Il paraît que, de nos jours, l'enseignement est de plus en plus perçu comme une profession de femmes. Les hommes sont de moins en moins tentés par le métier d'enseignant qui n'est pas assez auréolé de prestige à leurs yeux et n'est plus considéré comme une carrière suffisamment rémunératrice sur le plan financier. Les statistiques fournies par le ministère de l'Education et de la Formation montrent que la proportion des femmes enseignantes est plus importante que celle des hommes surtout dans les deux cycles de l'enseignement de base et que l'effectif des hommes ne dépasse que légèrement celui des femmes dans l'enseignement secondaire où, selon l'évolution actuelle, le nombre de femmes se rapprochera de plus en plus de celui des hommes et pourra facilement le dépasser dans les prochaines années. Ce phénomène est-il dû à certaines valeurs encore ancrées dans notre société qui attribuent l'éducation des enfants aux femmes ? Ce métier est-il délibérément choisi par les femmes pour avoir plus de temps libre à consacrer aux travaux ménagers ? Ce phénomène n'est pas propre à notre pays, mais il se passe la même chose dans pas mal d'autres pays où les femmes représentent un taux beaucoup plus élevé que celui des hommes dans l'enseignement (préparatoire, primaire et secondaire). En France, pour ne citer qu'un seul exemple, les femmes sont majoritaires dans l'ensemble et elles représentent jusqu'à 65 % des professeurs, selon les régions. Dans l'enseignement public, il y a quatre femmes pour cinq enseignants dans le premier degré (80,7%) et moins de trois sur cinq dans le second degré (57,3%) selon les statistiques de 2007. En Tunisie, selon les statistiques fournies par le ministère de l'Education et de la Formation, dans l'enseignement préparatoire et primaire, les femmes sont plus nombreuses que leurs homologues masculins. Dans les collèges (2è cycle de l'enseignement de base), la proportion des femmes reste majoritaire. Mais, elle diminue légèrement dans le cycle secondaire. Cette féminisation du métier pourrait être due au fait que la majorité des femmes apprécient le travail à temps partiel (18 heures par semaine, avec possibilité de travailler soit le matin soit l'après-midi) qui leur permet de vaquer aux travaux domestiques et aux obligations familiales. Cette féminisation du métier est-elle bénéfique ou dévalorisante pour l'éducation ? Les élèves, eux, préfèrent-ils être enseignés par un homme ou une femme ? Ce sont ces questions qu'on a posées à nos interlocuteurs, professeurs et élèves. Hechmi KHALLADI ÜÜÜÜÜÜÜÜÜÜÜÜÜÜÜÜÜÜÜÜÜÜÜÜÜÜÜÜÜÜÜÜ Témoignages : ** Wassim, élève au lycée : « Nous, les garçons, nous avons besoin d'un modèle, comment le trouver si sur 12 profs nous avons 11 ou 10 femmes enseignantes ? A force d'être toujours en face d'une femme qui vous dicte toutes ses idées et ses manières, c'est difficile de trouver sa place d'homme, son éthique d'homme. Les femmes enseignantes exigent beaucoup d'ordre, de soins, de silence et d'application ! » ** Khaled, élève au collège : « Pour les filles, on se sent peut-être plus à l'aise avec une femme, et puis, personnellement, je m'y suis habituée, depuis la maternelle je n'ai eu que des femmes pour enseignantes ! Elles sont peut-être plus patientes que les hommes, avec une femme, les filles sont plus rassurées ! Je pense aussi que pour se construire un enfant (garçon et fille) a besoin de la présence d'enseignants hommes et femmes comme il a besoin d'un père et d'une mère.» ** Ahmed, directeur d'école : « Cette concentration des femmes enseignantes est plus importante surtout dans les grandes villes. Elles sont pourtant moins nombreuses dans les zones rurales. Beaucoup de femmes sont affectées dans des postes en ville suite à un rapprochement de conjoints demandé par leurs maris respectifs qui travaillent depuis longtemps en ville. Sur le plan pédagogique, je ne vois aucune différence entre un enseignant et une enseignante. » ** Tahar, professeur : «Oui, elles sont en effet plus nombreuses que les hommes, à tel point qu'il m'arrive certains jours à me trouver seul à la salle des profs parmi une vingtaine de femmes. Quant à la qualité de l'enseignement, les femmes fournissent un grand effort dans leur métier qui, selon moi, est fait à leur mesure ! » Données globales de l'année scolaire 2006/2007