Le racisme en Tunisie a pris pied en Tunisie depuis l'esclavagisme. Celui-ci remonte à des millénaires, d'autant plus que sa position géographique était favo- rable aux échanges commerciaux, dont le trafic d'être humains, avec l'Afrique sub- saharienne et l'Europe. Ce trafic était fréquent dans les régions de Fezzan, notamment au cours des guerres locales entre les tribus ainsi lors des captures des Européens sur les côtes européennes. Au fil du temps, cette pra- tique qui s'est perpétuée a véhiculé une mentalité consistant à considérer toute personne de peau noire comme esclave en puissance . Les temps ont évolué mais cette menta- lité est restée ancrée chez plusieurs per- sonnes, ne serait-ce que par le langage courant, une personne de peau noire étant désignée par « oussif » ou pis encore « âbd » signifiant esclave en arabe. Beaucoup parmi ceux qui affirment ne pas être racistes, sont trahis par leurs comportements qui sont souvent irréflé- chis, ne serait-ce qu'à travers leur lan- gage courant, avec un humour inconve- nant et des expressions tendancieuses. C'est pour cela qu'on ne peut pas parler, en Tunisie de racisme flagrant, et encore moins de ségrégation. Il y a également des cas de violence à l'égard des noirs qu'il ne faut pas taire afin de ne pas sombrer dans les conflits ségrégationnistes, ce qui est quand même loin d'être le cas en Tunisie. Le dernier en date a été celui des ressortissants ivoi- riens, agressés par des Tunisiens, au cours d'une bagarre de quartier. Le procureur de la République a ordonné l'ouverture d'une enquête et les agresseurs ont été interpellés. La société civile avec toutes ses compo- santes a dénoncé ces actes qui ne sont pas les premiers dans leur genre. Condam- nant cet acte barbare, indigne d'une Tuni- sie présentée souvent comme étant terre de paix et de tolérance. D'autant plus qu'il ne s'agit pas d'une première dans le genre, les exemples et les cas de telles agressions sont multiples subies souvent par des étudiants subsahariens. La société civile ne cesse de dénoncer ces crimes à connotation purement racistes et discrimi- natoires. S'agit-il d'une tendance courante ou de cas isolés ? A vrai dire , s'il y a des tendances à la xénophobie et au racisme chez certains Tunisiens, mais cela ne permet pas pour autant de généraliser. Certes la réaction de certains internautes par exemple, suite à cette bagarre, incite à faire réfléchir davantage sur cette question. C'est le cas de cette internaute qui a publié sur son mur entre autres : . « Donnez-moi un fouet que je lui rappelle ses origines d'es- claves. [...] Depuis quand les nègres ont- ils le droit à la parole. Ils t'ont sorti de l'esclavage et tu te crois tout permis ». Cela est à la limite de la diffamation et le jeune homme a décidé , selon ce qu'il a déclaré aux médias de porter plainte en rétorquant . « Je suis noir de peau, et je porte sur moi ma plus grande fierté ». Le procureur appréciera, sur la base des élé- ments du dossier et selon son intime conviction. Cela dit, le problème de racisme a été tou- jours dénoncé et combattu par la plupart des Tunisiens, et les incidents qui surviennent de temps à autres restent des cas isolés. Oui, la Tunisie, est malgré tout une terre de tolérance et les problèmes de racisme ne se présentent plus avec la même acuité que ce qu'il étaient avant 1846 date à la quelle l'esclavage a été aboli sous Ahmed Bey 1er . Avant cette date le trafic de personnes surtout de peau noirs était toléré. Dans un ouvrage de Viviane Pâques, cette écri- vaine qui s'est intéressée à ce problème a écrit notamment dans « les cahiers d'outre mer » : « Dans les oasis, l'esclave était surtout utilisé soit comme domestique, soit pour creuser les puits et les canaux d'irrigation. Il travaillait aussi du coucher au lever du soleil et reçoit en échange un plat de couscous. Lorsqu'il devient chou- chane, son statut est celui de khammès et il touche un pourcentage sur la récolte. Mais son travail reste le même... » . Avec le recul cette anthropologue qui a faite des stages en Afrique subsaharienne , parle de la conjoncture coloniale qui pré- dominait durant les années cinquante du siècle dernier. Bien de l'eau a coulé sous les ponts depuis. Cependant une certaine survivance du racisme, due à une certaine mentalité qui a persisté après l'abolition de l'esclavage et qui a peu à peu changée au fil du temps, notamment dès l'aube de l'indépendance. En effet, durant la période du soi disant protectorat, les autorités coloniales se complaisaient dans une telle situation , leur divise consistant toujours à diviser pour mieux régner . Peu à peu cette mentalité s'est estom- pée, pour presque disparaître, sauf dans certaines régions éloignées du pays. Il n'en reste pas moins qu'après la Révolution des cas de racisme ont res- surgi, dans un but de semer le trouble pro- fitant à certains détracteurs. A cet effet, le chef du gouvernement, Youssef Chahed avait annoncé, en 2016, qu'une loi criminalisant le racisme et les discriminations en tout genre sera adop- tée. Cette loi doit être appliquée de manière stricte, annonçant, également, l'organisation d'une Journée nationale pour combattre le phénomène. Deux ans plus tard , en juin 2018, la commission parlementaire a approuvé cette loi. Teneur de la loi sur le racisme Les crimes racistes sont punis en vertu de cette loi de 6 à un an de prison ainsi qu'à des amendes allant de 500 à 1000 dinars. Les victimes d'agressions physiques ou verbales à caractère raciste, sont en mesure d'agir devant la justice contre le coupable en vue de demander réparation. Certes le problème du racisme persiste encore, mais pas avec la même acuité qu'on le présente, les mentalités ayant changé au fil du temps et de l'évolution de la société. Vivement que cette loi soit adoptée par le parlement au plus tôt , car elle est de nature à contribuer à éradiquer le phéno- mène du racisme inciter à mieux consoli- der cette culture de lutte contre toutes les formes de discrimination, quelles qu'elles soient.