la perte du sens du respect ». D'ailleurs, « il faudrait s'interroger sur la société tunisienne dans son ensemble », enchaîne M. Zamiti. Il signale que « l'hypothèse la plus pertinente à ce propos est que la société tunisienne est en train de passer par une phase d'anomie. L'anomie est une situation non d'infraction commise par rapport aux valeurs, mais une position de vide normatif ». Egalement, « le contexte dans lequel s'observe ce phénomène, c'est la ruralisation des villes et l'urbanisation des campagnes. C'est-à-dire l'explosion démographique, le changement de mode de vie, l'emploi qui ne laisse plus le temps aux parents pour s'occuper de leurs enfants ». M. Zamiti parle même d'un « relâchement de l'éducation qui se manifeste par deux aspects à savoir ; la parole en d'autres termes, chacun est dans son monde, et surtout c'est que les adultes et les parents ne font pas l'exemple. Ils sont devenus le contre-exemple ». Dans ce cadre, le sociologue parle du tabagisme consommé dans les espaces publics par les adultes et même dans les établissements scolaires. D'après lui ; « l'école n'est pas une abstraction elle est faite de ses adultes ».
La violence verbale reflète ainsi l'irrespect de l'autre et l'absence des valeurs et du vide normatif. M. Zamiti considère que les jeunes et les moins jeunes respirent le stress des adultes et vivent dans cette ambiance. Mais « ce qui n'arrange pas les choses est qu'on n'est pas en train de voir la réalité telle qu'elle est ». « Il n'y a pas de diagnostic », conclut-il. Propos recueillis par S.F
*** Révision de l'emploi du temps dans l'enseignement de base M. Hatem Ben Salem, ministre de l'Education et de la Formation a annoncé dernièrement que le ministère se penche sur l'étude des modalités de révision de l'emploi du temps dans l'enseignement de base. Du fait, les écoliers auront plus de temps pour pratiquer des activités sportives, artistiques et créatives dans le cadre scolaire. Cela permettra aussi de réduire et même d'éliminer les heures creuses. M. Ben Salem a annoncé que les études se prolongeront jusqu'à 14 heures de l'après-midi dans les cas extrêmes. Cette procédure contribuera ainsi dans le contrôle des enfants et surtout les protéger contre toutes les formes de dérive. Cette expérience sera limitée au début sur un seul établissement dans chaque gouvernorat. Elle sera généralisée dans une deuxième phase. Mais elle doit prouver son efficacité.