L'Homme n'a pas fini de laisser libre cours à son instinct destructeur. C'est la conclusion existentielle qui vient à l'esprit quand on constate l'état pitoyable du jardin du Belvédère. Le poumon de la capitale, visité par des dizaines de générations, n'a pas résisté au passage de l'Homme tunisien. Les canards sont partis depuis tellement longtemps qu'on a oublié s'ils ont une fois existé, l'eau est tellement sale que le bassin est devenu un étang verdâtre répugnant. Que s'est -il-passé ? On veut revivre quelques moments de son enfance, on veut boire un café au bord du bassin du belvédère et regarder les canards nager sur une eau limpide miroitante. Le paysage que l'on découvre est tout autre. Ni canards, ni eau, ni propreté, ni cadre agréable, l'état de ce qui fut un coin de paradis fait mal. L'eau moisie au fond du lac artificiel, divers déchets et objets en tous genres...on n'ose même pas regarder. Un vendeur de bonbons local donne des explications « les gens ont détruit cet endroit, j'ai vu des actes inimaginables. Une dame a une fois jeté la couche sale de son bébé directement dans le lac, une autre dame a tout simplement pris avec elle un bébé canard trop petit qui ne survivra même pas !...Je ne comprends pas l'intérêt de jeter des sachets en plastique aux canards, c'est vraiment désolant. » Le serveur du café semble tout aussi désolé de l'état alarmant du jardin « des gens sans scrupules, je ne sais si c'est par ignorance ou manque de civisme, viennent tout simplement salir le bassin. Une pollution gratuite révoltante. Je me suis habitué à voir des atrocités ; voilà une phrase qui résume le tout : le bassin est traité comme une décharge publique. » En été, on se plaint de la pollution des plages par les « serial pollueurs » fidèles aux pastèques et bouteilles en plastique, on critique et on condamne le temps d'un été. Mais dans le cas du Belvédère, c'est la pollution quatre saisons, toutes options : Hiver comme Eté, on peut jeter canettes de boissons gazeuses ou mégots de cigarettes, les sachets en plastique sont aussi admis. Les canards ne mangent pas le plastique, et s'ils sont partis c'est qu'ils ont décidé de déménager ! Des panneaux indiquent qu'il est interdit de salir le lac, interdit de s'asseoir au bord, interdit de rester sur le pont...bien on doute de leur pouvoir. Le nombre de visiteurs, la qualité des visiteurs, le laxisme de la municipalité entrent en jeu. Une pancarte indique que les travaux d'assainissement du bassin débutent en Août 2007 et s'achèvent dans 12 mois, mais le dernier toilettage remonte à 6 mois selon le témoignage du vendeur de bonbons. Impossible d'empêcher le citoyen de sévir, mais il est possible de persévérer dans l'entretien. L'eau du puits dont le lac est rempli développe rapidement les bactéries et l'assainissement doit se faire très souvent, c'est ce qui rend la tâche compliquée. Les espaces boisés sont d'une importance capitale et jouissent d'un traitement spécial dès les plans d'aménagement urbains, ils sont la poche d'air de la ville et de ses habitants. Si le moindre carré vert est à son tour atteint par la pollution, alors comment purifierons- nous l'air ? Déjà que le « mitage » des zones vertes a atteint des records, permettre la destruction des espaces intouchables est une aberration.