1935 c'était l'année où le jeune Abderrahmane Mami retournait en Tunisie son doctorat en médecine en poche. Abderrahmane Mami prônait déjà l'utilisation de la quinacrine qu'on peut dire l'ancêtre de la chloroquine qui fait débat actuellement et s'avère être un remède contre le coronavirus. Devoir de mémoire oblige, retour sur ces faits de l'histoire même s'ils ne trouvent pas grâce auprès de ceux qui sont en perpétuelle colère contre le République, ses fondements et ses fondateurs. La vérité ne disparait pas pourtant sous un fatras de documents. La mémoire des hommes est vivante dans sa vérité, avec son génie, mais aussi avec ses souffrances et le mal qu'elle aurait enduré. Ironie du sort, ou peut-on plutôt dire que c'est l'histoire qui s'entête à se manifester en un éternel renouvellement : l'hôpital portant le nom si significatif et symbolique ‘'Abderrahmane Mami des maladies respiratoires'' sis à l'Ariana, devient un centre COVID de référence sous nos cieux, depuis le 25 mars 2020. Presque un siècle avant, le docteur Abderrahmane Mami, le médecin du Bey était aussi le médecin des petites gens et des pauvres qu'il allait visiter jusqu'à chez eux arpentant rues et ruelles de la capitale. A l'époque le Dr Mami prônait l'utilisation de la quinacrine pour lutter contre le paludisme.« Rôle de la quinacrine dans le traitement du paludisme » était le titre de la thèse qu'il a menée à bien et à terme en France. Ses amis et les personnes l'ayant côtoyé à l'époque se rappellent bien d'un homme de grandes qualités humaines. Habib Thameur le considérait comme père spirituel. De retour en Tunisie, le Dr Mami ouvre son propre cabinet, au 05 rue Sidi Meherzi à Bab Souika et se marie avec sa cousine Aroussia. De son premier mariage il a eu deux enfants, avant de prendre pour épouse une autre femme, Zohra qui donna naissance à neuf enfants. Une personnalité libre et profondément patriote, le Dr Mami était au premier rang du combat national pour l'indépendance. « En patriote convaincu il prenait part aux différentes manifestations organisées par le mouvement nationaliste, particulièrement celle du 9 avril 1938, au cours de laquelle des heurts sanglants ont fait plusieurs morts et blessés. Le docteur Mami, présent sur le terrain à Bab Souika et Bab Bénat, prodiguait à ces derniers les premiers soins, sauvant ainsi plusieurs vies humaines... », confie Mondher Mami. Un hôpital en son nom Bourguiba, en 1960, rend un vibrant hommage à l'homme, le médecin et le martyr qu'il était, en donnant son nom à un hôpital et affirmait que « l'Etat tunisien est résolu à combattre le sous-développement qui favorise l'éclosion de la tuberculose ». Le leader tunisien rendait visite, ce jour-là, à la famille de l'homme qui s'est donné en martyr pour la patrie, après avoir été assassiné en 1954. Chose qui a déclenché des émeutes et une vague de violence qui a amené l'occupant français à revoir sa politique en Tunisie. « Les recherches de la vérité sur cet assassinat, ainsi que sur ceux de Hached, Chaker et des frères Haffouz, sont demeurées vaines »… commente Mondher Mami, qui ajoute « En effet ‘'la main rouge'', reconnue comme étant l'auteur desdits crimes nous apparait, jusque-là, non seulement, comme une organisation terroriste, dont l'existence reste obscure, mais plutôt comme une organisation fictive créée par les services secrets français… Il convient de rappeler que l'exhumation, le 20 mai 1956, de l'un de ses assassins, ouvrit la voie à l'arrestation de plusieurs complices français dont le docteur Puigalli, maire-adjoint de la Marsa. L'enquête révéla que ce dernier avait constitué dans cette ville une cellule de l'organisation terroriste «la main rouge» et qu'il avait hébergé les commissaires Pierangeli et Gillet alors qu'ils étaient recherchés par la police tunisienne pour appartenance à une organisation criminelle, avant de quitter clandestinement la Tunisie. » Des vérités qui attendent toujours à être révélées. Et puisqu'on y est, admettons qu'on ne peut balayer d'un revers de main des vérités même si la France, malade de son passé, tente ces dernières années de légitimer « une nécessité d'oubli » face à un « devoir de mémoire »… Car il faut se faire une raison : ‘'pour cacher une vérité il faut la rendre grotesque''. Et jusque-là et malgré la traitrise de certains, les Tunisiens sont bien loin d'insulter leur histoire.