Le tribunal de première instance de Tunis a siégé sur l'affaire d'un héritage transformée en un véritable imbroglio juridique tellement les éléments du dossier étaient enchevêtrés. Pourtant, d'apparence, c'était un simple différend entre des frères et des cousins dont les défunts ascendants n'ont rien fait pour simplifier la problématique de l'héritage à leur progéniture. Pire encore, les titres de propriété étaient absents du dossier et chaque partie essayait de faire prévaloir ses droits à travers des témoignages de voisins attestant leur occupation et exploitation des lieux durant les décennies précédentes. Le tribunal n'avait pas la mission facile surtout que les uns contestaient les déclarations des autres. Des témoignages contredisaient d'autres. Mais, jusque-là, le tribunal était uniquement appelé à démêler cet enchevêtrement sans léser aucune partie. Seulement, la donne a changé lorsque l'un d'eux a présenté au tribunal un acte de notaire mentionnant que lui, et ses frères, étaient les seuls à pouvoir postuler à tout l'héritage. L'acte mentionnait que l'héritage revenait uniquement à la descendance mâle de l'arrière-grand-père. Or, le grand-père en question était l'unique mâle d'une famille de sept enfants. Donc, cet acte voulait dire que les descendants des six filles n'avaient pas droit à cet héritage. C'était un coup de théâtre et toutes les parties n'en revenaient pas. Les avocats des autres intervenants se limitaient à demander des copies de cet acte. Ils demandaient à leurs clercs d'aller vérifier la véracité de cet acte. Or, ce n'était pas chose facile. Il fallait revenir aux registres des années cinquante du siècle dernier. Et l'un des avocats a fait une véritable enquête sur les différents transferts de propriété. Il a découvert des actes de vente intéressant cette famille et datant des années soixante qui ne faisaient pas mention de cette limitation de l'héritage à la gente masculine. Ce constat a soulevé l'intérêt de l'avocat qui avait continué à puiser dans les anciens registres ayant la préemption que l'acte de notaire présenté au tribunal n'était pas authentique. Le principal obstacle consistait au fait que le registre du principal notaire s'était volatilisé. Mais, ses fouilles n'étaient pas vaines et l'avocat était parvenu à retrouver les registres du second notaire signataire de cet acte. Aucune mention n'était faite à ladite limitation du transfert de propriété à la descendance masculine. L'avocat était allé voir les archives des recettes fiscales mentionnées et il a acquis la certitude que le document était un faux. Il présenta ces éléments au tribunal qui soumit le cas au parquet. L'auteur des faits fut poursuivi pour faux et usage de faux. Confronté à ces éléments tangibles prouvant sa culpabilité il ne peut qu'avouer son forfait et écopa de cinq ans de prison.