La Caravane nomade des deux rives vient de terminer sa tournée en Tunisie en ayant engrangé un succès remarquable. Entamée le 5 avril à la Goulette, la tournée de la caravane l'aura menée à Sbeitla, Gafsa, Sfax, Tunis et Bizerte. Gage de l'engouement du public, près de quarante mille personnes se sont pressées devant les chapiteaux de ces troubadours d'un genre nouveau. Retour sur une initiative pilotée par la Délégation générale Wallonie-Bruxelles en Tunisie.... Christian Saelens peut désormais être pleinement satisfait. En effet, le premier responsable de la Délégation Wallonie-Bruxelles en Tunisie peut avoir plusieurs motifs de satisfaction après la tournée pleinement réussie de la Caravane nomade des deux rives, une initiative culturelle novatrice qui s'est déployée du 5 avril au 22 mai dans plusieurs villes tunisiennes. Les conditions d'une rencontre culturelle tuniso-belge De prime abord, l'entreprise pouvait paraître risquée, osée, périlleuse. Impliquant une logistique lourde, se déroulant pendant une cinquantaine de jours, allant à la rencontre du public bigarré des places publiques, cette initiative est une première qu'il fallait négocier avec adresse. Aux origines du projet, le partenariat avec la compagnie des Nouveaux disparus et l'association We Love Sousse laissait entrevoir des possibilités infinies. En effet, outre l'aspect ludique et le côté spectaculaire, la Caravane des deux rives repose sur un patient travail de formation et de rencontre culturelle. Pour aboutir à la tournée, il aura fallu plusieurs stages, la recherche de partenaires et la préparation d'un contexte propice. Artistes belges et tunisiens se sont ainsi retrouvés à la source d'un projet ambitieux qui consistait à présenter plusieurs spectacles dans de nombreuses villes tunisiennes et précisément sur les places publiques. Avec un chapiteau et des dizaines d'artistes, le dispositif de la caravane est fort impressionnant. L'arrivée dans une ville et l'installation des espaces devient ainsi un événement en soi, une sorte de "teaser" qui ouvre la voie à la curiosité et laisse le public dans l'attente. Nombreux ont ainsi été ceux qui ont cru à l'arrivée d'un cirque en ville et le bouche à oreille a vite fait de relier la bonne nouvelle. Pendant ce temps, les artistes affûtaient leurs performances et spectacles pour être capable d'accueillir les publics dans leur diversité. Si le passage initial par la Goulette était expérimental, c'est à Sbeitla que les choses ont commencé à marcher. Ni obstacles linguistiques ni barrières culturelles Dès sa première étape, la caravane avait décroché la lune. Un public nombreux, un intérêt réel et une ambiance conviviale ont caractérisé cette première sortie, annonçant un schéma qui se confirmera à chaque ville visitée. Dans sa diversité, jeunes et familles en tête, le public répondra présent au point où toutes les prévisions des organisateurs ont été dépassées. Pas d'obstacle linguistique ni de barrières culturelles: la méthodologie du projet avait agi et permis une fusion des acteurs tunisiens et belges qui intervenaient dans la complémentarité et géraient les attentes. Les risques inhérents à une performance sur la place publique ont également été adroitement négociés grâce à une offre multiple et une disponibilité opérationnelle bien étudiée. Dès lors, place au théâtre, à la danse, aux musiques et aux ateliers! Telle une ruche, la caravane distillait son miel à la confluence de la joie et de l'apprentissage. Brassant des milliers de spectateurs qui, loin d'être passifs, s'investissaient à fond, le programme proposé faisait la part belle à ces troubadours d'un nouveau genre. L'expérience avait bel et bien pris la dimension attendue et ressemblait à un gigantesque happening qui mobilisait là où il passait. Avec cette caravane, la Délégation Wallonie-Bruxelles et ses partenaires institutionnels et artistiques lèvent plusieurs lièvres à la fois. D'abord, ils prouvent la réceptivité du public tunisien qui, de Gafsa à Bizerte, a réservé le même accueil chaleureux aux artistes. Ces derniers n'ont pas choisi la facilité et ont préféré aux espaces convenus des lieux non conventionnels. Ils ont été récompensés pour leurs choix à double titre: d'une part, ils ont pu rencontrer des audiences différentes et d'autre part, lier de véritables complicités. Il suffit de savoir que le stade d'El Hrairia, un quartier périphérique de l'ouest de Tunis qui accueille très rarement des événements culturels, a réuni près de 10.000 spectateurs durant le passage de la caravane, pour s'en convaincre. Un happening artistique sur les places publiques En second lieu, la Caravane des deux rives est venue apporter la preuve qu'une approche interculturelle pouvait aisément être validée par un public populaire. Il est en effet rare que des artistes de l'autre rive se produisent dans les cités populaires de Tunisie et la caravane l'a bel et bien fait. Ceci est du au travail en amont qui a permis de calibrer l'offre et aussi à la forte présence des artistes. Enfin, cette caravane confirme que la culture se déploie de plus en plus sur les places publiques et que les appropriations du territoire urbain par les artistes ouvrait la voie à une vie culturelle hors les murs des institutions spécialisées. Le coup d'essai fut donc à maints égards concluant et ouvre déjà l'appétit à plusieurs opérateurs culturels qui ont suivi avec beaucoup d'intérêt l'équipée de la Compagnie des Nouveaux disparus et ses partenaires dans cinq villes tunisiennes. Artistes et institutions devraient en effet se pencher sur cet exemple qui pourrait faire jurisprudence et, peut-être la prochaine étape devrait-elle prendre la forme d'une table-ronde avec différents intervenants pour vulgariser cette expérience, diffuser les ressorts de la démarche et revenir sur les nombreuses péripéties de ces cinquante jours d'art et de culture vécus à travers la Tunisie.