Grogne de l'opposition Le Temps - Agences - Mouammar Kadhafi entame aujourd'hui une visite officielle en France, un déplacement qui scelle la réhabilitation diplomatique du dirigeant libyen et suscite de vives critiques de l'opposition. "Bienvenu ?", s'interroge Le Journal du Dimanche, résumant le sentiment dans les médias à propos d'une visite d'une durée de cinq jours dont tous les détails ne sont pas connus. Envisagée après le déplacement de Nicolas Sarkozy à Tripoli le 25 juillet, au lendemain de la libération de cinq infirmières bulgares et d'un médecin d'origine palestinienne, cette visite du "guide de la Grande Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste" est sa première en France depuis 1973. Mouammar Kadhafi, qui est attendu en début d'après-midi à l'aéroport d'Orly, doit avoir deux entretiens avec Nicolas Sarkozy. Sa présence devrait donner l'occasion de signer des contrats de plusieurs milliards d'euros, achats d'Airbus, d'un réacteur nucléaire et d'équipements militaires. François Hollande, premier secrétaire du Parti socialiste, estime que Nicolas Sarkozy va recevoir "un chef d'Etat qui justifie aujourd'hui le recours au terrorisme international", allusion à des propos tenus par le dirigeant libyen à Lisbonne vendredi. Pour François Bayrou, président du Mouvement démocrate (MoDem), le recevoir est "indigne". Ségolène Royal juge quant à elle cette visite "intolérable" et "inadmissible". Face à ces protestations, l'UMP, le parti de la majorité, a lancé un appel au "respect" envers le dirigeant libyen . Le président Nicolas Sarkozy a de son côté serré la main de Mouammar Kadhafi samedi dans la salle de conférences du sommet UE-Afrique dans la capitale portugaise, se disant "très heureux" de le recevoir à Paris. Le chef de l'Etat français a, plus tard dans la journée face aux nombreuses questions de la presse sur le sujet, souligné que, contrairement à d'autres dirigeants occidentaux, il avait attendu que Tripoli libère les soignants bulgares, détenus pendant huit ans au motif d'avoir délibérément inoculé le virus du sida à des centaines d'enfants, avant de se rendre en Libye. "Si nous n'accueillons pas des pays qui prennent le chemin de la respectabilité, que devons-nous dire à ceux qui prennent le chemin inverse?" s'est-il interrogé. "Je souhaite que cette visite soit un succès, que nous arrivions à signer un certain nombre d'accords économiques", a ajouté Nicolas Sarkozy. Ces contrats devraient porter sur "plus de trois milliards d'euros d'Airbus, un réacteur nucléaire et (...) de nombreux équipements militaires", a déclaré au Figaro Seïf el Islam Kadhafi, le fils aîné du dirigeant libyen, souvent présenté comme son successeur désigné. Il a ajouté, sans plus de précision, que son pays négociait aussi l'achat de Rafale, le chasseur bombardier du groupe Dassault, qui ne s'est pour l'instant pas vendu à l'étranger. Pour certains analystes, la visite à Paris de Mouammar Kadhafi serait en réalité un marchepied vers Washington. "Kadhafi espère que sa visite à Paris l'aidera à accélérer la normalisation de ses relations avec les Etats-Unis et lui permettra de se rendre à Washington sous peu", estime le politologue et expert en affaires libyennes Ali Anzoula. "La Libye pense et a toujours pensé que la clé pour revenir sur la scène internationale est à Washington et que les principaux pays européens n'ont qu'un rôle secondaire", à part sur le plan commercial, dit un diplomate européen à Tripoli.