Dans l'esprit de rationalité, nombre de cercles académiques et de staffs politiques, de par le monde, entendent s'enquérir et promouvoir la modernisation industrielle, comme étant le passage obligé vers le développement et la reconstruction. Cette tendance à l'ouverture met en évidence, en cette phase de l'après communisme, une demande de changement de parti, quant au rapport Etat/Entreprise. Il est, en effet, clair de nos jours, qu'un a priori -tout pour l'entreprise- préside à ce choix vital relatif à la finalité du développement. Faculté donc d'adaptation du système est, à cet égard, le maître-mot. Maître-mot pour départager les doctes divisés qu'ils étaient, et ils le sont plus que jamais, entre partisans de la libre-entreprise n'ayant en vue que la croissance, et les tenants de la politique visant le plein-emploi. Dans l'analyse qui suit, arrêtons-nous à l'histoire du développement. Sans doute, le vieux monde industrialisé armé de la foi dans le changement et face à un duopole managérial, dut-il mettre les choses dans le bon ordre, comme se le représentent les premiers précepteurs et s'accorder sur un postulat, à savoir la prééminence du marché en tant que valeur sûre. Ladite valeur, et ce n'est pas le moindre de ses attributs, commande, selon eux, la stabilité macro-économique. Dès lors, c'est un débat de société qui se poursuit sur la vocation de l'appareil d'Etat d'assumer la rôle d'acteur et d'entrepreneur du développement, répondant à la double exigence de fiabilité et d'équité. Aussi, que va-t-il advenir du projet, réputé infaillible, de l'Etat providence ? Autrement dit quelle serait la position de la société civile (groupements d'intérêt et plateformes citoyennes) vis-à-vis de la mission dévolue à l'Etat en la matière ? A cet égard, il est généralement admis qu'il n'existe pas d'autre alternative au libéralisme. En effet, le paradigme adopté dans les pays de démocratie libérale, formé d'un certain nombre d'éléments constitutifs de ce qu'on appelle communément les fondamentaux, lesquels entrent dans la qualification du modèle de l'économie de marché (notamment compétitivité, rentabilité, austérité…) ne souffre d'aucun démenti. De fait, des chercheurs, des économistes et des philosophes s'attachent, à longueur d'écrits, à résoudre des équations, lesquelles, la globalisation aidant, prennent dans ce contexte un regain d'intérêt. Quelle portée, la rationalisation budgétaire revêt-elle pour compléter ce schéma directeur ? Mais aussi, à quel degré de rigueur s'en tiendra-t-on afin qu'elle soit en phase avec les fondamentaux ? Au fond, c'est un débat où s'affrontent les disciples de deux idéologues distingués de l'économie politique, John Meynard Keynes et Miller Friedmann. Les deux hommes défendent deux courants de pensée, de sorte que les priorités en soient bien fixées et la logique strictement respectée. Dans la première école, l'on penche vers le choix de la sécurité matérielle (du peuple), et l'on opte ainsi pour l'interférence étatique dans le monde des affaires. Située à l'antipode de sa rivale, on trouve dans l'école capitaliste des propositions libertaires voulant que soit écarté l'Etat et son arsenal de lois, véritable chape de plomb délétère pour l'initiative individuelle. L'école libérale tend à encourager le business et à instaurer l'austérité. Du reste, à bien y regarder, dans le système libéral l'emprunt de retouches progressistes, dans des circonstances précisées est autorisé, pour sauver des emplois. C'est, par exemple le cas où un chef d'entreprise serait menacé de faillite. Il a recours à la sécurité, méthode exceptionnelle tendant à maintenir, tout ou partie, de son personnel, pour lui éviter le chômage. Dans cette hypothèse, l'exception confirme le règle et y recourir s'appelle un erast, et la solution trouvée n'est en réalité, qu'un paravent étant donné qu'elle est cantonné à un pragmatisme conjoncturel. La gouvernance, une option à risque ! Dans les jeunes démocraties, la solidarité est au cœur du système. La première chose à faire étant la construction de la société du développement et l'instauration de l'égalitarisme, son corollaire, loin de la gouvernance. Dans les pays en voie de développement, il y allait du devenir de la république. Excentricité, Juge-t-on dans les vieilles démocraties. Qu'à cela ne tienne. L'Etat, dans la plupart des pays du groupe des 77, sous-tend un projet dont l'épine dorsale est le développement intégral. Il entreprend de mettre sur pied des offices, des entreprises publiques au capital desquels il participe exclusivement. De la simple boulangerie à la manufacture, les lois d'obédience dirigiste, jettent les bases d'une économie autocentrée. Dans ces pays, le capitalisme d'Etat à la haute main et la politique industrielle est tournée vers l'autarcie. Des pans entiers de l'économie, tous secteurs confondus, obéissent à la logique de sécurité (politique de plein emploi, politique des revenus et urgence de la sécurité alimentaire). Dans un temps pas très lointain, le droit de la concurrence était de pure forme, et sur le fond on le récusait, tout comme le monopole. Du fait, dans un pays comme la Suisse, on milite pour une agriculture utile. Ici, l'enjeu