Les résultats du « baccalauréat de la réforme, comme on se plaît à l'appeler désormais » sont d'un « cru exceptionnel ». Ils sont certainement les meilleurs résultats du bac depuis toujours et sont chaudement salués par des observateurs de premier plan. L'un d'eux y voit la réussite totale d'un « système de qualité » et il ajoute que le taux de 50% d'admis « répond exactement aux besoins de notre pays en futurs ingénieurs, techniciens et chercheurs dans les spécialités les plus pointues ». Encore faut-il recruter ceux qui sont en chômage depuis des années !
Je me suis toujours demandé d'où quelques-uns tirent leurs informations et tissent-ils leurs analyses ? Pourtant, pendant toute l'année scolaire, les enseignants, les pédagogues, les parents d'élèves et les journalistes n'auront cessé de signaler les carences qui frappent de plein fouet l'enseignement, particulièrement avec cette nouvelle réforme. Ses programmes sont vidés de toute forme d'intelligence et ses manuels d'un niveau si médiocre qu'ils sont considérés comme une insulte faite aux Tunisiens. Jamais le taux d'absentéisme des élèves du bac n'a été aussi élevé et ceci depuis le début de l'année. Jamais nos élèves n'ont été aussi désintéressés par l'enseignement et n'ont jamais été aussi peu savants. Jamais le degré de violence et de vulgarité en tous genres dans les lycées contre les professeurs et les responsables n'a été aussi élevé. Jamais les cours particuliers n'ont atteint ce niveau de dépouillement total des familles de tous les milieux et frôlent le banditisme le plus abject au vu et au su de tous. Au lieu de signaler cette situation pour sauver un tant soit peu ce qui peut l'être encore, certains applaudissent des quatre fers. On peut leur conseiller d'aller tout simplement, ne fusse qu'une fois, à la rencontre de ces élèves admis « brillamment » et seuls 38,31% sont admis avec mention à la session principale. En effet, tout a été fait dans les règles de l'art pour faire réussir nos élèves et on pouvait même espérer avoir un 100% et même plus. L'espoir était de mise car on attend les résultats du Contrôle ! Les concepteurs de la réforme ont voulu pousser nos enfants vers l'excellence, mais ceux-ci préfèrent nager dans la piscine olympique de la médiocrité. Jugez-en ! Tout d'abord, on a commencé par leur ajouter un bonus de 25% sur leur moyenne annuelle afin de les encourager à mieux travailler. Le résultat a été spectaculaire pour les cours particuliers, les absences tout au long de l'année, sans aucune sanction, l'art sublime des fausses copies et la foire des notes ou tout se vend et tout s'achète. Ce sont nos méga-souks hebdomadaires. On écarta certains professeurs jugés sévères dans les notes et on les remplaça par des enseignants charitables. Les programmes sont vidés à l'extrême et frôlent l'anémie générale. Les leçons jugées difficiles sont supprimées, (pourtant les professeurs se permettent de ne finir que les 2/3 des cours). Les cœfficients des matières littéraires sont divisés par deux et rejoignent allègrement celui du sport et des matières à option. La note de géographie devient supérieure de 50% à celle de l'histoire, matière considérée comme la bête noire des élèves : 12/20 pour la géo et 8/20 pour la grincheuse. Les notes du bac sport nous prouvent que nous avons la jeunesse la plus sportive du Cosmos et les Chinois doivent trembler derrière leur « Grande Muraille ». Pour en finir avec cette super réforme, on offre aux élèves les sujets les plus faciles depuis, cette fois-ci, la fondation de Kairouan par Okba Ibn Nafaâ. Peine perdue et désastre quasi général. Seule la moitié de nos génies décroche ce maudit diplôme. Une simple lecture des résultats affichés dans les lycées démontre, qu'en général, les moyennes annuelles sont supérieures de 3 à 4 points, sinon plus, à celles des moyennes obtenues au bac (le double dans les lycées privés). Mieux ! Sur 49 élèves de la section Lettres dans un lycée de l'Ariana, 42 élèves ont obtenu la moyenne annuelle. Mais seuls 11 parmi eux obtiennent la moyenne au bac et 15 sont admis. Enfin, comme figue de barbarie sur le gâteau, il ne faut plus parler de la session de contrôle où on retenait la meilleure note des deux matières principales, puis un bonus de 25% en cas d'amélioration des notes des matières littéraires et celles de l'histoire-géo. On a décidé de retenir la meilleure note de ces matières, histoire de faire gonfler les résultats. Donc, c'est bien une deuxième session du bac et non une session de contrôle. Pour les amateurs de la cerise sur le gâteau, on a mieux ! Savez-vous qu'un excellent élève peut avoir une moyenne supérieure à 20/20? Par exemple un 21 ou 22/20. Très facile à avoir. Après tout on a vu un merveilleux 20/20 en philo. Pour cela, il suffit que l'élève choisisse plusieurs matières à option. On ne retient que la première pour le calcul de la moyenne et les autres sont offertes gracieusement en bonus. Einstein n'a pas trouvé mieux !
Pour conclure, une fois admis, le plus dur va commencer pour ces nouveaux étudiants, à savoir, se frayer un chemin en attendant la sortie du tunnel de cette Université tant attendue et si vite redoutée. Que dire de plus lorsque j'ai le texto d'une étudiante en 2ème année qui m'écrit : « Idek mabrouk monsieur et ne fâche pas toi sur moi. Tu es ma meilleure professeure ». Je ne savais pas que j'avais changé de sexe.