est crucial : éviter le dépeuplement des campagnes et traiter un problème lié à l'environnement. N'est-ce pas là un cas d'illustration de la politique sociale et solidaire ? Mais, à chaque étape son système, et le moins d'Etat à vite fait de prendre la relève et redresser la situation de démesure des responsabilités de l'Etat dans le domaine économique. Les revendications qui sont dans l'air du temps se font plus urgentes et plus pressantes. L'ouverture des frontières nationales a commencé avec les négociations dans le cadre du GATT, suivies par celles de l'Uruguay-Round, pour se conclure par le Cycle de Genève, et partant, la signature à Marrakech du traité créant l'Organisation Mondiale du commerce (OMC). Cependant, mis à l'épreuve, durant ces dernières années, le traité sera contesté par la première puissance économique mondiale qui n'arrive pas à faire valoir ses intérêts. En l'occurrence, les Etats Unis, qui ont une balance commerciale déficitaire avec d'autres puissances économiques, dénoncent ce déséquilibre, se prévalant de leur souveraineté. Ainsi, le sans-frontiérisme, en matière économique, cède le pas à l'isolationnisme des Américains, finira en guerre commerciale et sonnera, probablement, le glas de l'OMC. Pour autant cet affrontement -avec une portée moindre– mettra aux prises les pays industrialisés de l'Occident avec les pays pauvres, en mal de compétitivité. En général, on bute sur les subventions étatiques accordées par certains pays à l'agriculture et à l'industrie défendues en principe, par le traité, car contraire au système libéral. Au plan national, force est de constater l'appartenance, dans les pays en développement, des industries de réseau à l'Etat (Transport, eau, électricité…). Toutefois, celui-ci, en ces temps, se trouve devant un sérieux dilemme. Le patronat cherche à obtenir le désengagement de l'Etat et nonobstant l'opposition des syndicats, des appels à l'ouverture au capital privé de ces secteurs ont été couronnés de succès. Dès lors, il ne manque que l'externalisation avec la vente des entreprises, ainsi privatisées à des non-nationaux. Pour clore ce choix libéral, il appartiendra, aux nouveaux maîtres d'accomplir les réformes assurant la rentabilité requise (mobilité des salariés, action en faveur de la baisse d'impôt, forcing pour gagner des marchés…). Le concept de gouvernance initie un dogme. En vigueur, à la fin du XIXème siècle, au Royaume-Uni, principalement, cette doctrine néolibérale tente d'apporter la démonstration de la puissance de l'argent comme moteur en affaires. Par suite, la gouvernance qui se confond avec le pacte de stabilité, pierre de touche de la science économique de l'ère contemporaine, on la voit percer et s'adapter en modèle de l'économie de marché. Sauf à songer de remettre en question cette « normalité », l'on se doit, logiquement, en tant que promoteur de s'en tenir à ses commandements, tendant à choisir la politique de l'offre et à recourir au crédit, dans tout investissement en entreprise. Cela suppose qu'en amont, le gouvernement tâche de mettre en œuvre le paquet de modernités. Autrement dit, il fallait que le politique engage l'Etat sur la voie de la réforme, soit aggiornamento. Celui-civeut, donc, qu'il soit renoncé par l'Etat à son pouvoir régalien, sans pour autant, se remettre en cause. L'Etat régulateur doit réduire ses prérogatives, se faisant plus modeste, et éviter l'excès de normes. Le dirigisme selon les néo-libéraux, n'est pas synonyme de dysfonctionnements dans le système. Au contraire, le dirigisme engage à réagir dans le sens de la réalisation d'un environnement propice au progrès. Industriels et financiers espèrent pouvoir se retrouver dans les méandres cet environnement, sans être déroutés par l'intrication entre politique, administration et entreprise. Mais attention ! Derrière cette façade visant l'efficacité et le bien commun, d'aucun estiment qu'en fait de consensus, il y a amalgame et que ce mode d'action ne manque pas d'avoir des suites inévitables à savoir délitement de l'Etat de droit et atteintes, à la limite, à l'ordre public. A vrai dire, les businessmen admettent qu'au fond, par ce comportement, ils poussent, sans ambages, et prétendent à l'intéressement personnel. Ce qui les meut, au premier chef c'est une vision idyllique du réel, savoir que ce qui est bon pour l'entreprise est bon pour la totalité de la société et que sa réussite profite à l'ensemble de la collectivité. Cette conviction s'est ancrée en eux, en vertu de laquelle une entreprise bénéficiaire garantit l'emploi et sert l'intérêt général, y compris, celui, des travailleurs. A en croire, ses théoriciens, le marché peut grever le système. Au demeurant pensent-ils le patronat en accord avec les politiques sauront, tout de mène, gérer les probables lacunes. La gouvernance, en somme régit, comme il se doit, la société de développement avec la création de richesses et du fait de la consécration du tout-profit. Elle est la résultante de paramètres prêtant au rêve de mercantilisme, à défaut, semble-t-il, de pouvoir assurer le développement intégré et partagé, sans risque d'être contredit par cette devise: «Contentement passe richesse». S.H.